On les voit, pour tous soins, se mêler de bien vivre. Et ne veulent point prendre, avec un zèle extrême, ORGON. Monsieur mon cher beau-frère, avez-vous tout dit? CLÉANTE. ORGON, s'en allant. Je suis votre valet. CLÉANTE. De grâce, un mot, mon frère. Laissons là ce discours. Vous savez que Valère, Pour être votre gendre, a parole de vous. Oui. ORGON. CLÉANTE. Vous aviez pris jour pour un lien si doux. Pour dire un mot faut-il tant de finesses? Valère, sur ce point, me fait vous visiter. Oui. De savoir vos desseins. Quels sont-ils donc ? Ce que le ciel voudra. ORGON. De faire CLÉANTE. Mais parlons tout de bon. Valère a votre foi; la tiendrez-vous, ou non? Adieu. ORGON. CLÉANTE, seul. Pour son amour je crains une disgrâce, Et je dois l'avertir de tout ce qui se passe. ACTE SECOND. SCÈNE PREMIÈRE. ORGON, MARIANE. ORGON. Mariane. Mon père. Vous parler en secret. MARIANE. ORGON. Approchez; j'ai de quoi MARIANE, à Orgon, qui regarde dans un cabinet. Que cherchez-vous? ORGON. Je voi Si quelqu'un n'est point là qui pourrait nous entendre, Car ce petit endroit est propre pour surprendre. Or sus, nous voilà bien. J'ai, Mariane, en vous MARIANE. Je suis fort redevable à cet amour de père. ORGON. C'est fort bien dit; ma fille; et, pour le mériter, MARIANE. C'est où je mets aussi ma gloire la plus haute. ORGON. Fort bien. Que dites-vous de Tartufe, notre hôte? Qui, moi? MARIANE. ORGON. Vous. Voyez bien comme vous répondrez. MARIANE. Hélas! j'en dirai, moi, tout ce que vous voudrez. SCÈNE II. ORGON, MARIANE, DORINE, entrant doucement, et se tenant derrière Orgon, sans être vue. ORGON. C'est parler sagement... Dites-moi donc, ma fille, MARIANE, se reculant avec surprise. ORGON. Hé! Qui voulez-vous, mon père, que je dise Tartufe. ORGON. MARIANE Il n'en est rien, mon père, je vous jure, Pourquoi me faire dire une telle imposture? ORGON. Mais je veux que cela soit une vérité; Et c'est assez pour vous que je l'aie arrêté. MARIANE. Quoi! vous voulez, mon père...? ORGON. Oui, je prétends, ma fille, Unir, par votre hymen, Tartufe à ma famille. Il sera votre époux, j'ai résolu cela; (Apercevant Doriae.) DORINE. Vraiment, je ne sais pas si c'est un bruit qui part Et j'ai traité cela de pure bagatelle. ORGON. Quoi donc la chose est-elle incroyable? DORINE. A tel point Que vous-même, monsieur, je ne vous en crois point. ORGON. Je sais bien le moyen de vous le faire croire. DORINE. Oui, oui, vous nous contez une plaisante histoire ! ORGON. Je conte justement ce qu'on verra dans peu. Chansons! DORINE. ORGON. Ce que je dis, ma fille, n'est point jeu. DORINE. Allez, ne croyez point à monsieur votre père; ORGON. Je vous dis... DORINE. Non, vous avez beau faire, On ne vous croira point. ORGON. A la fin mon courroux... DORINE. Eh bien! on vous croit donc; et c'est tant pis pour vous. Quoi! se peut-il, monsieur, qu'avec l'air d'homme sage, Et cette large barbe au milieu du visage, Vous soyez assez fou pour vouloir... ORGON. Écoutez; Vous avez pris céans certaines privautés Qui ne me plaisent point; je vous le dis, ma mie. DORINE. Parlons sans nous fâcher, monsieur, je vous supplie. Il a d'autres emplois auxquels il faut qu'il pense. Choisir un gendre gueux ?... ORGON. Taisez-vous. S'il n'a rien, Sachez que c'est par là qu'il faut qu'on le révère. Sa misère est sans doute une honnête misère; Au-dessus des grandeurs elle doit l'élever, Puisqu'enfin de son bien il s'est laissé priver Par son trop peu de soin des choses temporelles, Et sa puissante attache aux choses éternelles. Mais mon secours pourra lui donner les moyens De sortir d'embarras, et rentrer dans ses biens : Ce sont fiefs qu'à bon titre au pays on renomme; Et, tel que l'on le voit, il est bien gentilhomme. DORINE. Oui, c'est lui qui le dit; et cette vanité, Souffre mal les éclats de cette ambition. A quoi bon cet orgueil?... Mais ce discours vous blesse : Parlons de sa personne, et laissons sa noblesse. Ferez-vous possesseur, sans quelque peu d'ennui, |