Traître! il n'est que trop assuré. C'est de tous les affronts l'affront le plus sensible; Par des discours chargés d'un mépris tout visible. Vivat Sosie! SOSIE. CLÉANTHIS. Eh quoi! ma plainte a cet effet! Tu ris après ce bel ouvrage! SOSIE. Que je suis de moi satisfait! CLÉANTHIS. Exprime-t-on ainsi le regret d'un outrage? SOSIE. Je n'aurais jamais cru que j'eusse été si sage. Loin de te condamner d'un si perfide trait, SOSIE. Mon Dieu! tout doucement! Si je parais joyeux, CLÉANTHIS. Traitre ! te moques-tu de moi ? SOSIE. Non, je te parle avec franchise. En l'état où j'étais, j'avais. certain effroi CLÉANTHIS.. Quelle est cette frayeur? et sachons donc pourquoi. SOSIE. Les médecins disent, quand on est ivre, Que de sa femme on se doit abstenir, Et que dans cet état il ne peut provenir Que des enfant's pesants et qui ne sauraient vivre. Vois, si mon cœur n'eût su de froideur se munir, Quels inconvénients auraient pu s'en en suivre! CLÉANTHIS. Je me moque des médecins, Avec leurs raisonnements fades : Qu'ils règlent ceux qui sont malades, Sans vouloir gouverner les gens qui sont bien sains. De prétendre tenir nos chastes feux gênés; Ils nous donnent encore, avec leurs lois sévères, Tout doux. SOSIE. CLÉANTHIS. Non, je soutiens que cela conclut mal; Ces raisons sont raisons d'extravagantes têtes. Il n'est ni vin ni temps qui puisse être fatal A remplir le devoir de l'amour conjugal; Et les médecins sont des bêtes. SOSIE. Contre eux, je t'en supplie, apaise ton courroux; Tu n'es pas où tu crois; en vain tu files doux : Quoi ? SOSIE. CLÉANTHIS. Tu m'as dit tantôt que tu consentais fort, SOSIE. Ah! pour cet article, j'ai tort. Si je puis une fois pourtant Sur mon esprit gagner la chose... SOSIE. Fais à ce discours quelque pause. Amphitryon revient, qui me paraît content. (1) Donner des contes, c'est le vcrba dare des Latins. SCÈNE IV. JUPITER, CLÉANTHIS, SOSIE. JUPITER, à part. Je viens prendre le temps de rapaiser Alcmène, De bannir les chagrins que son cœur veut garder Et donner à mes feux, dans ce soin qui m'amène Le doux plaisir de se raccommoder. (A Cléanthis.) Alcmène est là-haut, n'est-ce pas ? CLÉANTHIS. Oui, pleine d'une inquiétude Qui cherche de la solitude, Et qui m'a défendu d'accompagner ses pas. JUPITER. Quelque défense qu'elle ait faite, Elle ne sera pas pour moi. SCÈNE V. CLEANTHIS, SOSIE. CLÉANTHIS. Son chagrin, à ce que je voi, A fait une prompte retraite. SOSIE. Que dis-tu, Cléanthis, de ce joyeux maintien, CLEANTHIS. Que, si toutes nous faisions bien, Nous donnerions tous les hommes au diable, SOSIE. Cela se dit dans le courroux; Mais aux hommes par trop vous êtes accrochées; CLÉANTHIS. Vraiment... SOSIE. Les voici. Taisons-nous: JUPITER, bas, à part. Ses pleurs touchent mon âme, et sa douleur m'afflige. Ce vous est une attente vaine. Je tiens à vos beautés par un nœud trop serré, ALCMÈNE. Et moi, partout je vous fuirai. JUPITER. Je suis donc bien épouvantable ! ALCMÈNE. Plus qu'on ne peut dire, à mes yeux. Oui, je vous vois comme un monstre effroyable, Et dont l'approche est redoutable; Comme un monstre à fuir en tous lieux. Mon cœur souffre, à vous voir, une peine incroyable. Et je ne vois rien sous les cieux Qui ne me fût plus que vous supportable. JUPITER. En voilà bien, hélas ! que votre bouche dit. J'en ai dans le cœur davantage; Et, pour s'exprimer tout, ce cœur a du dépit JUPITER. Hé! que vous a donc fait ma flamme, Ah! juste ciel! cela peut-il se demander? Et n'est-ce pas pour mettre à bout une âme ? JUPITER. Ah! d'un esprit plus adouci... ALCMÈNE. Non, je ne veux du tout vous voir, ni vous entendre. JUPITER. Avez-vous bien le cœur de me traiter ainsi ? Est-ce là cet amour si tendre Qui devait tant durer quand je vins hier ici? Non, non, ce ne l'est pas, et vos lâches injures Il n'est plus, cet amour tendre et passionné ; Vous l'avez dans mon cœur, par cent vives blessures, Cruellement assassiné; C'est en sa place un courroux inflexible, Un vif ressentiment, un dépit invincible, Qui prétend vous haïr, pour cet affront sensible, JUPITER. Hélas! que votre amour n'avait guère de force, ALCMÈNE. Ah! c'est cela dont je suis offensée, |