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ou gravir fur des rocs. Telles furent l'Allemagne & la France entiere jufqu'au milieu du dix-feptieme fiecle. Tout le monde était en bottes: on allait dans les rues fur des échaffes dans plufieurs villes d'Allemagne.

Enfin fous Louis XIV, on commença les grands chemins que les autres nations ont imités. On en a fixé la largeur à foixante piés en 1720. Ils font bordés d'arbres en plufieurs endroits jufqu'à trente licues de la capitale; cet afpect forme un coup d'œil admirable. Les voies militaires romaines n'étaient larges que de feize piés; mais elles étaient infini ment plus folides. On n'était pas obligé de les réparer tous les ans comme les nôtres. Elles étaient embellies de monumens, de colonnes milliaires, & même de tombeaux fuperbes. Car ni en Grece ni en Italie il n'était permis de faire fervir les villes de fépultures; encor moins les temples: c'eût été un facrilege. Il n'en était pas comme dans nos églises, où une vanité de barbares fait enfevelir à prix d'argent des bourgeois riches qui infectent le lieu même où l'on vient adorer DIEU, & où l'encens ne femble brûler que pour déguifer les odeurs des cadavres, tandis que les pauvres pouriffent dans le cimetiere attenant, & que les uns & les autres répandent les maladies contagieufes parmi les vi

vans.

Les empereurs furent prefque les feuls dont les cendres reproferent dans des monumens érigés à Rome.

Les grands chemins de foixante piés de large occupent trop de terrain. C'eft environ quarante piés

de trop. La France a près de deux cents lieues ou environ de l'embouchure du Rhône au fond de la Bretagne, autant de Perpignan à Dunkerke, en comptant la lieue à deux mille cinq cents toifes. Cela fait cent vingt millions de piés quarrés pour deux feuls grands chemins, perdus pour l'agriculture. Cette perte eft très confidérable dans un pays où les récoltes ne font pas toujours abondantes.

On effaya de paver le grand chemin d'Orléans qui n'était pas de cette largeur; mais on s'apperçut depuis que rien n'était plus mal imaginé pour une route couverte continuellement de gros charrois. De ces pavés pofés tout fimplement fur la terre, les uns fe baiffent, les autres s'élevent; le chemin devient ra boteux, & bientôt impraticable; il a fallu y renoncer.

Les chemins recouverts de gravier & de fable exigent un nouveau travail toutes les années. Ce travail nuit à la culture des terres, & ruine l'agriculteur.

Mr. Turgot, fils du prévôt des marchands, dont le nom eft en bénédiction à Paris, & l'un des plus éclairés magiftrats du royaume & des plus zélés pour le bien public, a remédié autant qu'il a pu à ce fatal inconvénient dans la généralité de Limoges, & a été imité.

On a prétendu qu'on devait, à l'exemple d'Augufté & de Trajan, employer les troupes à la confection des chemins; mais alors il faudrait augmenter la paie du foldat; & un royaume qui n'était qu'une province de l'empire Romain, & qui est souvent obéré, peut rarement entreprendre ce que l'empire Romain faifait fans peine.

C'est une coutume affez fage dans les Pays-Bas

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d'exiger de toutes les voitures un péage modique pour l'entretien des voies publiques. Ce fardeau n'eft point pefant. Le payfan est à l'abri des vexations. Les chemins y font une promenade continue; très agréable.

CHI E N.

IL femble que la nature ait donné le chien à l'hom

me pour fa défense & pour fon plaifir. C'eft de tous les animaux le plus fidele: c'eft le meilleur ami que puiffe avoir l'homme.

Il paraît qu'il y en a plufieurs efpeces abfolument différentes. Comment imaginer qu'un levrier vienne originairement d'un barbet? il n'en a ni le poil, ni les jambes, ni le corfage, ni la tête, ni les oreilles, ni la voix, ni l'odorat, ni l'inftinct. Un homme qui n'aurait vu en fait de chiens que des barbets ou des épagneuls, & qui verrait un levrier pour la premierė fois, le prendrait plutôt pour un petit cheval nain que pour un animal de la race épagneule. Il est bien vraisemblable que chaque race fut toujours ce qu'elle eft, fauf le mélange de quelques-unes en petit nombre.

Il est étonnant que le chien ait été déclaré immonde dans la loi juive, comme l'ixion, le griffon, le lievre, le porc, l'anguille; il faut qu'il y ait quelque raison physique ou morale que nous n'ayons pu encor découvrir.

Ce qu'on raconte de la fagacité, de l'obéiffance, de l'amitié, du courage des chiens eft prodigieux,

&eft vrai. Le philofophe militaire Ulloa, (24) nous affure que dans le Pérou les chiens efpagnols reconnaiffent les hommes de race indienne, les pourfuivent & les déchirent; que les chiens péruviens en font autant des efpagnols. Ce fait femble prouver que l'une & l'autre cfpece de chiens retient encor la haine qui lui fut infpirée du tems de la découverte; & que chaque race combat toujours pour fes maîtres avec le même attachement & la même valeur.

Pourquoi donc le mot de chien eft-il devenu une injure? On dit par tendreffe, mon moineau, ma colombe, ma poule; on dit même mon chat, quoique cet animal foit traître. Et quand on eft fâché, on appelle les gens chiens! Les Turcs mêmes, fans être en colere, difent par une horreur mêlée au mépris, les chiens de chrétiens. La populace Anglaife, en voyant paffer un homme qui par fon maintien, fon habit & fa perruque, a l'air d'être né vers les bords de la Seine ou de la Loire, l'appelle communément Frenkb dog, chien de Français. Cette figure de rhétorique n'eft pas polie & parait injufte.

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Le délicat Homere introduit d'abord le divin A. .chille difant au divin Agamemnon, qu'il eft impudent comme un chien. Cela pourait juftifier la po pulace Anglaife.

Les plus zélés partifans du chien doivent confelfer que cet animal a de l'audace dans les yeux, que plufieurs, font hargneux, qu'ils mordent quelquefois des inconnus en les prenant pour des ennemis (24) Poyage d'Ulloa au Pérou, liv. VI.

de leurs maîtres; comme des fentinelles tirent fur les paffans qui approchent trop de la contrefcarpe. Ce font là probablement les raifons qui ont rendu l'épithete de chien une injure; mais nous n'ofons décider.

Pourquoi le chien a-t-il été adoré ou révéré (comme on voudra) chez les Egyptiens? C'est, dit-on, que le chien avertit l'homme. (25) Plutar que nous apprend qu'après que Cambyfe eut tué leur bœuf Apis & l'eut fait mettre à la broche, aucun animal n'ofa manger les reftes des convives, tant était profond le respect pour Apis; mais le chien ne fut pas fi fcrupuleux, il avala du Dieu. Les Egyptiens furent fcandalifés comme on le peut croire, & Anubis perdit beaucoup de fon crédit.

Le chien conferva pourtant l'honneur d'être toujours dans le ciel fous le nom du grand & du petit chien. Nous eumes conftamment les jours caniculaires.

Mais de tous les chiens, Cerbere fut celui qui eut le plus de réputation; il avait trois gueules. Nous avons remarqué que tout allait par trois. Ifis, Ofi ris & Orus les trois premieres divinités égyptiaques; les trois freres Dieux du monde grec, Jupiter, Neptune & Pluton; les trois parques; les trois furies; les trois juges d'enfer; les trois gueules du chien de là-bas.

Nous nous appercevons ici avec douleur que nous avons omis l'article des chats; mais nous nous confolons en renvoyant à leur hiftoire. Nous remarquerons feulement qu'il n'y a point de chats dans les

(25) Plutarque chap. dfis & d'Ofiris

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