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s'il avoit pour agréable que les sieurs Dupuis et Leclerc, docteurs susdits, luy parlassent, ce qu'il accorda. Estans donc lesdits docteurs et Feuillans assis auprès de luy, ils furent long temps à le résoudre sur le poinct de la conscience, et luy rapportèrent plusieurs passages de la saincte Ecriture et des Pères anciens de l'Eglise. Entr'autres luy fut représenté que Dieu nous pardonnoit nos péchez en un moment, estant bien confessé et ayant ferme contrition; sur quoy il dit ces mots: «Est-il possible? Voilà qui est admirable; vous me consolez grandement de ces paroles. » Après, le sieur Dupuis, docteur, luy demanda s'il désiroit qu'on dist les sept Pseaumes Pénitentiaux, ce qu'il accorda. Comme on luy voulut donner un livre, il dit qu'il les sçavoit par cœur. Alors il se mit à genoux et tous ceux qui estoient dans ladite chambre. Les sept pseaumes achevez, il fit demande qu'il luy fust permis de bailler son testament entre les mains d'un nommé Jacob ou de son confesseur. Le greffier luy fit responce qu'il avoit charge de le retenir, et qu'il en feroit son procez-verbal, qu'il signeroit, et seroit cacheté en sa présence pour estre présenté au Roy, et qu'estant escrit de sa propre main on ne le pouvoit changer. Après cela, il demanda à parler au chevalier du guet et le pria qu'il peust parler audit sieur Jacob et à un nommé Dubois; ce qui luy fut accordé. Ledit Jacob estant venu, ledit sieur de Marillac luy voulut parler en particulier, mais ledit sieur chevalier luy dit qu'il falloit qu'il parlast tout haut; ce qu'il fit. Et donna charge audit Jacob de payer quelques particuliers à qui il devoit, et qu'il s'en trouveroit qui n'avoient aucune chose arrestée de luy, mais qu'à leurs sermens ils fussent payés. Luy donna aussi charge. de faire ses recommandations à son frère, à son nepveu et

à sa niepce, et qu'ils se consolassent; que surtout donnoit charge à son nepveu d'estre tousjours fidelle au Roy, et qu'il estoit bien fasché de finir ses jours de la sorte, non pas à cause de luy, mais à cause de ses parens. Puis ayant dit adieu audit Jacob, il le baisa et se remit avec lesdits Feuillans et docteurs, disant que ce peu de temps qu'il avoit, il le falloit employer pour le salut de son ame. Et quelque temps se remit à genoux, et fut dit par trois fois le pseaume Miserere mei, et après estre dit, le sieur de Marillac demeura quelque temps à prier Dieu. Sa prière finie, après avoir un peu parlé auxdits docteurs, il demanda à parler au chevalier du guet, lequel il pria avec affection de dire au Roy de sa part qu'il luy demandoit pardon de tout ce qui le pouvoit avoir offencé. Et pria aussi le greffier de demander pardon pour luy à tous messieurs de la chambre; ce qui luy fut promis. Il fut par plusieurs fois importuné de manger, et n'en voulut rien faire; toutefois, à la prière desdits docteurs, il prit bien peu de vin avec quantité d'eau, et une bouchée de pain. Environ sur les quatre heures, l'exécuteur l'approcha pour luy faire le poil, lequel il pria d'avoir patience qu'il eust fait encore quelques prières; et s'estant mis à genoux, y demeura un quart d'heure. Sa prière faite, il se leva et s'assit sur une chaire, et dit à l'exécuteur en cette sorte: « Faites de moy ce que vous voudrez. » Et commença à pâlir comme l'exécuteur luy toucha pour luy oster son rabat, et se laissa faire le poil et découdre son pourpoint sans dire aucune parole, sinon qu'il pria ledit chevalier du guet qu'il ne fust point dépouillé après sa mort; ce qui luy fut promis. Puis pria l'exécuteur de luy boutonner deux ou trois boutons de son pourpoint, afin de luy couvrir l'estomac qu'il avoit nud. Es

442 MORT DU MARESCUAL DE MARILLAC [1632].

tant tout accommodé et prest à aller au supplice, il dit luy-mesme aux docteurs ces paroles : « Allons à Dieu, mes Pères, puisque vous m'en asseure z, » et sortirent de ladite chambre. Lorsqu'il fut sur le perron dudit Hostel-deVille, son arrest fut de rechef prononcé par ledit greffier; puis monta sur l'eschafaut avec son confesseur et ledit Dupuis, docteur, avec deux archers dudit sieur chevalier, et fut chanté le Salve Regina en la manière accoustumée. Leditsieur de Marillac ne dit aucune chose depuis qu'il fut sorti de la chambre, sinon que prier Dieu, et ainsi finit ses jours. L'exécution estant faite sur les quatre heures et demie du soir, son corps et sa teste furent mis aussitost dans un carosse que l'on tenoit prest pour cet effet, portés en la rue Chapon, au logis de sa niepce, et le lendemain enterrés en l'église des Feuillans, prez de celuy de sa femme, décédée quelque temps auparavant, de laquelle il portoit encore le dueil, ainsi qu'il l'avoit requis par son testament. Ce qui arriva deux ans dix mois après qu'il eust receu le baston de mareschal de France, et un an et demy, moins dix jours, depuis qu'il fut arresté prisonnier en Italie. Il ne laissa aucuns enfans.

DE

Ce qui s'est nouvellement PASSÉ D'ESTRANGE

ENTRE

LES HABITANS DE LA VILLE DE METS

ET

LES PEUPLES CIRCONVOISINS;

AVEC LES MEURTRES DE PLUSIEURS PERSONNES DE PART

ET D'AUTRE, ET LE SUJET POURQUOY.

A PARIS.

De l'Imprimerie de NICOLAS ALexandre, rue de la Harpe,

au Sauvage.

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AVERTISSEMENT.

La pièce suivante, contenant la relation d'une sédition qui eut lieu à Metz, en 1632, ne présenterait aucun intérêt, sans une circonstance particulière qui y est rapportée. Cette ville était alors désolée par des pluies continuelles. La crédulité des habitants leur fit attribuer la cause aux nombreuses plantations du tabac qui commençait à y être cultivé. On sait que l'usage du tabac importé par Nicot, vers 1560, ne commença à se répandre en France qu'en 1626. Cette plante se vendait alors environ 10 francs la livre, somme considérable pour le temps.

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