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il n'exerce qu'un simple pouvoir d'administration.

>> C'est encore, non comme propriétaire supérieur et universel du territoire, mais comme administrateur suprême de l'intérêt public, que le souverain fait des lois civiles pour régler l'usage des propriétés privées. Ces propriétés ne sont la matière des lois que comme objet de protection et de garantie, et non comme objet de disposition arbitraire. Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ce sont des actes de justice et de raison. Quand le législateur publie. des règlemens sur les propriétés particulières, il n'intervient pas comme maître, mais uniquement comme arbitre, comme régulateur, pour le maintien du bon ordre et de la paix.

» Lors de l'étrange révolution qui fut opérée par l'établissement du régime féodal, toutes les idées sur le droit de propriété furent dénaturées, et toutes les véritables maximes furent obscurcies; chaque prince, dans ses États, voulut s'arroger des droits utiles sur les terres des particuliers, et s'attribuer le domaine absolu de toutes les choses publiques. C'est dans ce temps que l'on vit naître cette foule de règles extraordinaires qui régissent encore la glus grande partie de l'Europe, et que nous avons heureusement proscrites. Cependant, à travers toutes ces règles,

quelques étincelles de raison qui s'échappoient, laissoient toujours entrevoir les vérités sacrées qui doivent régir l'ordre social.

>> Dans les contrées où les lois féodales dominent le plus, on a constamment reconnu des biens libres et allodiaux; ce qui prouve que l'on n'a jamais regardé la seigneurie féodale comme une suite nécessaire de la souveraineté. Dans ces contrées, on distingue dans le prince deux qualités; celle de supérieur dans l'ordre des fiefs, et celle de magistrat politique dans l'ordre commun. On reconnoît que la seigneurie féodale ou la puissance des fiefs, n'est qu'une chose accidentelle qui ne sauroit appartenir à un souverain, comme tel. On ne range dans la classe des prérogatives de la puissance souveraine, que celles qui appartiennent essentiellement à tout souverain, et sans lesquelles il seroit impossible de gouverner une société politique.

» On a toujours tenu pour maxime que les domaines des particuliers sont des propriétés sacrées qui doivent être respectées par le souverain lui-même.

» D'après cette maxime, on a établi dans le Code, que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité pu

blique, et moyennant une juste et préalable indemnité » (1).

II. DIVISION.

Pour quelle cause l'État a le droit de disposer des propriétés privées.

Quoique l'État n'ait et ne puisse s'arroger, sous aucun prétexte, le domaine utile, il ne s'ensuit point qu'il ne lui soit jamais permis d'en disposer : « l'intérêt général, qui est supérieur à tous les intérêts privés, peut exiger qu'un particulier cède sa propriété. Ce droit pourroitil ne pas exister, puisque, dans certains cas de nécessité, un simple citoyen peut être autorisé à affecter la propriété d'un autre, comme, par exemple, si un chemin étoit indispensable » (2)?

On a donc dû établir que tout propriétaire seroit obligé de céder sa propriété, quand l'utilité publique l'exigeroit, et ajouter qu'il ne pourroit y être contraint que pour cette cause; encore 5 ce propriétaire n'y perd-il rien, puisqu'il reçoit une indemnité proportionnée au sacrifice

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 28 nivose an 12, tome IV, pages 62, 63 et 64. · (2) M. Grenier, Tribun, Tome II, 2. partie, pages 100 et 101.

qu'il fait (1). C'est ainsi que toute justice se trouve accomplie.

Cependant, qu'est-ce que l'utilité publique? On avoit demandé I qu'elle fût définie afin de prévenir les difficultés qui se sont quelquefois élevées sur ce sujet (2).

Mais il a été observé que « le Code Napoléon ne pouvoit établir que des règles générales, et non en déterminer les diverses applications » (3).

Au reste « pour que l'État soit autorisé à disposer des domaines des particuliers, on ne requiert pas cette nécessité rigoureuse et absolue qui donne aux particuliers mêmes quelque droit sur le bien d'autrui. Des motifs graves d'utilité publique suffisent, parce que, dans l'intention raisonnablement présumée de ceux qui vivent dans une société civile, il est certain que chacun s'est engagé à rendre possible, par quelque sacrifice personnel, ce qui est utile à tous » (4).*

Toutefois, on a retranché un article du pro

(1) M. Faure, Tribun, tome II, 2o. partie, page 72. —(2) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Procès-verbal du 20 vendémiaire an 12, tome III, page 92. (3) Le Consul Cambacérès, ibidem. —(4) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 28 nivose, an 12, tome IV, pages 64 et 65.

* On sait le droit qu'a tout propriétaire qui n'a point d'issue pour arriver à son domaine, d'obliger les propriétaires à lui donner, en payant, passage sur leurs propres terres.

jet qui portoit: néanmoins dans le cas d'une trèsgrande urgence et pour des causes de sûreté publique le gouvernement peut occuper la propriété d'un particulier, mais à la charge d'une juste indemnité (1). On a pensé « que cet article, en laissant quelqu'équivoque sur les cas d'urgence, pourroit donner lieu à des abus locaux » (2).

III. DIVISION,

Sous quelles conditions l'État peut exercer

son droit.

L'article 545 veut que ce soit sous celle de payer une juste et préalable indemnité.

« Le principe de l'indemnité due au citoyen dont on prend la propriété, est vrai dans tous les cas sans exception. Les charges de l'état doivent être supportées avec égalité et dans une juste proportion. Or, toute égalité, toute proportion seroit détruite, si un seul ou quelques-uns pouvoient jamais être soumis à faire des sacrifices auxquels les autres citoyens ne contribueroient pas » (5).

(1) 1TMo. Rédaction, art. 539, Procès-verbal du 20 vendémaire tome III, page 87. (2) Le Consul Cambacérès, ibidem,

an12,

page 92. — (3) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 28 nivose an 12, tome IV, page 65.

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