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nie un ognon, un chat, un bouc; il aura pu parler indécemment d'Ifbeth, d'Oshireth, & d'Horeth; il aura peut-être détourné la tête, & ne fe fera point mis à genoux en voyant paffer en proceffion les parties génitales du genre humain plus grandes que nature. If en aura dit fon fentiment à fouper, il aura même chanté une chanfon dans laquelle les matelots Tyriens fe moquaient des abfurdités égyptiaques. Une fervante de cabaret l'aura entendu; fa confcien ce ne lui permet pas de cacher ce crime énorme. Elle court dénoncer le coupable au premier shoen qui porte l'image de la vérité fur la poitrine; & on fait comment l'image de la vérité eft faite. Le tribunal des shoen ou shotim condamne le blafphémateur Tyrien à une mort affreuse & confifque fon vaiffeau. Ce marchand était regardé à Tyr comme un des plus pieux personnages de la Phénicie.

Numa voit que fa petite horde de Romains est un ramas de phlibustiers Latins qui volent à droite & à gauche tout ce qu'ils trouvent, bœufs, moutons, volailles, filles. Il leur dit qu'il a parlé à la nymphe Egerie dans une caverne, & que la nymphe lui a donné des loix de la part de Jupiter. Les fénateurs le traitent d'abord de blafphémateur, & le menacent de le jetter de la roche Tarpéienne la tête en bas. Numa fe fait un parti puiffant. Il gagne des fénateurs qui vont avec lui dans la grotte d'Egerie. Elle leur parle; elle les convertit. Ils convertiffent le fénat & le peuple. Bientôt ce n'eft plus Numa qui eft un blafphémateur. Ce nom n'eft plus donné qu'à ceux qui doutent de l'existence de la nymphe. Il est trifteparmi nous que ce qui eft blafphême à

Rome, à Notre-Dame de Lorette, dans l'enceinte des chanoines de San Gennaro, foit piété dans Lon• dres, dans Amfterdam, dans Stokholm, dans Berlin, dans Copenhague, dans Berne, dans Bâle, dans Hambourg. Il eft encor plus trifte que dans le même pays, dans la même ville, dans la même rue, on fe traite réciproquement de blafphémateur.

Que dis-je? des dix mille Juifs qui font à Rome, il n'y en a pas un feul qui ne regarde le pape comme le chef de ceux qui blafphêment; & réciproquement les cent mille chrétiens qui habitent Rome à la place des deux millions de joviens (l) qui la rempliffaient du tems de Trajan, croient fermement que les Juifs s'affemblent les famedis dans leurs fy. nagogues pour blasphêmer.

Un cordelier accorde fans difficulté le titre de blafphémateur au dominicain, qui dit que la Ste. Vierge eft née dans le péché originel, quoique les dominicains aient une bulle du pape qui leur permet d'enfeigner dans leurs couvens la conception maculée; & qu'outre cette bulle ils aient pour eux la déclaration expreffe de St. Thomas d'Aquin.

La premiere origine de la fciffion, faite dans les trois quarts de la Suiffe & dans une partie de la Baffe Allemagne, fut une querelle dans l'églife cathédrale de Francfort entre un cordelier dont j'ignore le nom & un dominicain nommé Vigand.

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Tout deux étaient yvres, felon l'ufage de ce tems-là. L'yvrogne cordelier qui prêchait, remercia DIEU dans fon fermon de ce qu'il n'était pas jacobin, jurant qu'il fallait exterminer les jacobins blaf(1) Joviens, adorateurs de Jupiter.

phémateurs qui croyaient la Ste. Vierge née en péché mortel & délivrée du péché par les feuls mérites de fon fils: l'yvrogne jacobin lui dit tout haut, Vous en avez menti, blafphémateur vous-même. Le cordelier defcend de chaire un grand crucifix de. fer à la main, en donne cent coups à fon adverfaire & le laiffe prefque mort fur la place.

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Ce fut pour venger cet outrage que les dominicains firent beaucoup de miracles en Allemagne, & en Suiffe. Ils prétendaient prouver leur foi par ces miracles. Enfin ils trouverent le moyen de faire imprimer dans Berne les ftigmates de notre Seigneur JESUS CHRIST à un de leurs freres lais nommé Jetzer; ce fut la Ste. Vierge elle-même qui lui fit cette opération; mais elle emprunta la main du fous-prieur qui avait pris un habit de femme, & entouré fa tête d'une auréole. Le malheureux petit frere lai exposé tout en fang fur l'autel des dominicains de Berne à la vénération du peuple, cria enfin au meurtre, au̟ facrilege: les moines, pour l'appaifer, le communierent au plus vite avec une hoftie faupoudrée de fublimé corofif; l'excès de l'acrimonic lui fit rejetter l'hoftie. (mm)

Les moines alors l'accuferent devant l'évêque de Lausanne d'un facrilege horrible. Les Bernois indignés accuferent eux-mêmes les moines, quatre d'entre eux furent brûlés à Berne le 31 May 1509. à la porte de Marfilly.

(mm) Voyez les Voyages de Burnet évêque de Salsburi, l'Hiftoire des dominicains de Berne par Abraham Ruchat profeffeur à Laufanne, le Procès verbal de la condamnation des dominicains, & l'Original du procès confervé dans la bibliotheque de Berne. Le même fait eft rapporté dans l'Hifloire générale de l'efprit & des mœurs des nations.

C'est ainsi que finit cette abominable hiftoire qui détermina enfin les Bernois à choisir une religion (mauvaise à la vérité à nos yeux catholiques,) mais dans laquelle ils feraient délivrés des cordeliers & des jacobins,

La foule de femblables facrileges eft incroyable. C'est à quoi l'esprit de parti conduit.

Les jéfuites ont foutenu pendant cent ans que les janféniftes étaient des blafphémateurs, & l'ont prouvé par mille lettres de cachet. Les janféniftes ont répondu par plus de quatre mille volumes, que c'était les jéfuites qui blafphêmaient. L'écrivain des gazettes eccléfiaftiques prétend que toutes les honnêtes gens blafphêment contre lui; & il blafphême du haut de fon grenier contre tous les honnêtes gens du royaume. Le libraire du gazetier blafphême contre lui & fe plaint de mourir de faim. Il vaudrait mieux être poli & honnête.

Une chofe auffi remarquable que confolante, c'est que jamais en aucun pays de la terre chez les idolâtres les plus fous, aucun homme n'a été regardé comme un blafphémateur pour avoir reconnu un DIEU fuprême, éternel & tout-puiffant. Ce n'est pás fans doute pour avoir reconnu cette vérité qu'on fit boire la cigue à Socrate, puifque le dogme d'un DIEU fuprême était annoncé dans tous les myfteres de la Grece. Ce fut une faction qui perdit Socrate. On l'accufa au hazard de ne pas reconnaître les Dieux fécondaires; ce fut fur cette article qu'on le traita de blafphémateur.

On accufa de blafphême les premiers chrétiens par la même raifon; mais les partifans de l'ancienne

religion de l'empire, les joviens, qui reprochaient le blafphême aux premiers chrétiens, furent enfin condamnés eux-mêmes comme blafphémateurs fous Théodofe II. Driden a dit:

This fide to day and the other to morow burn's
And they are all god's al mithy in their turn's.
Tel eft chaque parti, dans fa rage obstiné,
Aujourd'hui condamnant & demain condamné.

LÉ.

B LED ou B L E.

SECTION

PREMIERE.

Origine du mot, & de la chofe.

Il faut être pyrrhonien outré pour douter que pain

vienne de panis. Mais pour faire du pain il faut du blé. Les Gaulois avaient du blé du tems de Céfar; où avaient-ils pris ce mot de blé? On prétend que c'eft de bladum, mot employé dans la latinité barbare du moyen agé, par le chancelier Des-vignes, de Vineis, à qui l'empereur Fréderic II. fit, dit-on, crever les yeux.

Mais les mots latins de ces fiecles barbares n'étaient que d'anciens mots celtes ou tudefques latinifés. Bladum venait donc de notre blead; & non pas notre blead de bladum. Les Italiens difaient biada; & les pays, où l'ancienne langue romance s'eft confervée, difent encor blia.

Cette fcience n'eft pas infiniment utile: mais on ferait curieux de favoir où les Gaulois & les Teu

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