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faire dépofer le cardinal de Noailles; mais ce boute feu fut exilé après la mort de fon pénitent. Le duc d'Orléans, dans fa régence, appaifa ces querelles en s'en moquant. Elles jetterent depuis quelques étincelles, mais enfin elles font oubliées & probable. ment pour jamais. C'eft bien affez qu'elles aient duré plus d'un demi-fiecle. Heureux encor les hom més s'ils n'étaient divifés que pour des fotifes qui ne font point verfer le fang humain! che ha

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fruit, gros comme nos, citrouilles, croit en Amérique aux branches d'un arbre auffi haut que les plus grands chênes.

Ainfi Matthieu Garo (8) qui croit avoir eu tort en Europe de trouver mauvais que les citrouilles rampent à terre, & ne foient pas pendues au haut des arbres, aurait eu raifon au Mexique. Il aurait eu encor raison dans l'Inde où les cocos font fort é levés. Cela prouve qu'il ne faut jamais fe hâter de conclure. DIEU fait bien ce qu'il fait's fans doute; mais il n'a pas élevé les citrouilles dans nos climats, de peur qu'en tombant de haut elles n'écrafent le nez de Matthieu Garo.

La calebaffe ne fervira ici qu'à faire voir qu'il faut fe défier de l'idée que tout a été fait pour l'homme. Il y a des gens qui prétendent que le gazon n'est verd que pour réjouir la vue. Les apparences pour tant feraient que l'herbe eft plutôt faite pour les

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(8) Voyez la fable de Matthieu Gard dans La Fontaine,

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nimaux qui la broutent, que pour l'homme à qui le gramen & le trefle font affez inutiles. Si la nature a produit les arbres en faveur de quelque espece, il eft difficile de dire à qui elle a donné la préférence: les feuilles, & même l'écorce, nourriffent une multitude prodigieufe d'infectes: les oifeaux mangent leurs fruits, habitent entre leurs branches, y compofent l'industrieux artifice de leurs nids, & les troupeaux fe repofent fous leurs ombres.

L'auteur du Spectacle de la nature prétend que la mer n'a un flux & un reflux que pour faciliter le départ & l'entrée de nos vaiffeaux. Il parait que Matthieu Garo raifonnait encor mieux: la Méditerrannée fur laquelle on a tant de vaiffeaux, & qui n'a de marée qu'en trois ou quatre endroits, détruit l'opinion de ce philofophe.

Jouiffons de ce que nous avons, & ne croyons pas être la fin & le centre de tout. Voici fur cette maxime quatre petits vers d'un géometre; il les calcula un jour en ma préfence; ils ne font pas pompeux.

Homme chétif, la vanité te point.

Tu te fais centre: encor fi c'était ligne!
Mais dans l'espace à grand' peine es-tu point.
Va, fois zero: ta fotife en eft digne.

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CARACTERE.

Eut-on changer de caractere? Oui, fi on change de corps. Il fe peut qu'un homme né brouillon,

inflexible & violent, étant tombé dans fa vieilleffe en apoplexie, devienne un fot enfant, pleureur, timide & paifible. Son corps n'eft plus le même. Mais tant que fes nerfs, fon fang, & fa moëlle allongée feront dans le même état, fon naturel ne changera pas plus que l'instinct d'un loup & d'une fouine.

L'auteur Anglais du difpenfari, petit poëme très fupérieur aux capitoli italiens, & peut-être même au lutrin de Boileau, a très bien dit, ce me femble.

Un mélange fecret de feu, de terre & d'eau.
Fit le cœur de Céfar, & celui de Nassau.
D'un reffort inconnu, le pouvoir invincible
Rendit Slone impudent & fa femme fenfible.

Voulez-vous changer abfolument le caractere d'un homme; purgez-le tous les jours avec des délayans jusqu'à ce que vous l'ayez tué.

Charles XII, dans chemin de Bender, n'était plus le même homme. On difpofait de lui comme d'un enfant.

fa fievre de fuppuration fur le

Si j'ai un nez de travers, & deux yeux de chat, je peux les cacher avec un mafque. Puis-je davantage fur le caractere que m'a donné la nature?

Un homme né violent, emporté, fe préfente de. vant François I roi de France, pour se plaindre d'un paffe-droit; le vifage du prince, le maintien refpectueux des courtisans, le lieu même où il eft, font une impreffion puiffante fur cet homme; il baisse machinalement les yeux, fa voix rude s'adoucit, il présente humblement fa requête, on le croirait né auffi doux que le font (dans ce moment au moins) les courtifans, au milieu defquels il eft même dé

concerté; mais fi François 1 fe connait en phyfiono. mies, il découvre aifément dans fes yeux baiffés, mais allumés d'un feu fombre, dans les mufcles tendus de fon vifage, dans fes levres ferrées l'une contre l'autre, que cet homme n'est pas fi doux qu'il est forcé de paraître. Cet homme le fuit à Pavie, est pris avec lui, mené avec lui en prifon à Madrid; la majesté de François I ne fait plus fur lui la même impreffion; il fe familiarife avec l'objet de fon respect. Un jour en tirant les bottes du roi, & les tirant mal, le roi aigri par fon malheur fe fâche, mon homme envoie promener le roi, & jette fes bottes par la fenêtre.

Sixte-Quint était né pétulant, opiniâtre, altier, impétueux, vindicatif, arrogant; ce caractere femble adouci dans les épreuves de fon noviciat. Com. mence-t-il à jouir de quelque crédit dans fon ordre ? il s'emporte contre un gardien & l'affomme à coups de poing: eft-il inquifiteur à Venise ? il exerce fa charge avec infolence: le voilà cardinal, il eft posfédé da la rabbia papale: cette rage l'emporte fur fon naturel; il enfevelit dans l'obfcurité fa perfonne & fon caractere; il contrefait l'humble & le moribond; on l'élit pape; ce moment rend au resfort, que la politique avait plié, toute fon élasticité longtems retenue; il eft le plus fier & le plus defpotique des fouverains.

Naturam expellas furca tamen ipfa redibit.

Chaffez le naturel, il revient au galop.

La religion, la morale, mettent un frein à la for

ce du naturel, elles ne peuvent le détruire. L'y vrogne dans un cloftre, réduit à un demi-feptier de cidre à chaque repas, ne s'enyvrera plus, mais il aimera toujours le vin.

L'âge affaiblit le caractere; c'est un arbre qui ne produit plus que quelques fruits dégénérés, mais ils. font toujours de même nature; il fe couvre de nœuds & de mouffe, il devient vermoulu; mais il est toujours chêne ou poirier. Si on pouvait changer fon caractere, on s'en donnerait un, on ferait le maître de la nature. Peut-on fe donner quelque chofe? ne recevons nous pas tout? Effayez d'animer l'indolent d'une activité fuivie, de glacer par l'apatie l'ame bouillante de l'impétueux, d'infpirer du goût pour la mufique & pour la poëfie à celui qui manque de goût & d'oreilles; vous n'y parviendrez pas plus que fi vous entrepreniez de donner la vue à un aveugle né. Nous perfectionnons, nous adoucisfons, nous cachons ce que la nature a mis dans nous, mais nous n'y mettons rien.

On dit à un cultivateur, Vous avez trop de poisfons dans ce vivier, ils ne profpéreront pas; voilà trop de beftiaux dans vos prés, l'herbe manque, ils maigriront. Il arrive après cette exhortation que les brochets mangent la moitié des carpes de mon homme, & les loups la moitié de fes moutons, le refte engraiffe. S'applaudira-t-il de fon œconomie? Ce campagnard, c'eft toi-même ; une de tes pas. fions a dévoré les autres, & tu crois avoir triomphé de toi. Ne reffemblons-nous pas prefque tous à ce vieux général de quatre-vingt-dix ans, qui ayant rencontré de jeunes officiers qui faifaient un

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