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On les voit, pour tous soins, se mêler de bien vivre.
Jamais contre un pécheur ils n'ont d'acharnement,
Ils attachent leur haine au péché seulement,

Et ne veulent point prendre, avec un zèle extrême,
Les intérêts du ciel plus qu'il ne veut lui-même.
Voilà mes gens, voilà comme il en faut user,
Voilà l'exemple enfin qu'il se faut proposer.
Votre homme, à dire vrai, n'est pas de ce modèle :
C'est de fort bonne foi que vous vantez son zèle;
Mais par un faux éclat je vous crois ébloui.

ORGON.

Monsieur mon cher beau-frère, avez-vous tout dit?

CLÉANTE.

ORGON, s'en allant.

Je suis votre valet.

CLÉANTE.

De grâce, un mot, mon frère.

Laissons là ce discours. Vous savez que Valère,

Pour être votre gendre, a parole de vous.

Oui.

ORGON.

CLÉANTE.

Vous aviez pris jour pour un lien si doux.

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Pour dire un mot faut-il tant de finesses? Valère, sur ce point, me fait vous visiter.

Oui.

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De savoir vos desseins. Quels sont-ils donc ?

Ce que le ciel voudra.

ORGON.

De faire

CLÉANTE.

Mais parlons tout de bon.

Valère a votre foi; la tiendrez-vous, ou non?

Adieu.

ORGON.

CLÉANTE, seul.

Pour son amour je crains une disgrâce,

Et je dois l'avertir de tout ce qui se passe.

ACTE SECOND.

SCÈNE PREMIÈRE.

ORGON, MARIANE.

ORGON.

Mariane.

Mon père.

Vous parler en secret.

MARIANE.

ORGON.

Approchez; j'ai de quoi

MARIANE, à Orgon, qui regarde dans un cabinet.

Que cherchez-vous?

ORGON.

Je voi

Si quelqu'un n'est point là qui pourrait nous entendre, Car ce petit endroit est propre pour surprendre.

Or sus, nous voilà bien. J'ai, Mariane, en vous
Reconnu de tout temps un esprit assez doux,
Et de tout temps aussi vous m'avez été chère.

MARIANE.

Je suis fort redevable à cet amour de père.

ORGON.

C'est fort bien dit; ma fille; et, pour le mériter,
Vous devez n'avoir soin que de me contenter.

MARIANE.

C'est où je mets aussi ma gloire la plus haute.

ORGON.

Fort bien. Que dites-vous de Tartufe, notre hôte?

Qui, moi?

MARIANE.

ORGON.

Vous. Voyez bien comme vous répondrez.

MARIANE.

Hélas! j'en dirai, moi, tout ce que vous voudrez.

SCÈNE II.

ORGON, MARIANE, DORINE, entrant doucement, et se tenant derrière Orgon, sans être vue.

ORGON.

C'est parler sagement... Dites-moi donc, ma fille,
Qu'en toute sa personne un haut mérite brille,
Qu'il touche votre cœur, et qu'il vous serait doux
De le voir, par mon choix, devenir votre époux.
Hé?

MARIANE, se reculant avec surprise.

ORGON.

Hé!

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Qui voulez-vous, mon père, que je dise
Qui me touche le cœur, et qu'il me serait doux
De voir, par votre choix, devenir mon époux ?

Tartufe.

ORGON.

MARIANE

Il n'en est rien, mon père, je vous jure, Pourquoi me faire dire une telle imposture?

ORGON.

Mais je veux que cela soit une vérité;

Et c'est assez pour vous que je l'aie arrêté.

MARIANE.

Quoi! vous voulez, mon père...?

ORGON.

Oui, je prétends, ma fille,

Unir, par votre hymen, Tartufe à ma famille.

Il sera votre époux, j'ai résolu cela;

(Apercevant Doriae.)
Et comme sur vos vieux je... Que faites-vous là?
La curiosité qui vous presse est bien forte,
Ma mie, à nous venir écouter de la sorte.

DORINE.

Vraiment, je ne sais pas si c'est un bruit qui part
De quelque conjecture, ou d'un coup de hasard;
Mais de ce mariage on m'a dit la nouvelle,

Et j'ai traité cela de pure bagatelle.

ORGON.

Quoi donc la chose est-elle incroyable?

DORINE.

A tel point

Que vous-même, monsieur, je ne vous en crois point.

ORGON.

Je sais bien le moyen de vous le faire croire.

DORINE.

Oui, oui, vous nous contez une plaisante histoire !

ORGON.

Je conte justement ce qu'on verra dans peu.

Chansons!

DORINE.

ORGON.

Ce que je dis, ma fille, n'est point jeu.

DORINE.

Allez, ne croyez point à monsieur votre père;
Il raille.

ORGON.

Je vous dis...

DORINE.

Non, vous avez beau faire,

On ne vous croira point.

ORGON.

A la fin mon courroux...

DORINE.

Eh bien! on vous croit donc; et c'est tant pis pour vous. Quoi! se peut-il, monsieur, qu'avec l'air d'homme sage, Et cette large barbe au milieu du visage,

Vous soyez assez fou pour vouloir...

ORGON.

Écoutez;

Vous avez pris céans certaines privautés

Qui ne me plaisent point; je vous le dis, ma mie.

DORINE.

Parlons sans nous fâcher, monsieur, je vous supplie.
Vous moquez-vous des gens d'avoir fait ce complot?
Votre fille n'est point l'affaire d'un bigot:

Il a d'autres emplois auxquels il faut qu'il pense.
Et puis, que vous apporte une telle alliance ?
A quel sujet aller, avec tout votre bien,

Choisir un gendre gueux ?...

ORGON.

Taisez-vous. S'il n'a rien, Sachez que c'est par là qu'il faut qu'on le révère. Sa misère est sans doute une honnête misère; Au-dessus des grandeurs elle doit l'élever, Puisqu'enfin de son bien il s'est laissé priver Par son trop peu de soin des choses temporelles, Et sa puissante attache aux choses éternelles. Mais mon secours pourra lui donner les moyens De sortir d'embarras, et rentrer dans ses biens : Ce sont fiefs qu'à bon titre au pays on renomme; Et, tel que l'on le voit, il est bien gentilhomme.

DORINE.

Oui, c'est lui qui le dit; et cette vanité,
Monsieur, ne sied pas bien avec la piété.
Qui d'une sainte vie embrasse l'innocence
Ne doit point tant prôner son nom et sa naissance;
Et l'humble procédé de la dévotion

Souffre mal les éclats de cette ambition.

A quoi bon cet orgueil?... Mais ce discours vous blesse : Parlons de sa personne, et laissons sa noblesse.

Ferez-vous possesseur, sans quelque peu d'ennui,

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