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RECIT

DE CE QUI S'EST PASSE' en la maladie du Roy à la ville de Lyon,

Auec les parolles très-Chrestiennes de Sa Majesté.

Par le R. P. SOVFRANT son
Confesseur ordinaire.

Iouxle la copie Imprimée à Lyon,
Par NICOLAS VERMONET.

M. DC. XXX.

AVERTISSEMENT.

Richelieu, obtenant enfin ceste ombre de royauté qui, disait-il à Louis XIII, lui était absolument nécessaire pour assurer le triomphe des armes du Roi de France dans la protection qu'on accordait au duc de Manioue menacé de nouveau par les Espagnols et l'Empereur, était entré dans la Savoie à la tête d'une puissante armée, et revêtu, sous le titre de lieutenant des armées d'Italie, d'une autorité sans bornes. De delà les mounts sa puissante influence s'exerce encore sur le monarque français resté au Louvre. Bientôt, comme l'ombre suit le corps, Louis XIII se hâte, malgré les pressantes sollicitations de sa mère et des courtisans, malgré les exigences d'une santé débile, de venir faire la conquête de la Savoie que la prudente et infatigable activité de son ministre lui a préparée. Mais au moment de pénétrer dans le Montferrat, le monarque est pris, à Saint-Jean-deMaurienne, d'une fièvre violente avec dyssenterie, qui l'oblige de retourner à Lyon. Ce fut, comme on sait, pendant le séjour de Louis XIII dans cette ville, et sous les rideaux qui abritaient le monarque presque agonisant, que Marie de Médicis organisa, contre son ancien favori, la terrible coalition qui devait se résoudre en la journée des Dupes.

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PAR LE R. P. SOUFRANT, SON CONFESSEUR ORDINAIRE.

Depuis ma dernière que j'escrivis samedy passé 28 du mois, à cinq heures du soir, en suitte de celle que

(1) C'est au camp de Saint-Jean de Maurienne que la maladie du Roi s'était déclarée. Louis XIII écrivait alors à sa mère (14 juillet 1630): « Madame, j'ai obéi à votre commandement en prenant médecine comme monsieur Bouvard l'a ordonné ; je la pris done hier avec beaucoup de peine, et je me trouve bien mieux depuis que

j'avois escrite le matin, il a pleu à Dieu de rechef nous affliger et consoler, car la joye que nous avions en voyant que le Roy entroit dans le septième jour, qu'on estimoit luy devoir estre mortel et qui eust une si bonne course par des sueurs et flux de ventre qu'il fut sur le midy tout-à-fait hors de fièvre, feut bien courte, puisque ce flux de ventre continuant en suitte d'une médecine qu'on luy avoit donnée fort à propos, il se termina en une dyssenterie qui luy causa une nouvelle fièvre. Le flux estoit d'un sang tout pur, comme s'il sortoit des veines et si fréquent, qu'en vingt-quatre heures il fut contrainct de se lever plus de quarante fois, avec des grands douleurs, et n'y avoit moyen de l'arrester. Il commença le 29 à onze heures du soir, et se trouva si foible à trois heures du matin du 30 qu'ayant esté appellé en diligence je le trouvai quasi sans force,

je n'étois auparavant. » Suivaient ces lignes de la main de Richelieu: << Madame, la meilleure nouvelle que je puisse mander à Vostre Majesté, est le soin qu'il a plu au Roi maintenant prendre de sa santé. Depuis huit jours il s'est baigné et a pris trois lavemens, à quoi il ne se rend pas difficile; mais il n'y avoit pas eu moyen de le résoudre à prendre une médecine jusqu'à hier que, lai représentant la peine en laquelle vous seriez, il s'y résolut pour votre seul respect; ce qui a apporté grand contentement aux vrais serviteurs de Vostre Majesté, tant pour l'utilité qu'il en recevra que pour le témoignage nouveau qu'il a rendu en cette occasion, qui lui est très pénible, du pouvoir que votre seul nom a sur lui. Il est, grace à Dieu, fort joyeux de ce qui s'est passé. Rien ne manque à son contentement que d'être près de vous. »

Mss. de Béthune, vol. cot. 9320, fol. 25 et 27.

Richelieu avait intérêt à retenir le monarque auprès de lui ; toutefois ce serait d'après ses propres conseils, suivant Aubry, que Louis XIII serait retourné à Lyon.

J

ne pouvant plus se lever du lict, comme il faisoit le soir d'auparavant. Tous les médecins me conseillèrent de le disposer à la mort, disant que, si Dieu ne faisoit miracle, il ne passeroit toute ceste journée. Me voilà bien estonné à ceste nouvelle. La Reyne mère s'estoit retirée à une heure après minuict et ne l'estimoit en si grand danger; la Reyne régnante ne l'avoit voulu quitter toute la nuict, et si bien que, consultant avec elle et les médecins, je me résolus de doucement disposer le Roy à ce dernier instant de pourvoir à son éternité. Comme donc je luy parlois, et non si clairement, il me demanda si je l'estimois en danger; je luy dis que si le flux continuoit il y avoit grand hazard de sa vie. Sur ce il appella les trois médecins, et les conjura de luy dire la vérité de son mal et danger. Monsieur Seguin, au nom des trois, l'advertit du flux de sang continué, car on luy avoit caché jusques alors que ce fust avec sang, et par conséquent qu'il voyoit un évident danger de sa vie, que leurs remèdes estoient inutiles; et s'estant retiré, le Roy m'appelle, demande luy-mesme de se confesser, et qu'il luy fust permis de prendre encore une fois le Véatique, devant que recevoir l'Extreme-Onction. Il se confessa avec un très grand jugement et sentiment, sans aucune appréhention de la mort et trouble de son cœur. Monsieur le cardinal de Lyon dist la messe dans sa chambre et le communia. La messe achevée, le Roy, quoyque tout languissant, commanda qu'aucun ne sortist, et ayant fait ouvrir les portes, afin qu'un chacun entrast, dit ces parolles : « Je suis bien marry de n'avoir la force de pouvoir parler; le père Soufran vous parlera pour moy et vous dira ce que je voudrois vous dire, me trouvant icy au lict de la mort. Je vous demande pardon II SÉRIE, T. III.

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