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leur pût rendre cet office, puisque le Baptême de quelque côté qu'il pût venir, étoit également nul. Voilà ce que c'est d'être réformés de la façon d'un cordonnier, qui de leur aveu, dans une préface de leur Confession de foi (1), ne sut jamais un mot de latin, et qui n'étoit pas moins présomptueux qu'ignorant. Voilà les hommes qu'on admire parmi les Protestans. S'agit-il de condamner l'Eglise romaine? Ils ne cessent de lui reprocher l'ignorance de ses prêtres et de ses moines. S'agit-il des ignorans de ces derniers siècles, qui ont prétendu réformer l'Eglise par le schisme? Ce sont des pécheurs devenus apôtres; encore que leur ignorance demeure marquée éternellement dès le premier pas qu'ils ont fait. N'importe; si nous en croyons les Luthériens, dans la préface qu'ils mirent à la tête de l'Apologie des Frères, en l'imprimant à Vitemberg du temps de Luther; si, dis-je, nous les en croyons, c'étoit dans cette ignorante société et dans cette poignée de gens que « l'Eglise de Dieu s'étoit conservée, lorsqu'on >> la croyoit tout-à-fait perdue (2) ».

Leurs vai

Cependant ces restes de l'Eglise, ces déposi- CLXXVII. taires de l'ancien christianisme, étoient euxmêmes honteux de ne voir dans tout le monde aucune Eglise de leur croyance. Camérarius nous

nes enquêtes à chercher dans tout l'univers quelque Eglise de

apprend (3) qu'au commencement de leur séparation il leur vint en la pensée de s'informer s'ils leur croyan-

(1) Conf. fid. 1558, Synt. Gen. II. part. p. 164. (2) Joan. Eusleb. in orat. præfixá Apol. frat. sub hoc titulo: ОEconomia, etc. ap. Lyd. t. 11, p. 95. — (3) De Eccl. frat. p. 91.

ce.

ne trouveroient point en quelque endroit de la terre, et principalement en Grèce ou en Arménie, ou quelque part en Orient, le christianisme que l'Occident avoit perdu tout-à-fait dans leur pensée. En ce temps plusieurs prêtres grecs qui s'étoient sauvés du sac de Constantinople en Bohême, et que Roquesane y avoit reçus dans sa maison, eurent permission de célébrer les saints mystères selon leur rit. Les Frères y virent leur condamnation, et la virent encore plus dans les entretiens qu'ils eurent avec ces prêtres. Mais quoique ces Grecs les eussent assurés qu'en vain ils iroient en Grèce y chercher des chrétiens à leur mode, et qu'ils n'en trouveroient jamais; ils nommèrent des députés, gens habiles et avisés, dont les uns coururent tout l'Orient, d'autres allèrent du côté du Nord dans la Moscovie, et d'autres prirent leur route vers la Palestine et l'Egypte; d'où s'étant rejoints à Constantinople selon le projet qu'ils en avoient fait, ils revinrent enfin en Bohême dire à leurs Frères pour toute réponse, qu'ils se pouvoient assurer d'être les seuls de leur croyance dans toute la terre. CLXXVIII. Leur solitude dénuée de la succession et de Comment toute ordination légitime leur fit tant d'horreur, choient For- qu'encore du temps de Luther ils envoyoient de

ils recher

dination

catholique.

leurs gens qui se couloient furtivement dans les dans l'Eglise ordinations de l'Eglise romaine: un traité de Luther, que nous avons cité ailleurs, nous l'apprend. Pauvre Eglise, qui, destituée du principe de fécondité que Jésus-Christ a laissé à ses apôtres et

dans l'ordre apostolique, étoient contraints de se mêler parmi nous pour y venir mendier ou plutôt dérober les ordres.

>>

CLXXIX.

Reproches que leur fait

Au reste, Luther leur reprochoit qu'ils ne voyoient goutte non plus que Jean Hus dans la Justification, qui étoit le point principal de l'E- Luther. vangile car « ils la mettoient, poursuit-il (1), » dans la foi et dans les œuvres ensemble, ainsi » qu'ont fait plusieurs Pères; et Jean Hus étoit plongé dans cette opinion ». Il a raison : car ni les Pères, ni Jean Hus, ni Viclef son maître, ni les orthoxodes, ni les hérétiques, ni les Albigeois, ni les Vaudois, ni aucun autre, n'avoient songé avant lui à la justice imputative. C'est pourquoi il méprisoit les Frères de Bohême, « comme des gens sérieux, rigides, d'un regard » farouche, qui se martyrisoient avec la loi et » les œuvres, et qui n'avoient pas la conscience » joyeuse (2) ». C'est ainsi que Luther traitoit les plus réguliers à l'extérieur de tous les Réformateurs schismatiques, et les seuls restes de la vraie Eglise, à ce qu'on disoit. Il fut bientôt satisfait les Frères outrèrent la justification luthérienne, jusqu'à donner aveuglément dans les excès des Calvinistes, et même dans ceux dont les Calvinistes d'aujourd'hui tâchent de se défendre. Les Luthériens vouloient que nous fussions justifiés sans y coopérer, et sans y avoir part. Les Frères. ajoutèrent que c'étoit même « sans le savoir et » sans le sentir, comme un embryon est vivifié

:

(1) Luth. coll. p. 286; edit. Franc. an. 1676. • (2) Ibid.

CLXXX.

trine sur les

mens.

:

» dans le ventre de sa mère (1) ». Après qu'on étoit régénéré, Dieu commençoit à se faire sentir et si Luther vouloit qu'on connût avec certitude sa justification, les Frères vouloient encore qu'on fût entièrement et indubitablement assuré de sa persévérance et de son salut. Ils poussèrent l'imputation de la justice jusqu'à dire que les péchés, quelque énormes qu'ils fussent, étoient véniels, pourvu qu'on les commît avec répugnance (2); et que c'étoit de ces péchés que saint Paul disoit, qu'il n'y avoit point de damnation pour ceux qui étoient en Jésus-Christ (3).

Les Frères avoient comme nous sept sacremens Leur doc- dans la Confession de 1504, présentée au roi Lasept Sacre- dislas. Ils les prouvoient par les Ecritures, et ils les reconnoissoient établis pour l'accomplissement des promesses que Dieu avoit faites aux fidèles (4). Il falloit qu'ils conservassent encore cette doctrine des sept Sacremens du temps de Luther, puisqu'il le trouva mauvais. La Confession de foi fut réformée, et les sacremens réduits à deux, le Baptême et la Cène, comme Luther l'avoit prescrit. L'absolution fut reconnue, mais hors du rang des sacremens (5). En 1504 on parloit de la confession des péchés comme d'une chose d'obligation. Cette obligation ne paroît plus si précise dans la Confession réformée, et on y dit seule

(2) Ibid. 168. p.

-

(Apol. part. IV, ap. Lyd. t. 11, p. 244, 248. 11. part. p. 172, 173. IV. part. p. 282. Ibid. part. II. (3) Rom. VIII. I. (4) Conf. fid. ap. Lyd. t. 11, p. 8 et seq. citat. in Apol. 1531, ap. eumd. Lyd. 296, t. 11, Ien. Germ. liv. de Pador. · p. 229, 230—(5) Ibid. art. 11, 12, 13.

ment « qu'il faut demander au prêtre l'absolu»tion de ses péchés par les clefs de l'Eglise, et >> en obtenir la rémission par ce ministère établi » de Jésus-Christ pour cette fin (1) ».

CLXXXI.

Sur la pré

sence réelle.

Pour la présence réelle, les défenseurs du sens littéral et les défenseurs du sens.figuré ont également tâché de tirer à leur avantage les Confessions de foi des Bohémiens. Pour moi, à qui la chose est indifférente, je rapporterai seulement leurs paroles; et voici d'abord ce qu'ils écrivirent à Roquesane, comme ils le rapportent eux-mêmes dans leur Apologie (2). « Nous croyons qu'on » reçoit le corps et le sang de notre Seigneur » sous les espèces du pain et du vin ». Et un peu après « Nous ne sommes pas de ceux qui en» tendent mal les paroles de notre Seigneur, di» sent qu'il a donné le pain consacré en mémoire » de son corps, qu'il montroit avec le doigt, en di»sant: Ceci est mon corps. D'autres disent que ce » pain est le corps de notre Seigneur qui est dans » le ciel, mais en signification. Toutes ces expli>>cations nous paroissent éloignées de l'intention » de Jésus-Christ, et nous déplaisent beaucoup ». Dans leur Confession de foi de 1504, ils par- CLXXXII. lent ainsi (3): Toutes les fois a qu'un digne prêtre » avec un peuple fidèle prononce ces paroles : » Ceci est mon corps, ceci est mon sang, le pain » présent est le corps de Jésus-Christ qui a été

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(1) Ibid. art. 5, 14. Prof. fid. ad Lad. cap. de pœnit. laps. ap. Lyd. t. 11, p. 15. (2) Apol. 1532, IV. pari. ap. Lyd. 295. · (3) Prof. fid. ad Lad. cap. de Euch. ap. Lyd. t. 11, p. 10, cital. Apol. IV. part. Ibid. 296.

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