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tion. Puisque l'égalité parmi la noblesse est une loi fondamentale de la Pologne, la carrière des affaires publiques y doit toujours commencer par les emplois subalternes; c'est l'esprit de la constitution. Ils doivent être ouverts à tout citoyen que son zèle porte à s'y présenter, et qui croit se sentir en état de les remplir avec succès mais ils doivent être le premier pas indispensable à quiconque, grand ou petit, veut avancer dans cette carrière. Chacun est libre de ne s'y pas présenter; mais sitôt que quelqu'un y entre, il faut, à moins d'une retraite volontaire, qu'il avance, ou qu'il soit rebuté avec improbation. Il faut que, dans toute sa conduite, vu et jugé par ses concitoyens, il sache que tous ses pas sont suivis, que toutes ses actions sont pesées, et qu'on tient du bien et du mal un compte fidèle dont l'influence s'étendra sur tout le reste de sa vie.

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Projet pour assujettir à une marche graduelle tous les membres du gouvernement.

VOICI, pour graduer cette marche, un projet que j'ai tâché d'adapter aussi bien qu'il étoit possible à la forme du gouvernement établi, réformé seulement quant à la nomination des sénateurs, de la manière et par les raisons ci-devant déduites.

Tous les membres actifs de la république, j'en

tends ceux qui auront part à l'administration, seront partagés en trois classes, marquées par autant de signes distinctifs que ceux qui composeront ces classes porteront sur leurs personnes. Les ordres de chevalerie, qui jadis étoient des preuves de vertu, ne sont maintenant que des signes de la faveur des rois. Les rubans et bijoux qui en sont la marque ont un air de colifichet et de parure féminine qu'il faut éviter dans notre institution. Je voudrois que les marques des trois ordres que je propose fussent des plaques de divers métaux, dont le prix matériel seroit en raison inverse du grade de ceux qui les porteroient.

Le premier pas dans les affaires publiques sera précédé d'une épreuve pour la jeunesse dans les places d'avocats, d'assesseurs, de juges même dans les tribunaux subalternes, de régisseurs de quelque portion des deniers publics, et en général dans tous les postes inférieurs qui donnent à ceux qui les remplissent occasion de montrer leur mérite, leur capacité, leur exactitude, et surtout leur intégrité. Cet état d'épreuve doit durer au moins trois ans, au bout desquels, munis des certificats de leurs supérieurs et du témoignage de la voix publique, ils se présenteront à la diétine de leur province, où, après un examen sévère de leur conduite, on honorera ceux qui en seront jugés dignes d'une plaque d'or portant leur nom, celui de leur province, la date de leur réception, et au-dessous cette inscription en plus gros caractères: Spes patriæ. Ceux qui auront

reçu cette plaque la porteront toujours attachée à leur bras droit ou sur leur cœur; ils prendront le titre de servans d'état ; et jamais dans l'ordre équestre il n'y aura que des servans d'état qui puissent être élus nonces à la diète, deputés au tribunal, commissaires à la chambre des comptes, ni chargés d'aucune fonction publique qui appartienne à la souveraineté.

Pour arriver au second grade il sera nécessaire d'avoir été trois fois nonce à la diète, et d'avoir obtenu chaque fois aux diétines de relation l'approbation de ses constituans; et nul ne pourra être élu nonce une seconde ou troisième fois s'il n'est muni de cet acte pour sa précédente nonciature. Le service au tribunal ou à Radom en qualité de commissaire ou de député équivaudra à une nonciature ("); et il suffira d'avoir siégé trois fois dans ces assemblées indifféremment, mais toujours avec approbation, pour arriver de droit au second grade. En sorte

(*) C'est à Radom dans la Petite-Pologne que siégeoit la Commission du trésor, composée de membres choisis par la diète dans l'ordre équestre, et qui étoient élus pour deux ans. Les fonctions de ce tribunal étoient d'examiner les comptes du grand-trésorier, ceux des préposés à la régie des domaines et des douanes, et généralement de juger toutes les affaires concernant les finances.

Il y avoit de plus deux Grands-Tribunaux, l'un pour la Pologne, l'autre pour la Lithuanie, chargés de juger en dernière instance toutes les causes civiles et criminelles. Chacun d'eux se composoit de huit députés ecclésiastiques nommés par les chapitres, et de dix-neuf députés laïques nommés par les diétines. Leurs fonctions duroient deux ans.

que, sur les trois certificats présentés à la diète, le servant d'état qui les aura obtenus sera honoré de la seconde plaque et du titre dont elle est la marque.

Cette plaque sera d'argent, de même forme et grandeur que la précédente; elle portera les mêmes inscriptions, excepté qu'au lieu des deux mots Spes patriæ, on y gravera ces deux-ci, Civis electus. Ceux qui porteront ces plaques seront appelés citoyens de choix, ou simplement élus, et ne pourront plus être simples nonces, députés au tribunal, ni commissaires à la chambre; mais ils seront autant de candidats pour les places de sénateurs. Nul ne pourra entrer au sénat qu'il n'ait passé par ce second grade, qu'il n'en ait porté la marque; et tous les sénateurs députés, qui, selon le projet, en seront immédiatement tirés, continueront de la porter jusqu'à ce qu'ils parviennent au troisième grade.

C'est parmi ceux qui auront atteint le second que je voudrois choisir les principaux des colléges et inspecteurs de l'éducation des enfans. Ils pourroient être obligés de remplir un certain temps cet emploi avant que d'être admis au sénat, et seroient tenus de présenter à la diète l'approbation du collège des administrateurs de l'éducation : sans oublier que cette approbation, comme toutes les autres, doit toujours être visée par la voix publique, qu'on a mille moyens de consulter.

L'élection des sénateurs députés se fera dans la chambre des nonces à chaque diète ordinaire, en

sorte qu'ils ne resteront que deux ans en place; mais ils pourront être continués ou élus derechef deux autres fois, pourvu que chaque fois, en sortant de place, ils aient préalablement obtenu de la même chambre un acte d'approbation semblable à celui qu'il est nécessaire d'obtenir des diétines pour être élu nonce une seconde et troisième fois : car, sans un acte pareil obtenu à chaque gestion, l'on ne parviendra plus à rien ; et l'on n'aura, pour n'être pas exclus du gouvernement, que la ressource de recommencer par les grades inférieurs, ce qui doit être permis pour ne pas ôter à un citoyen zélé, quelque faute qu'il puisse avoir commise, tout espoir de l'effacer et de parvenir. Au reste, on ne doit jamais charger aucun comité particulier d'expédier ou refuser ces certificats ou approbations; il faut toujours que ces jugemens soient portés par toute la chambre, ce qui se fera sans embarras ni perte de temps, si l'on suit, pour le jugement des sénateurs députés sortant de place, la même méthode des cartons que j'ai proposée pour leur élection.

On dira peut-être ici que tous ces actes d'approbation donnés d'abord par des corps particuliers, ensuite par les diétines, et enfin par la diète, seront moins accordés au mérite, à la justice et à la vérité, qu'extorqués par la brigue et le crédit. A cela je n'ai qu'une chose à répondre. J'ai cru parler à un peuple qui, sans être exempt de vices, avoit encore du ressort et des vertus; et, cela supposé, mon projet est

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