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sa voiture: des pierres sont lancées contre son escorte; le roi est privé de sa garde; le roi est contraint de supporter la confédération des chevaliers communeros qui se sont donné la mission de juger, condamner et exécuter tout individu suspect, sans excepter le roi ou ses successeurs s'ils abusaient de leur autorité; le roi, prisonnier couronné, ne peut plus, en 1822, quitter son palais gardé par la milice; meurtre 1) (d'après le procédé de la loi de Lynch), du prêtre don Mathias Vinnesa: condamné à dix années de présidio comme coupable d'avoir voulu organiser une contre-révolution, il est exécuté à coups de marteau par cinq ou six cents forcenés qui, à partir de ce moment, prennent le titre de chevaliers de l'ordre du marteau, comme les révoltés de Paris, en 1383, recurent le nom de maillotins etc; enfin, emprisonnements et transportations arbitraires de citoyens, de propriétaires, de pères de famille qu'aucune loi n'a frappés, qu'aucun jugement n'a atteints; la reproduction de ces mêmes faits exécutés de la même manière, a lieu à Barcelonne, à Valence, à la Corogne etc. : voilà donc le tableau que présente l'Espagne, ..... l'anarchie dans toute sa plénitude au moment où se réunit, en Novembre 1822, le congrès de Vérone!

A ces maux vint se joindre la fièvre jaune qui ravagea la Catalogne, gagna l'Andalousie et pénétra dans l'Aragon; mais livré à ses dissentions civiles avec l'ardeur du fanatisme politique qui dessèche tout, le pays, dit M. de Martignac, resta longtemps spectateur quasi indifférent de la marche meurtrière du fléau.

La France envoya des médecins et des sœurs hospitalières en Espagne, et un corps d'armée pour former le long des Pyrénées, un cordon sanitaire qui fut transformé, dans le mois de Septembre 1822, en armée d'observation, mesuer

4) 4 Mai 1824.

dont toutes les puissances, l'Angleterre elle-même, comprirent la nécessité et qu'en effet l'état de l'Espagne justifiait.

Le parti conservateur et royaliste de l'Espagne s'entendit enfin, pour résister aux nombreux éléments de désorganisation sociale qui préparaient la décadence et la ruine du pays: Merino dans la Castille, Govostidi en Biscaye, Misas en Catalogne, Truxillo, Chefandino et Hierro en Aragon, Antonio Marañon ou le trappiste etc. étaient les chefs du parti opposé à la révolution; le baron d'Eroles, homme d'une haute influence, dirigeait les mouvements en Catalogne : l'armée de la foi s'organisa sous les ordres de Miralles, du trappiste et de Romagnosa qui, le 21 Juin 1822, s'empara, par l'assaut, de seu de Urgel où s'établit le quartier général de la résistance royaliste. Dès le 15 Juillet, l'armée de la foi s'élevait à 20,000 hommes et avait soumis à l'autorité du roi 450 villes et villages. Un gouvernement royaliste se forma à la seu de Urgel sous le titre de Régence suprême de l'Espagne pendant la captivité du roi elle fut installée le 14 Septembre; elle se composait du marquis de Mataflorida, de l'archevèque de Tarragone et du baron d'Eroles.

Le congrès de Vérone s'ouvrit au mois d'Octobre 1822, et dura deux mois. Les empereurs d'Autriche et de Russie,2) les rois de Prusse, des deux Siciles, de Sardaigne,3) ainsi que plusieurs princes souverains d'Italie y assistaient; la France

y

était représentée par le duc Mathieu de Montmorency, ministre des affaires étrangères, et par le vicomte de Châteaubriand; l'Angleterre, par le duc de Wellington. Aux conférences, présidées par le prince de Metternich, assistèrent le

4) V. Plus loin la lettre du 23 Janvier 1823, du vicomte de Châteaubriand à M. Canning, et celle de ce ministre, en date du 31 Mars, ȧ sir Charles Stuart.

2) François I, Alexandre I.

3) Frédéric Guillaume III, Ferdinand I, Charles-Félix.

comte de Bernstorff, pour le roi de Prusse, et le comte de Nesselrode pour l'empereur Alexandre.

La réunion de Laibach avait, en se séparant au mois de Mai 1824,') déclaré que les conférences se renouvelleraient dans le courant de l'année 1822, en vue d'y fixer le terme de l'occupation militaire des deux Siciles et du Piémont. Le congrès de Laibach ne jugea pas à propos de s'occuper de la révolution d'Espagne ;) dans la pensée qu'elle ne pourrait être aussi dangereuse pour l'Europe que celles de Naples et de Turin, attendu la position géographique de l'Espagne, il abandonna, en quelque sorte, tacitement à la France, le seul pays, parmi les cinq grandes puissances européennes, dont la frontière touche celle de la péninsule, de mettre un frein à l'agitation du royaume de Ferdinand VII, aussitôt que cette agitation pourrait nuire au repos de la France. 3) Mais si le congrès de Laibach a pu croire ou espérer que les troubles politiques de l'Espagne n'offraient pas un danger sérieux, bien que les révolutions de Naples et du Piémont fussent la preuve que la révolution d'Espagne pouvait fatalement franchir les Pyrénées, les événements déplorables qui s'étaient succédé dans la péninsule, depuis la séparation du congrès de Laibach jusqu'à la réunion de celui de Vérone (dix-sept mois à peine), démontrèrent aux souverains de la sainte-alliance la nécessité de ne plus se borner à l'envoi de simples conseils à Madrid; ces souverains se montrèrent déterminés à maintenir la paix de l'Europe et à apporter un remède efficace au mal qui dévorait la monarchie espagnole.

Le plénipotentiaire anglais s'abstint de se prononcer, par les motifs que le lecteur trouvera développés plus loin, no

1) V. Chapitre V et Chapitre VI.

2) V. La dépêche du prince de Metternich, du 14 Décembre 1822. 3) V. La dépêche du comte de Nesselrode, du 26 Novembre 1822. 4) V. Plus haut, la note confidentielle, du vicomte de Castlereagh du mois de Mai 1820.

tamment dans une dépêche adressée le 23 Janvier 1823, par le vicomte de Châteaubriand, ministre des affaires étrangères de France1) à M. Canning principal secrétaire d'Etat britannique pour les affaires étrangères.

Lorsque le congrès de Vérone eut réglé les affaires d'Italie, ses yeux se tournèrent, inquiets, vers l'Espagne, et les délibérations qui s'ensuivirent, donnèrent lieu aux notes, dépêches et mémoires que nous allons successivement reproduire ce sont d'abord, une dépêche du comte de Bernstorff, au Chargé d'affaires de Prusse à Madrid (12 Novembre); deux dépêches du comte de Nesselrode au Chargé d'affaires de Russie à Madrid (26 Novembre); une dépêche du prince de Metternich au représentant de l'Autriche en Espagne. Ces écrits diplomatiques font connaître la pensée intime de chacune des trois grandes cours de la sainte-alliance sur la situation de l'Espagne.")

Nous produirons dans leur ordre chronologique, ces quatre dépêches, qui établissent, en quelque sorte, la base d'action qui fut suivie, et conduisit l'Autriche, la Prusse et la Russie à rappeler de Madrid les trois Chargés d'affaires qu'elles y avaient accrédités.

1) Le duc de Montmorency avait donné sa démission le 25 Décembre précédent.

2) Le lecteur remarquera, sans aucun doute, que, dans les diverses dépêches ou notes diplomatiques que nous donnerons dans ce chapitre, d'autres notes et dépêches y sont rappelées par leur date, qui ne seront pas reproduites. Il eût été impossible, en effet, de présenter tous les documents qui ont été échangés soit entre les divers cabinets, soit entre ceux-ci et leurs agents respectifs, et de rester, en même temps, dans un cadre restreint: nous nous sommes donc bornés à n'introduire dans notre travail que les documents essentiels, c'est-à-dire ceux qui présentent, d'une manière certaine, l'opinion et les vues des divers gouvernements.

N. I.

Dépêche du comte de Bernstorff, ministre des affaires étrangères de S. M. le roi de Prusse, au Chargé d'affaires du roi à Madrid.

Monsieur,

Vérone, le 12 Novembre 1822.

Au nombre des objets qui fixaient l'attention ou qui réclamaient la sollicitude des souverains et des cabinets réunis à Vérone, la situation de l'Espagne et ses rapports avec le reste de l'Europe ont occupé une première place.

Vous connaissez l'intérêt que le roi, notre auguste maître, n'a jamais cessé de prendre à S. M. C. et à la nation espagnole.

Cette nation si distinguée par la loyauté et l'énergie de son caractère, illustrée par tant de siècles de gloire et de vertus, et à jamais célèbre par le noble dévouement et l'héroïque perseverance qui l'ont fait triompher des efforts ambitieux et oppresseurs de l'usurpateur du trône de France, a des titres trop anciens et trop fondés à l'intérêt et à l'estime de l'Europe entière, pour que les souverains puissent regarder avec indifférence les malheurs qui l'accablent et ceux dont elle est menacée.

L'événement le plus déplorable est venu subvertir les antiques bases de la monarchie espagnole, compromettre le caractère de la nation, attaquer et empoisonner la prospérité publique dans ses premières sources.

Une révolution, sortie de la révolte militaire, a soudainement rompu tous les liens du devoir, renversé tout ordre légitime et décomposé les éléments de l'édifice social, qui n'a pu tomber sans couvrir le pays entier de ses décombres.

On crut pouvoir renverser cet édifice, en arrachant à un souverain, déjà dépouillé de toute autorité réelle et de toute liberté de volonté, le rétablissement de la constitution des cortès de l'année 1812, qui, confondant tous les éléments et tous les pouvoirs, ne partant que du seul principe d'une op

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