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» tienne, fussent-elles en schisme les unes contre » les autres JUSQUES AUX ÉPÉES TIRÉES ».

>>

Malgré des expressions si générales, il varie sur les Sociniens: car d'abord, dans ses Préjugés légitimes, où il disoit naturellement ce qu'il pensoit, il commence par les ranger parmi les membres de l'Eglise chrétienne (1). Il paroît un peu embarrassé sur la question, si on peut aussi faire son salut parmi eux : car d'un côté il semble ne rendre capables du salut que ceux qui vivent dans les sectes où l'on reconnoît la divinité de Jésus-Christ avec les autres articles fondamentaux; et de l'autre, après avoir construit le corps de l'Eglise de tout ce grand amas de sectes qui font profession du christianisme dans toutes les provinces du monde (2), composé où visiblement les Sociniens sont compris, il conclut en termes formels, que les saints et les élus sont répandus dans toutes les parties de ce vaste corps.

Les Sociniens gagnoient leur cause, et M. Juricu fut blâmé dans son parti même de leur avoir été trop favorable; ce qui fait que dans son Systême il force un peu ses idées : car au lieu que dans les Préjugés il mettoit naturellement dans le corps de l'Eglise universelle toutes les sectes quelles qu'elles fussent sans exception; dans le Systême il y ajoute ordinairement ce correctif, du moins celles qui conservent les points fondamentaux (3); ce qu'il explique de la Trinité et des autres de pareille conséquence. Par-là il sembloit restreindre ses propositions gé

-

(1) Prej. leg. p. 4. (2) Pag. 4, etc. p. S. (3) Pag. 233, etc.

nérales: mais à la fin, entraîné par la force de son principe, il rompt, comme nous verrons, toutes les barrières que la politique du parti lui imposoit, et il reconnoît à pleine bouche que les vrais fidèles se peuvent trouver dans la communion d'une Eglise socinienne.

Voilà l'histoire de l'opinion qui compose l'Eglise catholique des communions séparées. Elle paroît devoir prendre une grande autorité dans le parti protestant, si la politique ne l'empêche. Les disciples de Calixte se multiplient parmi les Luthériens. Pour ce qui regarde les Calvinistes, on voit clairement que le nouveau systême de l'Eglise y prévaut; et comme M. Jurieu se signale parmi les siens en le défendant, et que nul n'en a mieux posé les principes, ni mieux vu les conséquences, on n'en peut mieux faire voir l'irrégularité qu'en racontant le désordre où ce ministre est jeté par cette doctrine, et ensemble les avantages qu'il donne aux Catholiques.

Pour entendre sa pensée à fond, il faut présupposer sa distinction de l'Eglise considérée selon le corps, et de l'Eglise considérée selon l'ame (1). La profession du christianisme suffit pour faire partie du corps de l'Eglise; ce qu'il avancé contre M. Claude, qui ne compose le corps de l'Eglise que de vrais fidèles : mais pour avoir part à l'ame de l'Eglise, il faut être dans la grâce de Dieu.

Cette distinction supposée, il est question de savoir quelles sectes sont simplement dans le corps de l'Eglise, et quelles sont celles où l'on (1) Préj. lég. c. 1. Syst. l. 1, c. 1.

LIV.

Qu'on sc peut sauver

dans l'Egli

se romaine selon ce mi

nistre.

LV.

L'Eglise ro

peut parvenir jusqu'à participer à son ame, c'est-à-dire à la charité et à la grâce de Dieu : c'est ce qu'il explique assez clairement par une histoire abrégée qu'il fait de l'Eglise. Il la commence par dire qu'elle se gâta après le troisième siècle (1): qu'on retienne cette date. Il passe par-dessus le quatrième siècle, sans l'approuver ni le blâmer: « Mais, poursuit-il, » dans le cinquième, le six, le sept et le huit, l'Eglise adopta des divinités d'un second ordre, >> adora les reliques, se fit des images, et se pros» terna devant elles jusque dans les temples: et » alors, devenue malade, difforme, ulcéreuse, » elle étoit néanmoins vivante » : de sorte que l'ame y étoit encore, et, ce qu'il est bon de remarquer, elle y étoit au milieu de l'idolâtrie.

>>

Il continue en disant «< que l'Eglise universelle » s'est divisée en deux grandes parties, l'Eglise » grecque et l'Eglise latine. L'Eglise grecque >> avant ce grand schisme étoit déjà subdivisée en » Nestoriens, en Eutychiens, en Melchites, et » en plusieurs autres sectes: l'Eglise latine, en » PAPISTES, Vaudois, Hussites, Taboristes, Lu

thériens, Calvinistes et Anabaptistes (2) »; et il décide que c'est une erreur de s'imaginer que >> toutes ces différentes parties aient absolument » rompu avec Jésus-Christ, en rompant les unes » avec les autres (3) ».

Qui ne rompt pas avec Jésus-Christ ne rompt pas avec le salut et la vie; aussi compte-t-il ces prise parmi sociétés parmi les sociétés vivantes. Les sociétés

maine com

(1) Pag. 5. — (2) Ibid. — (3) P. 6.

mortes,

les fonde

servés.

mortes, selon ce ministre; sont « celles qui rui- les sociétés » nent le fondement, c'est-à-dire, la Trinité, vivantes, où » l'Incarnation, la satisfaction de Jésus-Christ, mens du sa» et les autres articles semblables; mais il n'en lut sont con» est pas ainsi des Grecs, des Arméniens, des » Cophtes, des Abyssins, des Russes, des PA» PISTES et des Protestans. Toutes ces sociétés, » dit-il (1), ont formé l'Eglise, et Dieu y conserve » ses vérités fondamentales ».

Il ne sert de rien d'objecter qu'elles renversent ces vérités par des conséquences tirées en bonne forme de leurs principes; parce que, comme elles désavouent ces conséquences, on ne doit pas, selon le ministre (2), les leur imputer; ce qui lui fait reconnoître des élus jusque chez les Eutychiens qui confondoient les deux natures de Jésus-Christ, et parmi les Nestoriens qui en divisoient la personne. « Il n'y a pas lieu de douter, » dit-il (3), que Dieu ne s'y conserve un résidu » selon l'élection de la grâce »; et de peur qu'on ne s'imagine qu'il y ait plus de difficulté pour l'Eglise romaine que pour les autres, à cause qu'elle est, selon lui, le royaume de l'Antechrist, il satisfait expressément à ce doute, en assurant qu'il s'est conservé des élus dans le règne de l' Antechrist même (4), et jusque dans le sein de Ba'bylone.

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LVI.

Le ministre le prouve par ces paroles: Sortez de Babylone, mon peuple. D'où il conclut que le Que l'antipeuple de Dieu, c'est-à-dire ses élus, y étoient me de l'E

(1) Syst. p. 147, 149. — (2) Ibid. p. 155. — (3) Préj. c. 1, p. 16,

(4) Ibid.

BOSSUET. xx.

32

christianis

glise romai- donc. Mais, poursuit-il (1), il n'y étoit pas comme
ne n'empê-
chepas qu'on ses élus sont en quelque façon parmi les Païens
n'y fasse son d'où on les tire; car Dieu n'appelle pas son peu-

salut.

LVII.

peut sauver

ple des gens qui sont en état de damnation : par
conséquent les élus qui se trouvent dans Babylone
sont absolument hors de cet état, et en état de
grâce. « Il est, dit-il, plus clair que le jour que
» Dieu, dans ces paroles: Sortez de Babylone,
» mon peuple, fait allusion aux Juifs de la cap-
»tivité de Babylone, qui constamment en cet
» état ne cessèrent pas d'être Juifs et le peuple de
» Dieu ».

Ainsi les Juifs spirituels et le vrai Israël de
Dieu (2), c'est-à-dire ses véritables enfans, se
trouvent dans la communion romaine, et s'y trou-
veront jusqu'à la fin ; puisqu'il est clair que cette
sentence: Sortez de Babylone, mon peuple (3),
se prononce même dans la chute et dans la dé-
solation de cette Babylone mystique qu'on veut
être l'Eglise romaine.

Pour expliquer comment on s'y sauve, le miQu'on se nistre distingue deux voies: la première, qu'il a prise de M. Claude, est la voie de séparation parmi nous conser- et de discernement, lorsqu'on est dans la comvant notre munion d'une Eglise sans participer à ses erreurs notre culte. et à ce qu'il y a de mauvais dans ses pratiques.

en

croyance et

La seconde, qu'il a ajoutée à celle de M. Claude, est la voie de tolérance du côté de Dieu, lorsqu'en vue des vérités fondamentales que l'on conserve dans une communion Dieu pardonne les erreurs qu'on met par-dessus.

(1) Syst. p. 145. — (2) Gal. v1. 16. — (3) Apoc. xviu. 4.

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