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› disputes ne fournissent pas les mêmes prétextes, ni les mêmes » moyens d'être cruel. Ce n'est qu'à l'impuissance, qu'on est en › général redevable de sa modération. » L'auteur du Système de la nature avoue de même qu'il est difficile de ne pas se fâcher en faveur d'un objet que l'on croit très-important 2. Or, tout philosophe regarde son système.comme très-important, et nous ne savons pas encore à quelles extrémités il est capable d'en venir, lorsqu'il est fâché. Mais quand nous lisons que « celui qui parviendroit à détruire la notion fatale d'un Dieu, ou du moins à diminuer ses terribles influences, » seroit à coup sûr l'ami du genre humain 3, nous croyons avoir lieu de nous défier d'une pareille amitié.

3

N'espérez plus de paix, nous crie un de ces benins philosophes, après avoir vomi six pages d'injures et de calomnies contre les prêtres : n'espérez plus de paix. Si malheureusement il faut nous résoudre à la guerre, nous nous sentons assez de force pour la soutenir long-temps. Dans les commencemens, les sectaires du seizième siècle étoient des agneaux; ils demandoient humblement la tolérance: devenus assez forts, ils se conduisirent en lions furieux ; ils voulurent tout détruire. Les incrédules, héritiers de leurs principes et de leur haine, seroientils plus doux en pareil cas? Ce que nos pères ont essuyé pendant près de deux siècles, ne nous a que trop instruits des excès auxquels le fanatisme anti-religieux est capable de se porter. L'incrédulité, plus ou moins étendue, plus ou moins ambitieuse dans ses prétentions, se ressemble partout; son génie est toujours le même ".

S. XXII.

Rassurons-nous : la discorde suffit pour faire avorter les desseins de nos adversaires. Tant qu'ils se sont bornés à prêcher le déisme, ils pouvoient paroître redoutables; ils mettoient les théologiens sur la défensive; ils proposoient des objections souvent embarrassantes; ils sembloient ne donner aucune atteinte à la morale on voyoit toujours un Dieu, une religion, une base aux devoirs de la société. Par cet artifice, ils ont séduit d'abord un grand nombre de lecteurs trop peu instruits pour apercevoir les conséquences funestes de leurs principes; ils ont eu la maladresse de les dévoiler. En renversant le déisme pour lui substituer le matérialisme, ils ont écrasé la vipère

I

2

De l'Esprit, 2. disc., c. 3, note, p. 103. Syst. de la nat., t. II, c. 7, p. 224. Ibid. t. II, c. 3, p. 88, c. 10, p. 317. "Lettre à l'aut. du Diction. des trois 81.

Siècles, p. 86.

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Annales pol., etc., t. 3, n. 18, p.

sur sa morsure; ils ont mis au grand jour la discordance des systèmes d'incrédulité, les excès où ils conduisent, la fragilité de l'édifice qu'ils avoient construit à si grands frais; ils ont donné lieu aux théologiens de démontrer que cette nouvelle hypothèse détruit jusqu'à la racine les fondemens de la morale, de la vertu, des devoirs de l'homme, et tous les liens de société; qu'en suivant le fil des conséquences, il faut se retrancher dans le doute absolu, ressusciter la doctrine absurde des cyrénaïques, les infamies des cyniques, l'entêtement révoltant des pyrrhoniens.

Il n'y en a pas deux qui pensent de même. L'un tâche de soutenir les débris chancelans du déisme; l'autre professe le, matérialisme sans déguisement: quelques-uns biaisent entre ces deux opinions, défendent tantôt l'une tantôt l'autre, ne savent de quel principe partir ni où ils doivent s'arrêter. Ce que l'un établit, l'autre le détruit ; il n'est pas une seule question de fuit ou de raisonnement, sur laquelle ils soient d'accord. Est-il difficile de prévoir la chute d'une république aussi mal réglée, où règne une anarchie et une confusion générale ? Si les déistes se réunissent à nous pour combattre les athées, ceuxci empruntent nos armes pour attaquer les déistes; nous pourrions nous borner à être spectateurs du combat.

Ainsi Dieu veille sur la Religion qu'il a lui-même établie; il livre ses ennemis à l'esprit de vertige. Le psalmiste a tracé leur destinée, en parlant d'un autre objet. «Une nation bruyante de philosophes s'est » rassemblée; un peuple de raisonneurs a conjuré contre le Seigneur » et contre son Christ. Brisons, disent-ils, les liens qui tiennent >> notre raison captive; secouons le joug de la Religion qui nous im>>portune. Celui qui réside dans le ciel, se joue de leurs vains projets, >> il les couvrira de confusion, et leur parlera en maître irrité; le D souffle de sa colère troublera leurs sens et leurs idées 2. >>>

S'il a permis que les docteurs du mensonge jouissent pendant quelque temps d'une réputation brillante, le jugement qu'il a exercé sur eux doit faire trembler leurs imitateurs. Il menace de punir avec la même sévérité ceux qui se laissent volontairement séduire par leurs prestiges3,

1

L'auteur d'Emile les a peints d'après nature, t. III, p. 25, 37. 'II, Thess., c. 2, v. 10 et 11.

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2

. Ps. 2, v. I.

DE THÉOLOGIE.

A

AARON, frère de Moïse, premier] ils étoient exposés à la perdre, lors

pontife de la religion juive. On peut que le peuple se livroit à l'idolâtrie. voir son histoire dans l'Exode et Une preuve que le sacerdoce n'étoit dans les livres suivans: ce n'est point pas par lui-même une source de à nous d'en rassembler les traits; prospérité, c'est que la tribu de Levi mais nous sommes obligés de justifier fut toujours la moins nombreuse; on les deux frères de quelques repro-le voit par les dénombremens qui ches que leur ont faits les censeurs furent faits en différens temps. anciens et modernes de l'histoire sainte.

A la vérité, l'auteur de l'Ecclésiastique, c. 45, . 7, fait un éloge ma Ils ont dit que Moïse avoit donné gnifique de la dignité d'Aaron, et à sa tribu et à sa famille le sacerdoce des priviléges qui étoient attachés à par un motif d'ambition. S'il avoit son sacerdoce; mais il les envisage agi par ce motif, il auroit sans doute sous un aspect religieux, beaucoup assuré à ses propres enfans le pon-plus que du côté des avantages temtificat, plutôt qu'à ceux de son frère; porels; le privilége de subsister par il ne l'a pas fait; les enfans de Moïse les offrandes des prémices, et par une demeurèrent confondus dans la foule portion des victimes, ne pouvoit pas des lévites. Dans le testament de Ja-compenser les inconvéniens auxquels cob, Lévi et Siméon sont assez mal- les prêtres en général étoient expotraités ; la dispersion des lévites sés aussi bien que leur chef. Nous parmi les autres tribus est prédite ne voyons pas dans l'histoire sainte comme une punition du crime de que les pontifes des Hébreux aient leur père. Gen. c. 49, . 5 et suiv. jamais joui d'une très-grande autoQui a forcé Moïse de conserver le rité ni d'une fortune considérable, souvenir de cette tache imprimée à et nous ne comprenons pas quel mosa tribu? Nous ne voyons pas en tif auroit pu exciter l'ambition de quoi le sacerdoce judaïque pouvoit gouverner un peuple aussi intraitaexciter l'ambition. Les lévites n'eu-ble et aussi mutin que l'étoient les rent point de part à la distribution Hébreux.

des terres : ils étoient dispersés parmi Les mêmes censeurs ont ajouté les autres tribus, obligés de quitter qu'après l'adoration du veau d'or le leur famille, pour venir remplir leurs peuple fut puni, et qu'Aaron, le fonctions dans le temple de Jérusa-plus coupable de tous, ne le fut point; lem : leur subsistance étoit précaire; que le gros de la nation porta la

Reprocher ce châtiment à Moïse comme un trait de cruauté, c'est s'en prendre à Dieu même. Moïse ni son frère n'avoient pas sans doute le pouvoir de faire ouvrir la terre, ni de faire tomber le feu du ciel; et ce prodige se fit à la vue de tout le peuple assemblé. Dieu auroit-il approuvé par un miracle l'ambition ou la cruauté des deux frères?

peine du crime de son pontife. C'est || deux cent cinquante autres coupaune calomnie. Aaron ne fut ni l'au- bles. Num. c. 16. teur de la prévarication du peuple, ni le plus coupable; il céda par foiblesse aux cris importuns d'une multitude séditieuse. Moïse, à la vérité, demanda au Seigneur grâce pour son frère, et l'obtint. S'il avoit agi autrement, on l'auroit accusé d'inhumanité, ou d'avoir profité de l'occasion|| pour supplanter son frère. La faute d'Aaron ne demeura cependant pas impunie. Il fut exempt de la contagion qui fit périr les prévaricateurs ; mais il eut bientôt à pleurer la mort de ses deux fils aînés; il fut exclu, aussi bien que Moïse, de l'entrée dans la Terre-Promise, et subit une mort prématurée pour une faute assez légère..

Si l'on veut faire attention à la multitude et à la rigueur des lois auxquelles le grand-prêtre étoit assujetti, à la peine de mort qu'il pouvoit encourir s'il péchoit dans ses fonctions, à l'espèce d'esclavage dans lequel il étoit retenu, on verra que cette dignité n'étoit pas fort propre à exciter l'ambition. Voyez LEVITE, PONTIFE, PRÊTRE, SACERDOCE.

La révolte de Coré et de ses partisans, et leur punition éclatante, ont fourni aux incrédules de nouveaux traits de malignité. Coré, chef d'une famille de lévites, jaloux du choix que Dieu avoit fait d'Aaron pour le pontificat, se joignit à Dathan, à Abiron et à deux cent cinquante autres chefs de famille, et ils reprochèrent à Moïse et à son frère l'autorité qu'ils exerçoient sur le peuple du Seigneur. Moïse leur répondit avec modération que c'étoit à Dieu seul de désigner ceux qu'il daignoit revêtir du sacerdoce, et il le pria de confirmer, par la punition exemplaire des rebelles, le choix qu'il avoit fait d'Aaron et de ses enfans. En effet, la terre s'ouvrit et engloutit Coré avec ses complices et toute leur famille, et un feu du ciel consuma les ||

Vainement certains critiques ont voulu trouver de la ressemblance entre l'histoire d'Aaron et la fable de Mercure; tous les traits du parallèle qu'ils en ont fait sont forcés. Homère et Hésiode ont connu la fable de Mercure long-temps avant que les Grecs aient pu avoir aucune connoissance de l'histoire des Juifs; Hérodote, qui a vécu quatre cents ans après ces deux poètes, connoissoit très-peu les Juifs. D'autres ont cru que le personnage de Mercure avoit été copié sur celui d'Eliezer, économe d'Abraham; ils n'ont pas mieux rencontré. Il est fort aisé d'abuser de ces sortes de parallèles entre l'histoire sainte et la fable, et nous ne voyons pas quelle utilité il en peut résulter. Ceux qui voudront consulter les allégories orientales de M. de Gebelin, pag. 100 et suiv., verront qu'il n'a pas été nécessaire de copier l'histoire sainte, pour forger la fable de Mercure.

AB, ABBA. Voyez PÈRE.

ABADDON, est le nom de l'ange exterminateur dans l'Apocalypse; il vient de l'hébreu Abad, perdre, détruire.

ABAILARD ou ABELARD (Pierre), docteur célèbre du douzième siècle, mort l'an 1142. Nous n'aurions rien à en dire, si l'on n'avoit pas travaillé de nos jours à réhabiliter sa mémoire, à faire l'apologie de sa doc

3

trine, et à donner au déréglement
de sa jeunesse toute la célébrité pos-
sible; ce que l'on en a dit est tiré du
dictionnaire de Bayle, articles Abé-
lard, Bérenger, Héloïsc. Saint Ber-incompréhensible.
nard y est accusé d'avoir persécuté
Abailard par jalousie de réputation.
Mosheim, Brucker et d'autres pro-
testans n'ont pas manqué d'adopter
cette calomnie.

loir expliquer ce mystère par des com-
paraisons sensibles: s'il pouvoit être
comparé à quelque chose, ce ne se-
roit plus un mystère ou un dogme

4° Ses apologistes sont forcés de convenir qu'il y a des erreurs dans cet ouvrage et dans les autres; ce n'est donc pas injustement qu'il fut condamné dans un concile de Soissons " l'an 1121, et que l'auteur fut obligé de se rétracter. Cet événement rendit avec raison les évêques et les autres théologiens plus attentifs sur sa

Malgré les efforts de Bayle et de ses copistes, il résulte de leurs aveux 1o que le déréglement des mœurs d'Abailard n'est point venu de foiblesse, mais d'un fonds de perver-doctrine. Vingt ans après, Guil-sité naturelle; il avoit formé le dessein de séduire Héloïse avant qu'elle fut son écolière; c'est dans cette intention qu'il se mit en pension chez le chanoine Fulbert, et lui offrit de donner des leçons à sa nièce; et il en convient lui-même dans la relation qu'il fait de ses malheurs.

laume, abbé de Saint-Thierry, crut trouver de nouvelles erreurs dans les écrits d'Abailard; il en envoya le précis et la réfutation à Geoffroi, évêque de Chartres, et à saint Bernard, abbé de Clairvaux. A-t-on quelque motif de prêter de la jalousie, de la haine, de la prévention à 2o La vanité, la présomption, la l'abbé de Saint-Thierry? Saint Berjalousie, le caractère hargneux d'A- nard, loin de témoigner ces mêmes bailard, sont prouvés par ses écrits passions contre Abailard, lui écrivit et par sa conduite. Son ambition pour l'engager à se rétracter et à étoit de vaincre ses maîtres dans la corriger ses livres. Cet entête n'en dispute, d'établir sa réputation sur voulut rien faire : il voulut attendre les ruines de la leur, de leur enlever la décision du concile de Sens, qui leurs écoliers, d'être suivi d'une foule étoit près de s'assembler, et demanda de disciples. On voit par ses ouvra- que saint Bernard y fût présent. ges qu'il entraînoit ses auditeurs, L'abbé de Clairvaux s'y trouva en beaucoup plus par ses talens exté- effet; il produisit les propositions rieurs que par la solidité de sa doc-extraites des ouvrages d'Abailard, et trine; il étoit séduisant, mais il in- le somma de les justifier ou de les struisoit très-mal: il se fit des en- rétracter.

nemis de propos délibéré
; pour le
seul plaisir de les braver. Jaloux de
la réputation de saint Norbert et de
celle de saint Bernard, il osa les ca-
lomnier l'un et l'autre.

3o Il se mit à professer la théologie sans l'avoir étudiée suffisamment; il y porta les subtilités frivoles de sa dialectique et un esprit faux; cela est évident par le premier ouvrage qu'il publia. Rien n'étoit plus absurde que de donner un traité de la foi à la sainte Trinité, pour servir d'introduction à la théologie; de vou

Parmi ces propositions, que l'on peut voir dans le Dictionnaire des hérésies, article Abailard, il y en a quatre qui sont pélagiennes, trois sur la Trinité, dont le sens littéral est hérétique; dans une autre, l'auteur enseigne l'optimisme; dans la quatorzième, il soutient que Jésus-Christ n'est pas descendu aux enfers. Qui l'empêchoit de rétracter les unes et d'expliquer les autres, comme il fut obligé de 1 faire dans la suite? Sans vouloir le faire dans le concile de Sens, il en appela à la décision du

I.

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