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AVERTISSEMENT.

Bois d'Almay, ou plutôt de Bois d'Annemets, l'auteur de ces Mémoires, était issu d'une des meilleures familles de Normandie. Il vint jeune à Paris, dans l'espérance de conquérir à la cour le rôle que ses talents autant que sa naissance lui permettaient d'ambitionner. A cette époque le favoritisme était plus que jamais la voie la plus périlleuse, mais aussi la plus courte pour parvenir. De Bois d'Annemets eut hâte de faire offrir ses services au jeune duc d'Orléans. Ces offres furent accueillies, et des relations assez suivies s'établirent entre le Prince et le courtisan normand. Passagèrement troublées par la rivalité de quelques autres favoris, elles prirent un caractère décidé d'intimité, après que Gaston, privé des principaux instruments de son ambition, put encore compter Bois d'Annemets parmi les quelques créatures dévouées, que la jalousie de Louis XIII et la prudence de Richelieu avaient épargnées. Nommé premier maréchal des logis de Monsieur, d'Annemets devint alors son conseiller, son secrétaire, son interprète et son confident dans les démêlés qu'il eut à soutenir avec le monarque et son ministre, et le servit dans ces circonstances avec beaucoup de loyauté, de discrétion et souvent même de discernement. Mais ayant prévenu les ordres de Gaston, en le devançant au siége de La Rochelle, il encourut sa disgrâce.

Désespéré, il alla chercher en Italie, où la guerre était allumée, les occasions de se signaler. S'étant arrêté à Venise, en 1627, il prit querelle avec certain Ruvigny, qui le tua en duel.

Le personnage dont nous nous occupons, n'a donc joué qu'uu rôle assez obscur dans l'histoire de son temps; mais ce rôle n'a pas été perdu pour elle. Le mérite de ces Mémoires qui embrassent toutes les circonstances les plus considérables de la vie du duc d'Orléans, jusqu'en 1626, est tout entier dans la position de celui qui les a écrits. Le caractère de simplicité et de vérité dont ils sont empreints, ajoute encore à l'intérêt qu'on prend aux curieuses et nombreuses révélations qu'ils contiennent. Les Mémoires d'un Favory ont été édités plusieurs fois; ils sont néanmoins devenus rares, et leur place était marquée dans cette Collection.

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Le désir que j'ai de satisfaire au commandement que vous m'avez fait m'oblige à tracer ces Mémoires, qui pourroient avecque raison porter le titre d'histoire, si l'on considère leur vérité ; et bien qu'il me semble que je sois suspect en la matière que j'ay à traitter, ayant à parler de plusieurs personnes que j'ay extremement honorées pendant leur vie, je vous asseureray néantmoins que ma narration sera simple, sans y adjouter ny diminuer. Je croy qu'il seroit inutile de vous parler en ce lieu de la naissance de monseigneur le duc d'Orléans, bien qu'il fasse la principale partie de nos Mémoires, puisque tout le monde sçait qu'il est né à Fontainebleau

en 1608, le 25 avril, sur les dix heures du matin. Je passeray sous silence le temps qu'il a été entre les mains des femmes, et vous diray seulement que la Reyne mère suivit l'intention du feu Roy, qui, après avoir considéré tous les hommes de son royaume, avoit enfin fait élection de la personne de monsieur de Brèves (1), pour élever sa jeunesse, personnage certes digne de l'honneur qu'il recevoit, tant pour la grande connoissance qu'il avoit des pays étrangers que pour ses autres vertus. Et l'on peut dire avec vérité que, pendant qu'il fut auprès de monseigneur le duc d'Anjou (2) (je l'appelle ainsi jusqu'à ce que je sois au temps de son mariage, auquel temps il prit le nom d'Orléans), l'on n'a point veu de prince eslevé avec plus de soins, tant pour les sciences que pour les exercices qu'il pouvoit faire pendant un si jeune âge. Ce fut pour luy que l'on trouva l'invention d'aprendre aux enfans en jouant cette doctrine qui leur paroist si pleine d'espines, et qui bien souvent les rebute, de sorte qu'ils appréhendent

(1) François Savary de Brèves avait été pendant plus de vingt ans ambassadeur près la Porte. Il avait visité la Terre-Sainte, l'Egypte, les îles de l'Archipel, une partie des côtes de l'Asie et de l'Afrique. Il profita de son long séjour en Orient pour rendre à la science et aux lettres enrichies par lui de travaux importants, des services non moins signalés que ceux qu'il rendait dans le même temps à notre politique. Il paraît que, chez lui, l'ambassadeur fut en grande partie redevable à l'artiste et au savant de cette influence qui lui permit de conclure le fameux traité de 1604, par lequel Achmet garantissait à Henri IV, en les étendant encore considérablement, toutes les clauses avantageuses des traités précédents. François de Brèves était né en 1560.

(2) Gaston fut nommé duc d'Anjou, le 5 juin 1614, par le cardinal de Joyeuse et la reine Marguerite.

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