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ARNOLPHE.

Eh! oüy, je le connoy.
HORACE.

C'est un fou, n'est-ce pas?

ARNOLPHE.

Eh!...

HORACE.

Qu'en dites-vous? quoy?

Eh! c'est à dire oüy. Jaloux à faire rire?

Sot? Je voy qu'il en est ce que l'on m'a pû dire.
Enfin l'aimable Agnés a sceu m'assujettir.

C'est un joly bijou, pour ne vous point mentir,
Et ce seroit peché qu'une beauté si rare

Fust laissée au pouvoir de cet homme bizarre.
Pour moy, tous mes efforts, tous mes vœux les plus doux,
Vont à m'en rendre maistre en dépit du jaloux,
Et l'argent que de vous j'emprunte avec franchise
N'est que pour mettre à bout cette juste entreprise.
Vous savez mieux que moy, quels que soient nos efforts,
Que l'argent est la clef de tous les grands ressorts,
Et que ce doux metal, qui frappe tant de testes,
En amour, comme en guerre, avance les conquestes.
Vous me semblez chagrin seroit-ce qu'en effet
Vous desaprouveriez le dessein que j'ay fait ?

ARNOLPHE.

Non, c'est que je songeois...

HORACE.

Cet entretien vous lasse.

[Il s'en va.]

Adieu; j'iray chez vous tantost vous rendre grace.

Ah! faut-il...

ARNOLPHE.

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Qui s'en feroit peut-estre un sujet de colere.

[Il s'en va.]
ARNOLPHE, croyant qu'il revient encore.
Oh!... Oh! que j'ay souffert durant cet entretien !
Jamais trouble d'esprit ne fut égal au mien.
Avec quelle imprudence et quelle haste extréme
Il m'est venu conter cette affaire à moy-méme !
Bien que mon autre nom le tienne dans l'erreur,
Etourdy montra-t'il jamais tant de fureur?

Mais, ayant tant souffert, je devois me contraindre
Jusques à m'éclaircir de ce que je dois craindre,
A pousser jusqu'au bout son caquet indiscret,
Et sçavoir pleinement leur commerce secret.
Tâchons à le rejoindre, il n'est pas loin, je pense;
Tirons-en de ce fait l'entiere confidence.
Je tremble du malheur qui m'en peut arriver,
Et l'on cherche souvent plus qu'on ne veut trouver.

ACTE II

SCENE PREMIERE.

ARNOLPHE.

L m'est, lors que j'y pense, avantageux, sans doute,

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Car enfin de mon cœur le trouble imperieux
N'eust pû se renfermer tout entier à ses yeux;
Il eust fait éclater l'ennuy qui me devore,
Et je ne voudrois pas qu'il sceut ce qu'il ignore.
Mais je ne suis pas homme à gober le morceau
Et laisser un champ libre aux vœux du damoiseau;
J'en veux rompre le cours et sans tarder apprendre
Jusqu'où l'intelligence entr'eux a pû s'étendre :
J'y prens, pour mon honneur, un notable interest;
Je la regarde en femme, aux termes qu'elle en est;
Elle n'a pû faillir sans me couvrir de honte,
Et tout ce qu'elle fait enfin est sur mon compte.
Eloignement fatal! Voyage malheureux !

(Frapani à la porte.)

SCENE II.

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ALAIN.

Ah! Monsieur, cette fois...

ARNOLPHE.

Paix! Venez çà tous deux :

Passez là, passez là. Venez là, venez, dis-je.

GEORGETTE.

Ah! vous me faites peur, et tout mon sang se fige.
ARNOLPHE.

C'est donc ainsi qu'absent vous m'avez obey,
Et tous deux, de concert, vous m'avez donc trahy?
GEORGETTE.

Eh! ne me mangez pas, Monsieur, je vous conjure.
ALAIN, à part.

Quelque chien enragé l'a mordu, je m'asseure.

ARNOLPHE.

Ouf! Je ne puis parler, tant je suis prévenu;
Je suffoque, et voudrois me pouvoir mettre nû.
Vous avez donc souffert, ô canaille maudite!

Qu'un homme soit venu... Tu veux prendre la fuite ?
Il faut que sur le champ... Si tu bouges!... Je veux
Que vous me disiez... Euh! Ouy,je veux que tous deux...
Quiconque remura, par la mort! je l'assomme.
Comme est-ce que chez moy s'est introduit cet homme?
Eh! parlez, dépeschez, viste, promptement, tost,
Sans resver. Veut-on dire?

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Je suis en eau : prenons un peu d'haleine.

Il faut que je m'evente et que je me promeine.
Aurois-je deviné, quand je l'ay veu petit,

Qu'il croistroit pour cela? Ciel! que mon cœur pâtit!
Je pense qu'il vaut mieux que de sa propre bouche
Je tire avec douceur l'affaire qui me touche.
Tâchons moderer nostre ressentiment;
Patience, mon cœur, doucement, doucement!
Levez-vous, et, rentrant, faites qu'Agnés descende.
Arrestez. Sa surprise en deviendroit moins grande,
Du chagrin qui me trouble ils iroient l'avertir,

Et

moy-mesme je veux l'aller faire sortir. Que l'on m'attende icy.

SCENE III.

ALAIN, GEORGETTE.

GEORGETTE.

Mon Dieu, qu'il est terrible!

Ses regards m'ont fait peur, mais une peur horrible,

Et jamais je ne vis un plus hideux chrestien.

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