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DE BACON,

ET DE L'ATTRACTION.

LE plus grand fervice peut-être que François Ba

con ait rendu à la philofophie, a été de deviner l'ate traction.

Il difait fur la fin da feizieme fiecle, dans fon fi vre de la nouvelle méthode de favoir.

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Il faut chercher s'il n'y aurait point une espece de force magnétique qui opere entre la terre & ,, les chofes pefantes, entre la lune & l'océan, ,, entre les planetes.... Il faut ou que les corps

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graves foient pouffés vers le centre de la terre ,, ou qu'ils en foient mutuellement attirés; &, en ce dernier cas, il eft évident que plus les corps ,, en tombant s'approchent de la terre, plus forte ment ils s'attirent..... Il faut expérimenter fi la même horloge à poids ira plus vite fur le haut ,, d'une montagne ou au fond d'une mine. Si la force des poids diminue fur la montagne & aug,, mente dans la mine, il y a apparence que la terre ,, a une vraie attraction.

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Environ cent ans après, cette attraction, cette gravitation, cette propriété univerfelle de la matière, cette caufe qui retient les planetes dans leurs orbites, qui agit dans le foleil, & qui dirige un fétu vers le centre de la terre, a été trouvée, calculée & démontrée par le grand Newton; mais quelle fagacité dans Bacon de Verulam de l'avoir foupçonnée lorfque perfonne n'y penfait ?

Ce n'eft pas là de la matiere fubtile produite par des échancrures de petits dés qui tournerent autrefois fur eux-mêmes quoique tout fût plein; ce n'est pas de la matiere globuleufe formée de ces dés, ni de la matiere canelée. Ces grotefques furent recus pendant quelque tems chez les curieux; c'était un très mauvais roman; non-feulement il réuffit comme Cyrus & Pharamond, mais il fut embraffé comme une vérité par des gens qui cherchaient à penfer. Si vous en exceptez Bacon, Galilée, Toricelli & un très petit nombre de fages, il n'y avait alors que des aveugles en physique.

Ces aveugles quitterent les chimeres grecques pour les chimeres des tourbillons & de la matiere canelée; & lorfqu'enfin on eut découvert & démontré l'attraction, la gravitation & fes loix, on eria aux qualités occultes. Hélas! tous les premiers refforts de la nature, ne font-ils pas pour nous des qualités occultes? Les caufes du mouvement, du reffort, de la génération, de l'immutabilité des efpeces, du fentiment, de la mémoire, de la penfée, ne font-elles pas très occultes?

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Bacon foupçonna, Newton démontra l'existence d'un principe jufqu'alors inconnu. Il faut que les hommes s'en tiennent là, jufqu'à ce qu'ils devien nent des dieux. Newton fut affez fage en démontrant les loix de l'attraction pour dire qu'il on igno. rait la caufe; il ajouta que c'était peut-être une fubftance légere prodigieufement élastique, répandue dans la nature. Il tâchait apparemment d'apprivoiser par ces peut-être, les efprits effarouchés

du mot d'attraction, & d'une propriété de la matiere qui agit dans tout l'univers fans toucher à rien.

Le premier qui ofa dire (du moins en France) qu'il eft impoffible que l'impulfion foit la caufe de ce grand & univerfel phénomene, s'expliqua ainfi, lors même que les tourbillons & la matiere fubtile étaient encor fort à la mode.

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On voit l'or & le plomb, le papier, la plume, ,, tomber également víte & arriver au fond du réci,, pient en même tems dans la machine pneumati ,,que.

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Ceux qui tiennent encor pour le plein de Des ,, cartes, pour les prétendus effets de la matiere fubtile, ne peuvent rendre aucune bonne raifon ,, de ce fait; car les faits font leurs écueils. Si ,, tout était plein, quand on leur accordérait qu'il ,, pût y avoir alors du mouvement, (ce qui eft ab,, folument impoffible) au moins cette prétendue

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matiere fubtile remplirait exactement le récipient, elle y ferait en auffi grande quantité que de l'eau ,, ou du mercure qu'on y aurait mis: elle s'oppo-i ferait au moins à cette defcente fi rapide des ;, corps: elle réfifterait à ce large morceau de pa,, pier felon la furface de ce papier, & laifferait tomber la balle d'or ou de plomb beaucoup plus ,, vite. Mais ces chûtes fe font au même instant; ,, donc il n'y a rien dans le récipient qui réfifte; ,, donc cette prétendue matiere fubtile ne peut faire aucun effet fenfible dans ce récipient; donc il 13, , y a une autre force qui fait la pefanteur.

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,, En vain dirait-on qu'il refte une matiere fubj

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,, tile dans ce récipient, puifque la lumiere le ,, pénetre. Il y a bien de la différence; la lumie. re qui est dans ce vase de verre n'en occupe certainement pas la cent millieme partie; mais, fc. lon les Cartéfiens, il faut que leur matiere ima,, ginaire rempliffe bien plus exactement le réci,, pient que fi je le fuppofais rempli d'or, car il ,, y a beaucoup de vuide dans l'or; & ils n'en ad,, mettent point dans leur matiere fubtile.

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Or, par cette expérience, la piece d'or qui ,, pese cent mille fois plus que le morceau de papier, eft defcendue auffi vîte que le papier; donc ,, la force qui l'a fait descendre a agi cent mille fois ,,. plus fur lui que fur le papier; de même qu'il faudra cent fois plus de force à mon bras pour remuer cent livres que pour remuer une livre; donc cette puiffance qui opere la gravitation agit en raifon directe de la maffe des corps. Elle agit en effet tellement fur la maffe des corps, non fe. lon les furfaces, qu'un morceau d'or réduit en ,, poudre, defcend dans la machine pneumatique ,, auffi vîte que la même quantité d'or étendue en feuille. La figure du corps ne change ici en rien leur gravité; ce pouvoir de gravitation agit donç ,, fur la nature interne des corps, & non en rai. ,, fon des fuperficies.

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On n'a jamais pu répondre à ces vérités presfantes qne par une fuppofition auffi chimérique ,, que les tourbillons. On fuppofe que la matiere fubtile prétendue, qui remplit tout le récipient, ,, ne pese point. Etrange idée, qui devient abfur,, de ici; car il ne s'agit pas dans le cas préfent Troisieme partie.

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d'une matiere qui ne pefe pas, mais d'une ma tiere qui ne réfifte pas. Toute matiere réfifte ,, par fa force d'inertie. Donc fi le récipient était plein, la matiere quelconque qui le remplirait réfifterait infiniment; cela paraît démontré en ri"gueur.

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Ce pouvoir ne réfide point dans la prétendue ,, matiere fubtile. Cette matiere ferait un fluide; tout fluide agit fur les folides en raison de leurs ,, fuperficies; ainfi le vaiffeau préfentant moins de ,, furface par fa proue, fend la mer qui réfifteṛait à fes flancs. Or quand la fuperficie d'un corps eft le quarré de fon diametre, la folidité de ce ,, corps eft le cube de ce même diametre; le même pouvoir ne peut agir à la fois en raifon du cube & du quarré; donc la pefanteur, la ,, gravitation n'eft point l'effet de ce fluide. De ,, plus, il eft impoffible que cette prétendue ma

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tiere fubtile ait d'un côté affez de force pour ,, précipiter un corps de cinquante-quatre mille ,, pieds de haut en une minute, (car telle eft la chûte des corps) & que de l'autre elle foit affez impuiffante pour ne pouvoir empêcher le pendule ,, du bois le plus léger de remonter de vibration en vibration dans la machine pneumatique dont cet,, te matiere imaginaire eft fuppofée remplir exacte ,, ment tout l'efpace. Je ne craindrai donc point ,, d'affirmer, que, fi l'on découvrait jamais une im,, pulfion, qui fût la caufe de la pefanreur des corps , vers une centre, en un mot, la caufe de la gra,,vitation, de l'attraction univerfelle, cette impul

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fion ferait d'une toute autre nature que celle qui ,, nous eft connue."

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