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LX.

mence seule

connoître parmi les

Suisses la

tative.

leurs autres Confessions de foi auroient été oubliées, rien ne leur étoit plus aisé que de les publier de nouveau, s'ils en étoient satisfaits; tellement qu'il n'eût pas été nécessaire d'en proposer une quatrième, n'étoit qu'ils s'y sentoient obligés par une raison qu'ils n'osoient dire; c'est qu'il leur venoit continuellement de nouvelles pensées dans l'esprit ; et comme il ne falloit pas avouer que tous les jours ils chargeassent leur Confession de foi de semblables nouveautés, ils couvrent leurs changemens par ces vains prétextes.

Nous avons vu que Zuingle fut apôtre et réOn com- formateur, sans connoître ce que c'étoit que la ment alors à grâce par laquelle nous sommes chrétiens; et sauvant jusqu'aux philosophes par leur morale, il étoit bien éloigné de la justice imputative. En justice impu- effet, il n'en parut rien dans les Confessions de foi de 1532 et de 1536. La grâce y fut reconnue d'une manière que les Catholiques eussent pu approuver si elle eût été moins vague, et sans rien dire contre le mérite des œuvres (1). Dans l'accord fait avec Calvin en 1554, on voit que le calvinisme commençoit à gagner; la justice imputative paroît (2); on avoit été réformé près de quarante ans, sans connoître ce fondement de la Réforme. La chose ne fut expliquée à fond qu'en 1566 (3); et ce fut par un tel progrès que des excès de Zuingle on passa insensiblement à ceux de Calvin.

(1) Conf. 1532. art. 1x. Synt. Gen. 1. p. 68. 1536. art. 11, 111. ibid. pag. 72. (2) Consens. art. 1. Opusc. Calv. 751. —

(3) Conf. fid. cap. xv. Synt. Gen. 1. part. pag. 26.

LXI.

Le mérite

des œuvres

Au chapitre des bonnes œuvres on en parle dans le même sens que font les autres Protestans, comme des fruits nécessaires de la foi, et comment reen rejetant leur mérite, dont nous avons vu jeté. qu'on ne disoit mot dans les Confessions précédentes. On se sert ici, pour les condamner, d'un mot souvent inculqué par saint Augustin; mais on le rapporte mal; et au lieu que saint Augustin dit et répète sans cesse que Dieu couronne ses dons en couronnant nos mérites, on lui fait dire qu'il couronne en nous non pas nos mérites, mais ses dons (1). On voit bien la différence de ces deux expressions, dont l'une joint les mérites avec les dons, et l'autre les en sépare. Il semble pourtant qu'à la fin on ait voulu faire entendre qu'on ne condamnoit le mérite que comme opposé à la grâce, puisqu'on finit par ces paroles: Nous condamnons donc tous ceux qui défendent tellement le mérite, qu'ils nient la gráce. A vrai dire, ce n'est donc ici que les Pélagiens dont on condamne l'erreur; et le mérite que nous admettons est si peu contraire à la grâce, qu'il en est le don et le fruit.

Dans le chapitre x, la vraie foi est attribuée aux seuls prédestinés par ces paroles : «< Chacun » doit tenir pour indubitable, que s'il croit, et qu'il soit en Jésus-Christ, il est prédestiné (2) ». Et un peu après : « Si nous communiquons avec » Jésus-Christ, et qu'il soit à nous, et nous à lui » par la vraie foi; ce nous est un témoignage

>>

(1) Conf. fid. cap. xv. Synt. Gen. 1. part. pag. 26. —— (2) Cap. x.

LXII.
La foi pro-

pre aux élus.

La certitude

du salut. L’i

namissibilité de la justice.

>> assez clair et assez ferme que nous sommes écrits » au livre de vie ». Par-là il paroît que la vraie foi, c'est-à-dire, la foi justifiante, n'appartient qu'aux seuls élus; que cette foi et cette justice ne se perd jamais finalement ; et que la foi temporelle n'est pas la vraie foi justifiante. Ces mêmes paroles semblent établir la certitude absolue de la prédestination: car encore qu'on la fasse dépendre de la foi, c'est une doctrine reçue dans tout le parti protestant, que le fidèle, puisqu'il dit, Je crois, sent la vraie foi en lui-même. Mais en cela ils n'entendent pas la séduction de notre amour-propre, ni le mélange de nos passions si étrangement compliquées que nos propres dispositions, et les motifs véritables qui nous font agir, sont souvent la chose du monde que nous connoissons avec le moins de certitude: de sorte qu'en disant, Je crois, avec ce père affligé de l'Evangile (1); quelque touchés que nous nous sentions, et quand nous pousserions à son exemple des cris lamentables, accompagnés d'un torrent de larmes, nous devons toujours ajouter avec lui: Aidez, Seigneur, mon incrédulité; et montrer par ce moyen, que dire, Je crois, c'est plutôt en nous un effort pour produire un si grand acte, qu'une certitude absolue de l'avoir produit.

LXIII. Quelque long que soit le discours que font les La conver-Zuingliens sur le libre arbitre dans le chap. 1x de pliquée. leur Confession (2), voici le peu qu'il y a de substantiel. Trois états de l'homme sont bien distin

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gués; celui de sa première institution, où il voit se porter vers le bien et se détourner du mal; celui de la chute, où ne pouvant plus faire le bien, il demeure libre pour le mal, parce qu'il l'embrasse volontairement, et par conséquent avec liberté, quoique Dieu prévienne souvent l'effet de son choix, et l'empêche d'accomplir ses mauvais desseins; et celui de sa régénération, où rétabli par le Saint-Esprit dans le pouvoir de faire le bien volontairement, il est libre; mais non pleinement, à cause de l'infirmité et de la concupiscence qui lui restent; agissant néanmoins non point passivement: ce sont les termes, étranges, je l'avoue; car qu'est-ce qu'agir passivement? et à qui une telle idée peut-elle être tombée dans l'esprit? Mais enfin nos Zuingliens ont voulu parler ainsi. Agissant (ils continuent à parler de l'homme régénéré) non point passivement, mais activement, dans le choix du bien et dans l'opération par laquelle il l'accomplit. Qu'il restoit à dire de choses pour s'expliquer nettement! Il falloit joindre à ces trois états celui où se trouve l'homme entre la corruption et la régénération, lorsque touché par la grâce il commence à enfanter l'esprit de salut parmi les douleurs de la pénitence. Cet état n'est pas l'état de la corruption où on ne veut que le mal, puisqu'on y commence à vouloir le bien; et si les Zuingliens ne vouloient point le regarder comme un état, puisque c'est plutôt le passage d'un état à l'autre; ils devoient du moins expliquer en quelque autre endroit, que dans ce passage et

LXIV.

sur le libre arbitre.

avant la régénération, l'effort qu'on fait par la grâce pour se convertir n'est pas un mal. Nos Réformés ne connoissent point ces précisions nécessaires. Il falloit aussi expliquer si, dans ce passage, lorsque nous sommes attirés au bien par la grâce, nous y pouvons résister; et encore si dans l'état de la corruption nous faisons tellement le mal de nous-mêmes, que nous ne puissions même nous abstenir d'un mal plutôt que d'un autre ; et enfin si dans l'état de la régénération, faisant le bien par la grâce, nous y sommes si fortement entraînés que nous ne puissions alors nous détourner vers le mal. On avoit besoin de toutes ces choses pour bien entendre l'opération et même la notion du libre arbitre, que ces docteurs laissent embrouillée par des notions trop vagues et trop équivoques.

Mais ce qui finit le chapitre montre encore Doctrine mieux la confusion de leurs pensées. « On ne prodigieuse » doute point, disent-ils, que les hommes régé» nérés ou non régénérés n'aient également leur » libre arbitre dans les actions ordinaires, puis» que l'homme n'étant pas inférieur aux bêtes, il » a cela de commun avec elles, qu'il veut de cer»taines choses et n'en veut pas d'autres: ainsi il » peut parler et se taire, sortir de la maison et y » demeurer ». Etrange pensée de nous faire libres à la manière des bêtes! ils n'ont pas une idée plus noble de la liberté de l'homme, puisqu'ils disent un peu devant que par sa chute il n'est pas tout-à-fait changé en pierre et en búche (1); comme

(1) P. 12, 13.

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