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comme le cortége du trône œcuménique, et qu'elle décora de titres analogues à ceux des fonctionnaires civils. Une tonsure légère et la consécration simple, par l'imposition des mains, marquèrent leur affiliation à l'ordre ecclésiastique. On les partagea, et ils se partagent encore aujourd'hui, en deux classes de cinq membres chacune, désignées sous le nom de première et de seconde pentas. Dans l'une sont le grand logothète, ou archichancelier du patriarcat; le skevophylax, ou chef du garde-meubles; le chartophylax, ou archiviste; le grand-ecclésiarque et le grand orateur. La seconde comprend le grand économe, le protonotaire, le référendaire, le primicier et l'archichantre. A la suite de ces grands dignitaires viennent une foule d'officiers subalternes qui portent aussi le nom de clercs, tels que le protopsalte, le lambadomarios, le protocanomarchos, le nomophilax, le castrincius, et une foule d'autres, dont l'énumération serait longue et fastidieuse. Quoique la plupart de ces charges soient aujourd'hui de pures sinécures, elles ne laissent pas que d'être assez productives, par suite du mode de rétribution en vigueur dans l'Eglise grecque, par lequel toutes les charges ecclésiastiques, depuis le patriarche jusqu'au dernier papas, se paient les unes aux autres leur rançon.

Sultan Mohammed, en conférant l'investiture au patriarche Gennadius, lui avait assigné, en sa qualité de chef de la communauté grecque, une pension de cent ducats d'or par an. Ce don gratuit de la munificence impériale passa comme un droit aux successeurs de Gennadius, Isidore et Joseph. La première atteinte qui y fut portée vint des Grecs eux-mêmes. Dès la quatrième élection, la discorde s'étant glissée dans le synode, un moine ambitieux, Chilocarabès, sorti de la poussière du cloître, au lieu d'attendre sa nomination du choix libre de la nation, l'obtint, ou, pour mieux dire, l'acheta directement du divan, en semant l'or et les présents parmi

les ministres et les membres influents de la Porte. Dès lors l'ancien mode d'élection et d'investiture fut complétement changé. Les patriarches achetèrent leur dignité à l'encan; au lieu de recevoir une dotation du fisc impérial, ils furent tenus à une redevance annuelle envers lui. Cette redevance, aux termes de l'ancienne ordonnance, renouvelée le 9 de chevval 1203 (30 juin 1789), fut fixée à 32,000 piastres, outre les droits de kalemiè (enregistrement) fixés à 10 p. 100; mais la valeur des présents d'usage aux ministres et aux grands de la Porte s'élevait à plus du triple de cette somme.

Les Turcs, dont le gouvernement était essentiellement fiscal, étant intervenus de cette manière dans la nomination des patriarches, étendirent la même mesure à tous les archevêques et évêques de l'empire et créèrent un département sous le nom de Piscopos kalémi, pour l'obtention et l'enregistrement de leur berat ou diplôme.

J'ai dit que l'élection du patriarche se faisait par le synode, avec l'assistance des délégués de la nation convoqués extraordinairement. Lorsque le siége œcuménique vient à vaquer par suite, soit de la mort, soit de la déposition du titulaire, les douze métropolitains et les évêques présents à Constantinople, les membres des deux pentas et le reste du clergé laïque, ainsi que les notables choisis parmi les négociants, les bourgeois et les chefs des corporations ou esnaf, s'assemblent dans le synodikon, à l'effet de lui choisir un successeur. Le métropolitain de Césarée, en sa qualité de doyen du synode, nomme à tour de rôle chacun des candidats, et l'assemblée rejette ou approuve en criant: Anaxios! « Il est indigne; » ou bien : Axios! « Il est digne. » L'élection est ensuite validée par la Porte, qui délivre au patriarche son exequatur. J'ai oublié de dire qu'il ne peut être choisi que dans l'ordre des hieromonachi, ou prêtres voués au célibat.

La déposition a lieu de même par jugement du synode,

avec l'assentiment de la Porte. On trouve dans la TurcoGræcia, à la date de l'année 1564, le procès-verbal de la déposition du patriarche Joseph, ancien métropolitain d'Andrinople, signé de cinquante-deux métropolitains et archevêques. A cette époque, tous les évêques présents à Constantinople faisaient partie, de droit, du synode. Le patriarche prévient ordinairement sa sentence par une démission volontaire; après quoi il quitte la capitale pour passer dans un des diocèses de l'empire, le plus souvent en Asie, ou dans un des monastères des îles des Princes. Mais il ne perd pas pour cela ses droits à occuper de nouveau le siége œcuménique, et la série des patriarches en mentionne plusieurs qui ont été déposés et réélus jusqu'à six fois durant le cours de leur carrière. Sur les vingt-cinq patriarches dont Crusius a écrit les vies et qui occupèrent le siége de Constantinople depuis 1453 jusqu'en 1574, treize furent déposés ou emprisonnés, deux abdiquèrent, un périt par le poison. En 1732, date à laquelle s'arrête le catalogue de l'Oriens christianus, l'on comptait quatre-vingt-quinze patriarches depuis Gennadius, ce qui donne, pour chacun d'eux, une moyenne de trois années. Les autres patriarches, n'ayant point, comme celui de Constantinople, de caractère politique, sont sujets, en général, à moins de vicissitudes. La Porte s'ingère rarement dans leurs affaires, et borne son intervention aux cas de plaintes graves de la part des administrés.

Le patriarcat de Constantinople renferme dans sa juridiction cent huit éparchies, ou diocèses, dont quatrevingt-six archevêchés ou métropoles. Ce nombre se répartit ainsi :

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gnité, n'occupe plus que le second rang dans la hiérarchie de l'Eglise d'Orient. Sa juridiction est bornée aux quatre archevêchés de Lybie, de Memphis, de Peluse et de Metelis; en revanche il ajoute à son nom une série de titres qui n'ont rien à envier, pour la pompe, même à ceux des anciens rois d'Espagne. Voici ces titres copiés textuellement sur une lettre pastorale que j'ai sous les yeux : Père des pères, pasteur des pasteurs, archiprêtre des archiprêtres, treizième apôtre, pape et patriarche de la grande cité d'Alexandrie, juge de toute la terre.

Le patriarche d'Antioche s'intitule plus modestement: N..., par la grâce de Dieu, patriarche de la sainte cité d'Antioche et de tout l'Orient. Son autorité est aussi plus étendue. Il a dans son obédience vingt évêques ou métropolitains, disséminés dans la Syrie, l'Arménie, la Mésopotamie, la Phénicie, l'Arabie, la Cilicie et le mont Liban. Sa résidence habituelle est à Damas.

Le patriarcat de Jérusalem, établi en 418 par Juvénal, quarante-quatrième évêque depuis l'apôtre saint Jacques, est le plus pauvre de tous par l'exiguité de son domaine. Le trésor du Saint-Sépulcre fait les frais de sa mense. Le titulaire réside ordinairement à Constantinople, afin de protéger plus efficacement le monastère qui lui entretient deux églises et deux palais, l'un à la ville, l'autre à la campagne. Il prend part au synode, exerce un grand ascendant sur le reste de la nation, en raison de la dignité de son siége, et participe en quelque sorte au respect que les fidèles et les Turcs eux-mêmes professent pour la ville qu'ils appellent Qoudsi chérif (Jérusalem l'Auguste). Quatorze métropolitains ou évêques relèvent de lui.

En dehors des quatre patriarcats, les deux archevêchés d'Alep et du mont Sinaï ont une organisation particulière indépendante. Le premier n'a ni suffragants ni synode. Le clergé se compose de prêtres et de quelques archimandrites qui élisent et déposent l'archevêque. L'archevêque du mont Sinaï est également au choix des pères

de son monastère; mais il reçoit l'investiture du patriarche de Jérusalem. C'est ce monastère si célèbre, fondé par Justinien au pied même de la montagne où Dieu parla à Moïse. Le supérieur prend le titre d'archevêque et chef du mont Sinai.

En récapitulant nous avons:

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Soit un total de 152 patriarches, métropolitains ou suffragants, pour une population d'environ 6,400,000 âmes, ou 1 pour 44,920. Dans les Etats pontificaux, celui de tous les pays catholiques où cette même propor→ tion est la plus élevée, elle ne dépasse pas 1 pour 44,776 habitants. En France elle est de 1 pour 430,000.

Voyons maintenant le reste du clergé grec. Il est divisé en deux ordres. Le premier ordre, composé des hieromonachi, ou prêtres voués au célibat, comprend, outre le clergé régulier, tous les dignitaires de l'Eglise, tels que les patriarches, les métropolitains et les évêques ;

'La Russie ne compte que cinquante-un diocèses, dont vingt-six archevêchés, pour environ 49 millions de fidèles. Quant au chiffre de la population orthodoxe dans les divers Etats de l'Europe, il peut être évalué ainsi :

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