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prouvée. Mais ce qui nous découvre mieux la disposition de tout le parti, c'est celle de l'amiral, qu'on y donnoit à tout le monde comme un modèle de vertu et la gloire de la Réforme. Je ne veux pas ici parler de la déposition de Poltrot, qui l'accusa de l'avoir induit avec Bèze à ce dessein. Laissons à part le discours d'un témoin qui a trop varié pour en être tout-à-fait cru sur sa parole: mais on ne peut pas révoquer en doute les faits avoués par Bèze dans son histoire (1), et encore moins ceux qui sont compris dans la déclaration que l'amiral et lui envoyèrent ensemble à la Reine sur l'accusation de l'assassin (2), Par-là donc il demeure pour constant que Soubise envoya Poltrot avec un paquet à l'amiral, lorsqu'il étoit encore auprès d'Orléans pour tâcher de le secourir que ce fut de concert avec l'amiral que Poltrot alla dans le camp du duc de Guise (3), fit semblant de se rendre à lui comme un homme qui étoit las de faire la guerre au Roi : que l'amiral, qui d'ailleurs ne pouvoit pas ignorer un dessein que Poltrot avoit rendu public, sut de Poltrot même qu'il y persistoit encore, puisqu'il avoue que Poltrot en partant pour faire le coup, s'avança jusqu'à lui dire qu'il seroit aisé de tuer le seigneur de Guise (4) : que l'amiral ne dit pas un mot pour le détourner, et qu'au contraire, encore qu'il sût son dessein, il lui donna vingt écus à une fois, et cent écus à une autre pour se (2) Ibid. p. 294, 295,

(1) Thuan. lib. xxx111. p. 291, 308. et seq. (3) P. 209. (4) P. 301.

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bien monter (1); secours considérable pour le temps, et absolument nécessaire pour lui faciliter tout ensemble et son entreprise et sa fuite. Il n'y a rien de plus vain que ce que dit l'amiral pour s'en excuser: il dit que, lorsque Poltrot leur parla de tuer le duc de Guise, lui amiral n'ouvrit jamais la bouche pour l'inciter à l'entreprendre. Il n'avoit pas besoin d'inciter un homme dont la résolution étoit si bien prise; et afin qu'il accomplît son dessein, il ne falloit, comme fit l'amiral, que l'envoyer dans le lieu où il pouvoit l'exécuter. L'amiral, non content de l'y envoyer, lui donne de l'argent pour y vivre, et se préparer tous les secours nécessaires dans un tel dessein, jusqu'à celui de se monter avec avantage. Ce que l'amiral ajoute, qu'il n'envoyoit Poltrot dans le camp de l'ennemi, que pour en avoir des nouvelles, n'est visiblement que la couverture d'un dessein qu'on ne vouloit pas avouer. Pour l'argent, il n'y a rien de plus foible que ce que répond l'amiral, qu'il le donna à Poltrot, sans jamais lui faire mention de tuer ou ne tuer pas le seigneur de Guise (2). Mais la raison qu'il apporte, pour se justifier de ne l'avoir pas détourné d'un si noir dessein, découvre le fond de son cœur. Il reconnoît donc que « de» vant ces derniers tumultes il en a su qui étoient » délibérés de tuer le seigneur de Guise; que » loin de les avoir induits à ce dessein, ou de » l'avoir approuvé, il les en a détournés », et (1) P. 297, 300. ➡ (2) Ibid. 297.

qu'il en a même averti madame de Guise: que
depuis le fait de Vassi, il a poursuivi ce duc
comme un ennemi public; « mais qu'il ne se
» trouvera pas qu'il ait approuvé qu'on attentât
» sur sa personne, jusqu'à ce qu'il ait été averti
» que
le duc avoit attiré certaines personnes pour
» tuer M. le prince de Condé et lui ». Il s'ensuit
donc qu'après cet avis, sur lequel on ne doit
pas croire un ennemi à sa parole, il a approuvé
qu'on entreprît sur la vie du duc : mais «< depuis
» ce temps il confesse que quand il a ouï dire à
» quelqu'un que s'il pouvoit il tueroit le seigneur
» de Guise jusque dans son camp, il ne l'en a
» point détourné » : par où l'on voit tout ensem-
ble, et que ce dessein sanguinaire étoit commun
dans la Réforme, et que les chefs les plus esti-
més pour leur vertu, tel qu'étoit sans doute
l'amiral, ne se croyoient pas obligés à s'y op-
poser; au contraire qu'ils y contribuoient par
tout ce qu'ils pouvoient faire de plus efficace :
tant ils se soucioient peu d'un assassinat, pourvu
que la religion en fût le motif.

Si on demande ce qui porta l'amiral à reconnoître des faits qui étoient si forts contre lui, ce n'est pas qu'il n'en ait vu l'inconvénient; mais, dit Bèze (1), « l'amiral, homme rond et vraiment » entier, s'il y en a jamais eu de sa qualité, ré»pliqua que si puis après avenant confrontation, >> il confessoit quelque chose davantage, il don» neroit occasion de penser qu'encore n'auroit-il » pas confessé toute la vérité »; c'est-à-dire, à

(1) P. 306.

LV.

Suite:

LVII.

peut être révoquée en doute sans énerver et comme estropier la puissance publique; de sorte qu'il n'y a point d'illusion plus dangereuse que de donner la souffrance pour un caractère de vraie Eglise; et je ne connois parmi les chrétiens que les Sociniens et les Anabaptistes qui s'opposent à cette doctrine. En un mot, le droit est certain mais la modération n'en est pas moins nécessaire.

Calvin mourut au commencement des trouMort de bles. C'est une foiblesse de vouloir trouver quelCalvin. que chose d'extraordinaire dans la mort de telles gens: Dieu ne donne pas toujours de ces exemples. Puisqu'il permet les hérésies pour l'épreuve des siens, il ne faut pas s'étonner que, pour achever cette épreuve, il laisse dominer en eux jusqu'à la fin l'esprit de séduction avec toutes les belles apparences dont il se couvre; et sans m'informer davantage de la vie et de la mort de Calvin, c'en est assez d'avoir allumé dans sa patrie une flamme que tant de sang répandu n'a pu éteindre, et d'être allé comparoître devant le jugement de Dieu sans aucun remords d'un si grand crime.

LVIII.

Sa mort ne changea rien dans les affaires du Nouvelle parti mais l'instabilité naturelle aux nouvelles Confession sectes donnoit toujours au monde de nouveaux Eglises hel- spectacles, et les Confessions de foi alloient leur vétiques. train. En Suisse les défenseurs du sens figuré,

de foi des

bien éloignés de se contenter de tant de Confessions de foi faites en France et ailleurs pour expliquer leur doctrine, ne se contentèrent pas

même

même de celles qui s'étoient faites parmi eux. Nous avons vu celle de Zuingle en 1530, nous en avons une autre publiée à Bâle en 1532, et une autre de la même ville en 1536, une autre en 1554, arrêtée d'un commun accord entre les Suisses et ceux de Genève. Toutes ces Confessions de foi, quoique confirmées par divers actes, ne furent pas jugées suffisantes, et il en fallut faire une cinquième en 1566 (1).

Les ministres qui la publièrent virent bien que ces changemens dans une chose si importante, et qui doit être aussi ferme et aussi simple qu'une Confession de foi, décrioient leur religion. C'est pourquoi ils font une préface, où ils tâchent de rendre raison de ce dernier changement: et voici toute leur défense (2) : « C'est qu'encore que plu>> sieurs nations aient déjà publié des Confessions » de foi différentes, et qu'eux-mêmes aient fait » la même chose par des écrits publics; toutefois » ils proposent encore celle-ci (lecteur remar» quez) à cause que ces écrits ont peut-être été » oubliés, ou qu'ils sont répandus en divers » lieux, et qu'ils expliquent la chose si ample» ment, que tout le monde n'a pas le temps de >> les lire >>. Cependant il est visible que ces deux premières Confessions de foi que les Suisses avoient publiées tiennent à peine cinq feuilles; et une autre qu'on y pourroit joindre est à peu près de même longueur; au lieu que celle-ci, qui devoit être plus courte, en a plus de soixante. Et quand

(1) Synt. Gen. I. part, p. 1.➡ (2) Ibid. init. Præf.

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