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si simple, que, sans dispute et sans bruit, tout le sénat se rempliroit aisément dans une séance. Il est vrai qu'il faudroit encore une règle pour déterminer la liste des candidats; mais cet article aura sa place et ne sera pas oublié.

Reste à parler du roi, qui préside à la diète, et qui doit être, par sa place, le suprême administrateur des lois.

CHAPITRE VIII.

Du roi.

C'EST un grand mal que le chef d'une nation soit l'ennemi né de la liberté, dont il devroit être le défenseur. Ce mal, à mon avis, n'est pas tellement inhérent à cette place qu'on ne pût l'en détacher, ou du moins l'amoindrir considérablement. Il n'y a point de tentation sans espoir. Rendez l'usurpation impossible à vos rois, vous leur en ôterez la fantaisie; et ils mettront, à vous bien gouverner et à vous défendre, tous les efforts qu'ils font maintenant pour vous asservir. Les instituteurs de la Pologne, comme l'a remarqué M. le comte Wielhorski, ont bien songé à ôter aux rois les moyens de nuire, mais non pas celui de corrompre et les grâces dont ils sont les distributeurs leur donnent abondamment ce moyen. La difficulté est qu'en leur ôtant cette distribution l'on paroît leur tout ôter: c'est pourtant ce qu'il

ne faut pas faire; car autant vaudroit n'avoir point de roi; et je crois impossible à un aussi grand état que la Pologne de s'en passer, c'est-à-dire d'un chef suprême qui soit à vie. Or, à moins que le chef d'une nation ne soit tout-à-fait nul, et par conséquent inutile, il faut bien qu'il puisse faire quelque chose; et, si peu qu'il fasse, il faut nécessairement que ce soit du bien ou du mal.

Maintenant tout le sénat est à la nomination du roi c'est trop. S'il n'a aucune part à cette nomination, ce n'est pas assez. Quoique la pairie en Angleterre soit aussi à la nomination du roi, elle en est bien moins dépendante, parce que cette pairie une fois donnée est héréditaire; au lieu que les évêchés, palatinats et castellanies, n'étant qu'à vie, retournent, à la mort de chaque titulaire, à la nomination du roi.

J'ai dit comment il me paroît que cette nomination devroit se faire; savoir, les palatins et grands castellans, à vie et par leurs diétines respectives; les castellans du second rang, à temps et par la diète. A l'égard des évêques, il me paroît difficile, à moins qu'on ne les fasse élire par leurs chapitres, d'en ôter la nomination au roi et je crois qu'on peut la lui laisser, excepté toutefois celle de l'archevêque de Gnesne (*), qui appartient naturellement à la diète;

(*) Gnesne étoit autrefois la capitale de la Pologne. Son archevêque, primat du royaume et légat né du saint-siége, étoit chef de la république pendant l'interrègne, et c'étoit en son nom que s'ex

à moins qu'on n'en sépare la primatie, dont elle seule doit disposer. Quant aux ministres, surtout les grands généraux et grands trésoriers, quoique leur puissance, qui fait contre-poids à celle du roi, doive être diminuée en proportion de la sienne, il ne me paroît pas prudent de laisser au roi le droit de remplir ces places par ses créatures, et je voudrois au moins qu'il n'eût que le choix sur un petit nombre de sujets présentés par la diète. Je conviens que, ne pouvant plus ôter ces places après les avoir données, il ne peut plus compter absolument sur ceux qui les remplissent mais c'est assez du pouvoir qu'elles lui donnent sur les aspirans, sinon pour le mettre en état de changer la face du gouvernement, du moins pour lui en laisser l'espérance; et c'est surtout cette espérance qu'il importe de lui ôter à tout prix.

:

Pour le grand chancelier, il doit, ce me semble, être de nomination royale. Les rois sont les jugesnés de leurs peuples; c'est pour cette fonction, quoiqu'ils l'aient tous abandonnée, qu'ils ont été établis : elle ne peut leur être ôtée; et quand ils ne veulent pas la remplir eux-mêmes, la nomination de leurs substituts en cette partie est de leur droit, parce que c'est toujours à eux de répondre des jugemens qui se rendent en leur nom. La nation peut,

pédioient les universaux pour la diète dite d'élection; il couronnoit les rois et les reines.

il est vrai, leur donner des assesseurs, et le doit lorsqu'ils ne jugent pas eux-mêmes : ainsi le tribunal de la couronne, où préside, non le roi, mais le grand chancelier, est sous l'inspection de la nation, et c'est avec raison que les diétines en nomment les autres membres. Si le roi jugeoit en personne, j'estime qu'il auroit le droit de juger seul. En tout état de cause son intérêt seroit toujours d'être juste, et jamais des jugemens iniques ne furent une bonne voie pour parvenir à l'usurpation.

A l'égard des autres dignités, tant de la couronne que des palatinats, qui ne sont que des titres honorifiques et donnent plus d'éclat que de crédit, on ne peut mieux faire que de lui en laisser la pleine disposition; qu'il puisse honorer le mérite et flatter la vanité, mais qu'il ne puisse conférer la puis

sance.

La majesté du trône doit être entretenue avec splendeur: mais il importe que de toute la dépense nécessaire à cet effet on en laisse faire au roi le moins qu'il est possible. Il seroit à désirer que tous les officiers du roi fussent aux gages de la république, et non pas aux siens, et qu'on réduisît en même rapport tous les revenus royaux, afin de diminuer autant qu'il se peut le maniement des deniers. par

mains du roi.

les

On a proposé de rendre la couronne héréditaire. Assurez-vous qu'au moment que cette loi sera portée, la Pologne peut dire adieu pour jamais à sa

sans cesse

liberté (). On pense y pourvoir suffisamment en bornant la puissance royale. On ne voit pas que ces bornes posées par les lois seront franchies à trait de temps par des usurpations graduelles, et qu'un système adopté et suivi sans interruption par une famille royale doit l'emporter à la longue sur une législation qui, par sa nature, tend sans au relâchement. Si le roi ne peut corrompre les grands par des grâces, il peut toujours les corrompre des par promesses dont ses successeurs sont garans; et comme les plans formés par la famille royale se perpétuent avec elle, on prendra bien plus de confiance en ses engagemens, et l'on comptera bien plus sur leur accomplissement, que quand la couronne élective montre la fin des projets du monarque avec celle de sa vie. La Pologne est libre, parce que chaque règne est précédé d'un intervalle où la nation, rentrée dans tous ses droits et reprenant une vigueur nouvelle, coupe le progrès des abus et des usurpations, où la législation se remonte et reprend son premier ressort. Que deviendront les pacta conventa, l'égide de la Pologne, quand une famille établie sur le trône à perpétuité le remplira sans intervalle, et ne laissera à la nation, entre la mort du père et le couronnement du fils, qu'une vaine ombre de liberté sans

(*) Mably soutient un système tout différent ; il réclame avec force l'hérédité de la couronne, et les deux chapitres (5 et 19) où il développe sa pensée à ce sujet sont peut-être les meilleurs de son ouvrage.

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