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IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE H. YVERT
64, rue des TROIS-CAILLOUX, 64

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VOLTAIRE ET GRESSET

Discours de M. LENEL, directeur.

(Séance publique du 27 Janvier 1889).

MESDAMES, MESSIEURS,

Refaire devant vous l'éloge de Gresset, déjà prononcé mainte fois au sein de cette Académie par des voix autorisées, pourrait paraître à juste titre une prétention de mauvais goût de ma part. J'ai pensé cependant que sans doute il ne vous déplairait pas d'entendre de nouveau évoquer son souvenir.

Car, si le talent de Gresset a été bien jugé, peut-être, même ici, sa vie et la place qu'il a occupée dans son siècle sont-elles moins connues que ses ouvrages. Bien peu d'entre vous assurément ont eu le loisir de lire la minutieuse biographie que M. de Cayrol a consacrée, il y a plus de quarante ans, au véritable fondateur de notre Societé. Un point m'a particulièrement frappé dans le travail très-consciencieux de M. de Cayrol (1). Il étudie

(1) Essai historique sur la vie et les ouvrages de Gresset, par de Cayrol. Amiens, 1844.

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d'assez près les rapports de Voltaire et de Gresset, il a eu le bonheur de mettre la main sur des documents jusque-là inédits, mais, je dois l'avouer avec regret, il m'a semblé qu'il jugeait avec trop de sévérité Voltaire, et incomplètement Gresset. Son aversion pour le XVIII siècle et son désir de louer quand même son héros c'est là le faible de presque tous les biographes l'ont empêché, je crois, de traiter cette question délicate avec toute l'impartialité nécessaire. Aujourd'hui que nous sommes plus loin de Voltaire et de son siècle, que luimême et l'époque où il a joué le premier rôle ont été mieux étudiés et sont jugés plus froidement, il me sera peut-etre possible d'examiner sans parti pris la nature des rapports, agréables d'abord, puis désagréables, qui ont existé entre deux hommes dont le talent se ressemblait jusqu'à un certain point, mais qui différaient tant par le caractère et les idées.

i

M. de Cayrol croit fermement à la jalousie violente de Voltaire contre Gresset, et, faute de preuves suffisantes à l'appui de sa thèse, il se laisse entraîner à des suppositions malveillantes qu'une critique sérieuse ne saurait accepter sans contrôle. Je ne puis entrer dans le détail des reproches, la plupart imaginaires, ou tout au moins dénués de base solide, adressés à Voltaire par l'ardent apologiste de Gresset. Jamais ne s'est mieux vérifié cet adage: Qui veut trop prouver ne prouve rien. L'examen des pièces authentiques suffira, je l'espère, à nous faire découvrir la vérité sur cette prétendue jalousie de Voltaire, qui, née dès les premiers succès de l'auteur de Ver-Vert en 1734, n'aurait produit ses effets publics qu'en 1760. L'auteur du Pauvre Diable et de tant d'autres satires ou pamphlets, débordant de malice et de fiel, n'était pas homme, que je sache, à faire attendre si

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