Images de page
PDF
ePub

La communication indiquée sur la carte de Ferraris n'était pas une véritable route; en partant de Luxembourg, la route s'arrêtait un peu au-delà d'Arlon; de ce point jusqu'à Bastogne et Marche, il n'existait plus de communication régulièrement ouverte et assurée; les voitures de roulage et les messageries suivaient le terrain naturel jusque près de Marche; mais elles rencontraient dans le trajet des obstacles presque insurmontables, notamment pour descendre dans le vallon de la Sure à Martelange, et atteindre ensuite le point culminant du versant de gauche de ce vallon. Là, il fallait gravir deux coteaux présentant des inclinaisons de 20 à 25 pour cent, ce qui exigeait parfois l'emploi de 30 à 40 chevaux.

L'administration française, reconnaissant l'impérieuse nécessité de faire disparaître cet obstacle, entreprit l'abaissement des côtes de Martelange. Cet ouvrage, véritable chef-d'œuvre de l'art, ne fut complètement terminé que de 1808 à 1809. Il exigea une dépense considérable; car la route, taillée presqu'entièrement dans le roc, a dû être établie à mi-côte, afin de pouvoir lui donner une pente de 5 centimètres par mètre. L'intervention du gouvernement français dans l'établissement de la route d'Arlon à Namur par Bastogne, se borna à l'abaissement des côtes de Martelange; le surplus de cette communication de Martelange à Arlon, et de Martelange à Marche, fut exécuté sous le gouvernement des Pays-Bas.

Par suite des travaux faits à Martelange, le village de ce nom se trouve placé à cheval sur la grande route, et, si, aux termes de l'art. 2, ce village devait appartenir au grand-duché de Luxembourg, il y aurait solution de continuité pour la route, ce qui serait contraire à la pensée de la conférence et au principe qui lui sert de point de départ; l'on sait d'ailleurs que la Belgique n'a que cette seule communication pour atteindre la frontière de France du côté de Longwy.

Il serait matériellement impossible de détourner la route, qui, en ce point, offre un caractère tout particulier : ce n'est pas dans l'intérêt de Martelange que l'on a fait passer à grand frais la route par ce village; c'est que l'on ne pouvait passer ailleurs.

Les explications qui précèdent sont rendues plus sensibles encore par l'inspection du croquis ci-joint.

Réponse des plénipotentiaires des cinq cours à la note du plénipotentiaire belge du 14 avril, en date du 18 avril 1839.

Les soussignés, plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, ont reçu la note, accompagnée de plusieurs annexes, que M. le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges leur a fait l'honneur de leur adresser, le 14 du courant, et ils se félicitent de reconnaître, par le contenu de cette pièce, que les dispositions qui animent le gouvernement belge sont de nature à promettre la solution immédiate et définitive de la question hollando-belge. Les soussignés sont dans le cas de répéter, relativement aux objets touchés dans les trois premières annexes de la note de M. le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, ce qu'ils ont eu l'honneur de lui

déclarer dans leur note du 4 février, savoir qu'au point où en est aujourd'hui la négociation, et depuis l'adhésion pure et simple donnée par S. M. le roi des Pays-Bas aux actes du 23 janvier, ils ne sauraient entrer en discussion sur aucune nouvelle proposition, et que les dispositions des dits actes, ainsi que leur texte, ne sont plus susceptibles d'aucun changement ni ne peuvent recevoir aucune addition.

Les soussignés ne sauraient, en conséquence, admettre la stipulation proposée dans l'annexe A, au sujet des libertés religieuses et politiques réclamées en faveur des habitants des parties du Limbourg et du Luxembourg qui retournent sous la domination du roi grand-duc. Ils obser vent que les dites libertés qui, par leur nature, sont exclusivement du ressort du régime intérieur des États auxquels, sous un point de vue légal, les territoires en question n'ont point cessé d'appartenir, trouvent leur garantie, soit dans la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, auquel une partie des dits territoires est destinée à être réunie, soit dans les dispositions des actes formant la constitution fédérative de l'Allemagne, qui sont applicables au grand-duché de Luxembourg, en sorte que la réclamation de M. le plénipotentiaire belge se trouve effectivement sans objet.

Quant à la proposition développée dans l'annexe B, d'un mode de payement à effectuer de gouvernement à gouvernement, pour remplacer la perception directe du droit de tonnage sur l'Escaut, les soussignés, sans méconnaître ce que ce mode semblerait présenter d'avantages et et de facilités pour les deux parties intéressées, ne sauraient, par les raisons ci-dessus mentionnées, considérer cette question comme susceptible d'ètre traitée par eux, tandis qu'il dépendra des gouvernements belge et néerlandais de s'entendre de gré à gré à ce sujet, lorsqu'ils le jugeront conforme à leurs intérêts. L'impossibilité où les soussignés se trouvent placés d'admettre un changement dans les dispositions des actes du 25 janvier, s'applique également à la quotité de la rente im posée à la Belgique du chef de la dette commune, aux éléments qui ont servi de base à l'établissement de cette rente, et au terme où elle doit commencer; objets dont traite l'annexe C de la note de M. le plénipotentiaire belge.

Obligés d'écarter tout ce qui renfermerait une stipulation nouvelle, ou une modification des actes du 23 janvier, les soussignés se sont appliqués à l'examen des points du traité sur lesquels M. le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges a désiré obtenir des éclaircissements; ils se trouvent à même de lui donner sur ces objets les explications sui

vantes :

Ad 1. Il semble qu'il y a eu erreur dans la détermination de la frontière sur le point de Martelange; les commissaires-démarcateurs tenus, aux termes du traité, à avoir égard aux localités et aux convenances qui pourront en résulter mutuellement, auront à régler cet objet à la satisfaction des deux parties.

Ad 2. Les droits relatifs à la navigation de l'Escaut, accordés aux deux parties, et clairement définis par le traité, tels que la perception du droit unique de tonnage d'une part, et le concours à la surveillance commune, ainsi que le pilotage facultatif, de l'autre, doivent trouver leur application aussitôt après l'échange des ratifications du traité; et il n'est

réservé au règlement à intervenir, que de déterminer en détail le mode d'exercer ces mêmes droits de la manière la plus convenable dans l'intérêt réciproque.

Ad 3. Le droit de tonnage à percevoir par le gouvernement néerlandais sur la navigation de l'Escaut et de ses embouchures, étant un droit de reconnaissance et de transit, le calcul des distances n'a pas dû être pris en considération pour le déterminer. Mais il a été entendu que les bâtiments venant de la Belgique pour se rendre à la haute mer, ou venant de la haute mer pour se rendre en Belgique, et ce dans l'une et l'autre direction, soit par l'Escaut, soit par le canal de Terneuzen, ne fussent assujettis qu'à un droit unique. En conséquence, il ne saurait être perçu d'autre droit ni sur la partie hollandaise, ni sur la partie belge du canal qui communique entre Terneuzen et Gand.

Ad 4. Suivant l'usage généralement établi parmi les nations, les droits proportionnés à une mesure de capacité se perçoivent d'après la mesure du pays où ils sont levés. Or, le droit unique de tonnage, quoique perçu à Anvers, est censé être levé dans les parages néerlandais, et il doit par conséquent être réglé, pour les bâtiments de toutes les nations, d'après le tonneau néerlandais ou le « cubick elle, » égal au mètre cube de France et au tonneau actuel belge, et contenant 35,3170 pieds cubes anglais. Quant aux bateaux à vapeur qui sont généralement soumis à un traitement exceptionnel, les soussignés sont d'avis que le droit à percevoir doit être réglé d'après le principe que le tonnage de ces bâtiments ne sera calculé que relativement à la partie de leur capacité destinée à recevoir un chargementde marchandises; principe qui renferme, de plus, l'exception des bateaux remorqueurs servant uniquement à la remorque, lesquels semblent, d'ailleurs, rentrer dans la catégorie des bâtiments qui font le cabotage dans le cours du fleuve.

Ad 5. Il ressort du sens du paragraphe 5 de l'art. 9, que la Belgique jouira, aussitôt après l'échange des ratifications, de la navigation sur les canaux et eaux intermédiaires, aux mêmes conditions que les navires hollandais, et en supportant les mêmes droits suivant les tarifs en vigueur.

Ad 6. Les termes exprès du paragraphe 3, d'après lesquels les navires suspects auront la faculté de continuer leur route sans entrave ni retard, renferment l'obligation de faire passer à bord les gardes de santé, sans que les bâtiments soient aucunement arrêtés dans leur cours. Au reste, les instructions à donner aux pilotes, tant néerlandais que belges, pour signaler les vaisseaux suspects, rentrent dans les attributions des commissaires à nommer, de part et d'autre, pour exercer la surveillance commune d'après le § 2 de l'art. 9.

Ad 7. Cette remarque trouve sa solution dans les explications données au no 2.

Ad 8. La libre navigation de l'Escaut renferme, sans aucun doute, la faculté, pour tout navire, de stationner librement dans toutes les eaux de ce fleuve et de ses embouchures, si les vents, les glaces ou d'autres circonstances l'exigent, et il n'est pas à prévoir qu'aucune contestation puisse s'élever sur cet objet, qui pourra, au reste, être plus positivement déterminé par le règlement.

Ad 9. Le terme générique d'une route à construire éventuellement par

le canton de Sittard s'applique naturellement à la construction d'un chemin de fer comme à toute autre espèce de route.

Ad 10. Les soussignés ne peuvent qu'applaudir à la sage réserve de M. le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, qui s'abstient d'insister sur les mots à perpétuité, omis sans aucune intention dans la rédaction de l'art. 25 du traité entre la Belgique et la Hollande. Cette omission qui n'infirme aucunement la solidité et la durée de l'engagement, et à laquelle suppléeraient, au besoin, les expressions des art. 6 et 7, cités dans la note du 14 avril, est, au reste, d'autant moins de conséquence qu'elle est conforme à divers précédents.

Après avoir satisfait, par les explications qui précèdent, au désir de S. M. le roi des Belges d'être rassuré sur le sens des divers points qu'elles concernent, il ne reste aux soussignés qu'à exprimer la confiance que M. le plénipotentiaire belge va leur déclarer immédiatement qu'il est prêt à procéder à la signature du traité entre les cinq puissances et S. M. le roi des Belges, et du traité entre Sa dite Majesté et S. M. le roi des Pays-Bas, annexés à la note des soussignés du 23 janvier.

Les soussignés saisissent cette occasion pour avoir l'honneur de renouveler à Son Excellence l'assurance de leur haute considération.

SENNFT, H. SEBASTIANI, PALMERSTON,
Bülow, Pozzo Di Borgo.

Note du plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges aux plénipotentiaires des cinq cours, en date du 19 avril 1839.

Le soussigné, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges près S. M. britannique, a reçu la réponse que Leurs Excellences les plénipotentiaires des cinq Cours ont bien voulu lui faire à la communication qu'il avait eu l'honneur de leur adresser sous la date du 14.

Le soussigné regrette que la Conférence n'ait pas pu se saisir de la proposition relative à l'acquittement du péage sur l'Escaut au moyen d'une rente annuelle; mode de payement dont Leurs Excellences ont néanmoins apprécié les avantages, circonstance qui ne peut manquer d'exercer une favorable influence sur la négociation spéciale et directe à ouvrir à ce sujet entre les deux parties.

Le gouvernement du roi apprendra sans doute avec peine que la Conférence se soit crue dans l'impossibilité d'améliorer la position de la Belgique par une réduction plus forte de la dette.

Il verra avec satisfaction que si la Conférence n'a pas admis un article additionnel, relatif aux garanties civiles et religieuses dues aux populations du Limbourg et du Luxembourg, c'est qu'elle regardait comme sans objet une semblable stipulation, les garanties en question résultant d'actes déjà existants.

En ce qui concerne les dix points qui, indépendamment des trois dis positions ci-dessus rappelées, ont été soumis à Leurs Excellences, le gou vernement du roi, s'étant rencontré avec la Conférence, se trouve, par les explications qu'il a reçues, pleinement satisfait et rassuré. La Confé

renée, qui avait apporté tant de soin à la rédaction de l'art. 9, relatif à une question qui intéresse le monde commercial, a mis la réalisation de son œuvre à l'abri de toute contestation et de tout retard.

Il reste un dernier devoir à remplir au soussigné, pour compléter cette communication. S. M. le roi des Belges a retrouvé avec douleur, dans les projets qui lui ont été soumis, les stipulations territoriales imposées dans des jours de malheur, et demeurées sept années sans exécution; le temps a exercé une bienfaisante influence sur d'autres questions, et celle-ci, digne d'une généreuse sollicitude, est restée irrévocablement résolue. Il a fallu que ce résultat se reproduisit avec son caractère primitif de nécessité, pour que le pays pût se résoudre à un si grand sacrifice; il a fallu que l'empire des circonstances fût de nouveau constaté de la manière la plus évidenté.

Sa Majesté devait un dernier effort à des populations qui lui ont móntré tant d'affection et de dévouement; et, si elle renonce à les conserver, c'est moins à cause des dangers qui menaçaient la Belgique entière, qu'en considération des maux qui devaient fondre sur les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Jamais Sa Majesté n'a senti plus péniblement toute l'étendue de la tâche qu'elle a acceptée dans l'intérêt de la paix générale, et pour constituer une nationalité devenue une condition nécessaire de la politique européenne; elle trouvera une consolation dans l'idée que cette nationalité et cette paix sont désormais à l'abri de toute atteinte.

Le soussigné a été chargé de donner ces explications, afin que la marche et le caractère de la résolution de son gouvernement ne pussent être méconnus; il déclare, en conséquence, que, vu les éclaircissements renfermés dans la note de la Conférence, en date du 18, il est autorisé à signer, aux termes de l'acte du 23 janvier, les traités entre Sa Majesté et les cinq cours et S. M. le roi des Pays-Bas.

Le soussigné saisit cette occasion de renouveler à Leurs Excellences les assurances de sa plus haute considération.

SYLVAIN VAN De Weter.

Note du plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges à M. le plénipotentiaire de S. M. la reine de la Grande-Bretagne, du 7 mai 1839,

Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, s'empresse de transmettre à Son Excellence le vicomte Palmerston copie d'une dépêche que le gouvernement du roi vient d'adresser à Londres, sous la date du 23, au sujet de la réponse de la Conférence aux questions relatives à l'Escaut. Sa Seigneurie verra qu'une erreur de fait à été commise par la Conférence en ce qui concerne le tonnage des Pays-Bas et la réduction en pieds anglais. Il importe que cette erreur, qui trouve son correctif dans le principe général posé par la Conférence, soit cependant rectifiée avant l'échange des ratifications, afin d'éviter toute confusion d'idées que pourraient faire naître les chiffres erronés. Le soussigné prie Son Excellence le vicomte Palmerston de vouloir bien arrêter, de commun accord avec Leurs Excellences les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de Prusse et de Russie, le modè de rectification à suivre en cette occurrence.

« PrécédentContinuer »