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gloire de ce monarque, parce que Cork en anglais fignific bouchon. Il ne s'en tint pas à ce fade jeu de mots; il écrivit en 1702 une brochure (ce font les mandemens du pays) pour faire voir aux Irlandais que c'est une impiété atroce de boire à la fanté des rois, & furtout à leur mémoire; que c'eft une pro、 phanation de ces paroles de JESUS-CHRIST, Buvezen tous, faites ceci en mémoire de moi.

Ce qui étonnera, c'est que cet évêque n'était pas le premier qui eût conçu une telle démence. Avant lui, le presbytérien Pryn avait fait un gros livre contre l'ufage impie de boire à la fanté des chrétiens.

Enfin, il y eut un Jean Geré, curé de la paroiffe de Ste. Foi, qui publia la divine potion, pour conserper la fanté fpirituelle par la cure de la maladie invétérée de boire à la fanté, avec des argumens clairs & folides contre cette coutume criminelle, le tout pour la fatisfaction du public; à la requête d'un digne membre du parlement, l'an de notre falut 1648.

Notre révérend pere Garaffe, notre révérend pe. re Patouillet, & notre révérend père Nonotte n'ont rien de fupérieur à ces profondeurs anglaises. Nous à qui avons longtems lutté, nos voisins & nous, l'emporterait.

BORNES DE L'ESPRIT HUMAIN.

ON

N demandait un jour à Newton pourquoi il marchait quand il en avait envie ? & comment fon bras & fa main fe remuaient à fa volonté ? Il ré

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pondit bravement, qu'il n'en favait rien. Mais, du moins, lui dit-on, vous qui connaissez fi bien la gravitation des planetes, vous me direz par quelle raifon elles tournent dans un fens plutôt que dans un autre; & il avoua encor qu'il n'en favait rien.

Ceux qui enfeignerent que l'Océan était falé de peur qu'il ne se corrompît, & que les marées étaient faites pour conduire nos vaiffeaux dans nos ports, furent un peu honteux quand on leur répliqua que la Méditerranée a des ports & point de reflux. Mufsbembroek lui-même est tombé dans cette inad

vertence.

Quelqu'un a-t-il jamais pu dire précisément, comment une buche fe change dans fon foyer en charbon ardent, & par quelle mécanique la chaux s'enflamme avec de l'eau fraiche?

Le premier principe du mouvement du cœur dans les animaux eft-il bien connu ? fait-on bien nettement comment la génération s'opere? a-t-on deviné ce qui nous donne les fenfations, les idées, la mémoire? Nous ne connaiffons pas plus l'effence de la matiere que les enfans qui en touchent la fuperficie.

Qui nous apprendra par quelle mécanique ce grain de blé que nous jettons en terre fe releve pour produire un tuyau chargé d'un épie, & comment le même fol produit une pomme au haut de cet arbre & une chataigne à l'arbre voifin? Plufieurs docteurs ont dit: que ne fais-je pas? Montagne difait: que fais-je!

Décideur impitoyable, pédagogue à phrases, raifonneur fouré, tu cherches les bornes de ton efprit. Elles font au bout de ton nez.

Parle m'apprendras-tu par quels fubtils refforts
L'éternel artifan fait végéter les corps?
Pourquoi l'afpic affreux, le tigre, la panthere,
N'ont jamais adouci leur cruel caractere;

Et que reconnaisfant la main qui le nourrit,

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Le chien meurt en léchant le maître qu'il chérit?
D'où vient qu'avec cent pieds, qui femblent inutiles,
Cet infecte tremblant traîne fes pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant fe bâtit un tombeau,
S'enterre, & reffufcite avec un corps nouveau;
Et le front couronné, tout brillant d'étincelles
S'élance dans les airs en déployant fes alles?
Le fage Dufay parmi fes plants divers,
Végétaux raffemblés des bouts de l'univers,
Me dira-t-il pourquoi la tendre sensitive
Se flétrit fous nos mains, honteuse & fugitive?
Pour découvrir un peu ce qui fe passe en moi,
Je m'en vais confulter le médecin du roi.
Sans doute il en fait plus que fes doctes confreres.
Je veux favoir de lui par quels fecrets myfteres
Ce pain, cet aliment dans mon corps digéré,
Se transforine en un lait doucement préparé?
Comment toujours filtré dans fes routes certaines,
En longs ruiffeaux de pourpre il court enfer mes veines,
A mon corps languiffant rend un pouvoir nouveau,
Fait palpiter mon cœur, & penfer mon cerveau?
Il leve au ciel les yeux, il s'incline, il s'écrie:
Demandez-le à ce Dieu, qui nous donna la vie.

Couriers de la phyfique, argonautes nouveaux,
Qui franchiffez les monts, qui traversez les eaux,
Ramenez des climats foumis aux trois couronnes,
Vos perches, vos fecteurs, & furtout deux Laponnes.
Vous avez recherché, dans ces lieux pleins d'ennui,
Ce que Newton connut fans fortir de chez lui:
Vous avez arpenté quelque faible partie

Des flancs toujours glacés de la terre applatie.
Dévoilez ces refforts, qui font la pefanteur.
Vous connaissez les loix qu'établit son auteur.
Parlez, enfeignez-moi, comment fes mains fécondes
Font tourner tant de cieux, graviter tant de mondes?
Pourquoi, vers le foleil notre globe entraîné,
Se meut autour de soi sur son axe incliné?
Parcourant en douze ans les céleftes demeures,
D'où vient que Jupiter a fon jour de dix heures?
Vous ne le favez point. Votre favant compas
Mesure l'univers, & ne le connait pas.

Je vous vois deffiner, par un art infaillible,
Les dehors d'un palais à l'homme innacceffible;
Les angles, les côtés font marqués par vos traits:
Le dedans à vos yeux eft fermé pour jamais.
Pourquoi donc m'affliger, fi ma débile vue
Ne peut percer la nuit fur mes yeux répandue?
Je n'imiterai point ce malheureux favant,
Qui des feux de l'Etna fcrutateur imprudent,
Marchant fur des monceaux de bitume & de cendre,
Fut confumé du feu qu'il cherchait à comprendre.

Nos bornes font donc partout, & avec cela nous fommes orgueilleux comme des paons que nous prononçons pans.

BOU C.

Es honneurs de toute efpece, que l'antiquité a rendus aux boucs, feraient bien étonnans, fi quel❤ que chofe pouvait étonner ceux qui font un peu familiarifés avec le monde ancien & moderne. Les Egyptiens & les Juifs défignerent fouvent les rois & les chefs du peuple par le mot de bouc. Vous trou

vez dans Zacharie: (00) La fureur du Seigneur s'eft irritée contre les pafteurs du peuple, contre les boucs; elle les vifitera: il a vifité fon troupeau la maison de Juda, & il en a fait fon cheval de bataille.

Sortez de Babilone (pp), dit Jérémie aux chefs du peuple; foyez les boucs à la tête du troupeau.

Ifaïe s'eft fervi aux chapitres X & XIV du terme de bouc, qu'on a traduit par celui de prince.

Les Egyptiens firent bien plus que d'appeller leurs rois boucs, ils confacrerent un bouc dans Mendès, & l'on dit même qu'ils l'adorerent. Il fe peut très bien que le peuple ait pris en effet un emblême pour une divinité, c'eft ce qui ne lui arrive que trop fouvent.

Il n'eft pas vraisemblable que les shoen ou shotim d'Egypte, c'est-à-dire les prêtres, aient à la fois immolé & adoré des boucs. On fait qu'ils avaient leur bouc Azazel qu'ils précipitaient orné & couronné de fleurs pour l'expiation du peuple, & que les Juifs prirent d'eux cette cérémonie & jufqu'au nom même d'Azazel, ainfi qu'ils adopterent plufieurs autres rites de l'Egypte.

Mais les boucs reçurent encor un honneur plus fingulier; il eft conftant qu'en Egypte plufieurs femmes donnerent avec les boucs le même exemple que donna Pafiphaë avec fon taureau. Hérodote raconte que lorsqu'il était en Egypte, une femme cut publiquement ce commerce abominable dans le nome de Mendès: il dit qu'il en fut très étonné, mais il ne dit point que la femme fut punie.

Ce

(oo) Chap. x. v. 3.

(pp) Chap. L. vs. §.

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