PERSONNAGES

DOM GARCIE, prince de Navarre, amant d'Elvire.
ELVIRE, princesse de Leon.

ELISE, confidente d'Elvire.

DOM ALPHONSE, prince de Leon, crû prince de Castille, sous le nom de Dom Sylve.

IGNÉS, comtesse, amante de Dom Sylve, aimée par Mauregat, usurpateur de l'Estat de Leon.

DOM ALVAR, confident de Dom Garcie, amant d'Elise. DOM LOPES, autre confident de Dom Garcie, amant

rebuté d'Elise.

DOM PEDRE, escuyer d'Ignés.

La scene est dans Astorgue, ville d'Espagne,
dans le royaume de Leon.

Non, ce n'est point un choix qui, pour ces deux amans,
Sceut regler de mon cœur les secrets sentimens ;
Et le prince n'a point, dans tout ce qu'il peut estre,
Ce qui fit preferer l'amour qu'il fait paroistre.
Dom Sylve, comme luy, fit briller à mes yeux
Toutes les qualitez d'un heros glorieux :
Mesme éclat de vertus, joint à mesme naissance,
Me parloit en tous deux pour cette préference;

Et je serois encor à nommer le vainqueur,
Si le merite seul prenoit droit sur un cœur.
Mais ces chaisnes du Ciel qui tombent sur nos ames
Deciderent en moy le destin de leurs flâmes,
Et toute mon estime, égale entre les deux,
Laissa vers Dom Garcie entraisner tous mes vœux.
ELISE.

Cet amour que pour luy vostre astre vous inspire
N'a sur vos actions pris que bien peu d'empire,
Puisque nos yeux, Madame, ont pû long-temps douter
Qui de ces deux amans vous vouliez mieux traiter.
D. ELVIRE.

De ces nobles rivaux l'amoureuse poursuite
A de fàcheux combats, Elise, m'a reduite.
Quand je regardois l'un, rien ne me reprochoit
Le tendre mouvement où mon ame penchoit;
Mais je me l'imputois à beaucoup d'injustice
Quand de l'autre à mes yeux s'offroit le sacrifice,
Et Dom Sylve, aprés tout, dans ses soins amoureux,
Me sembloit meriter un destin plus heureux.
Je m'opposois encor ce qu'au sang de Castille
Du feu roy de Leon semble devoir la fille,
Et la longue amitié qui d'un estroit lien
Joignit les interests de son pere et du mien.
Ainsi, plus dans mon ame un autre prenoit place,
Plus de tous ses respects je plaignois la disgrace;
Ma pitié, complaisante à ses brûlans soûpirs,
D'un dehors favorable amusoit ses desirs,
Et vouloit reparer par ce foible avantage

Ce qu'au fond de mon cœur je luy faisois d'outrage.

ELISE.

Mais son premier amour, que vous avez apris,