Et qu'avec violence il veut ce qu'il désire! De vouloir sans quartier les choses qu'on demande, Du faible que pour vous vous voyez qu'ont les gens? TARTUFE. Mais si d'un œil bénin vous voyez mes hommages, ELMIRE. Mais comment consentir à ce que vous voulez, TARTUFE. Si ce n'est que le ciel qu'à mes vœux on oppose, ELMIRE. Mais des arrêts du ciel on nous fait tant de peur ! TARTUFE. Je vous puis dissiper ces craintes ridicules, Avec la pureté de notre intention. De ces secrets, madame, on saura vous instruire; Vous toussez fort madame? ELMIRE. Oui, je suis au supplice. TARTUFE. Vous plaît-il un morceau de ce jus de réglisse? ELMIRE. C'est un rhume obstiné, sans doute; et je crois bien Que tous les jus du monde ici ne feront rien. Cela, certe, est fâcheux. TARTUFE. 4. ELMIRE. Oui, plus qu'on ne peut dire. TARTUFE. Enfin votre scrupule est facile à détruire. Et le mal n'est jamais que dans l'éclat qu'on fait. ELMIRE, après avoir encore toussé et frappé sur la table. TARTUFE. Oui, madame, on s'en charge; et la chose de soi... ELMIRE. Ouvrez un peu la porte, et voyez, je vous prie, TARTUFE. Qu'est-il besoin pour lui du soin que vous prenez ? ELMIRE. Il n'importe. Sortez, je vous prie, un moment; SCÈNE VI. ORGON, ELMIRE. ORGON, sortant de dessous la table. Voilà, je vous l'avoue, un abominable homme! ELMIRE. Quoi! vous sortez sitôt ! Vous vous moquez des gens. Rentrez sous le tapis, il n'est pas encor temps; ORGON. Non, rien de plus méchant n'est sorti de l'enfer. ELMIRE. Mon Dieu ! l'on ne doit point croire trop de léger. SCÈNE VII. TARTUFE, ELMIRE, ORGON. TARTUFE, sans voir Orgon. Tout conspire, madame, à mon contentement. (Dans le temps que Tartufe s'avance les bras ouverts pour embrasser Elmire, elle se retire, et Tartufe aperçoit Orgon.) ORGON, arrêtant Tartufe. Tout doux! vous suivez trop votre amoureuse envie, Ah! ah! l'homme de bien, vous m'en voulez donner! C'est contre mon humeur que j'ai fait tout ceci; Quoi! vous croyez... ORGON. Allons, point de bruit, je vous prie. Dénichons de céans, et sans cérémonie. Mon dessein... TARTUFE. ORGON. Ces discours ne sont plus de saison. Il faut, tout sur-le-champ, sortir de la maison. TARTUFE. C'est à vous d'en sortir, vous qui parlez en maître : SCÈNE VIII. ELMIRE, ORGON. ELMIRE. Quel est donc ce langage? et qu'est-ce qu'il veut dire ? ORGON. Ma foi, je suis confus, et n'ai pas lieu de rire. Comment? ELMIRE. ORGON. Je vois ma faute aux choses qu'il me dit; Et la donation m'embarrasse l'esprit. La donation! ELMIRE. ORGON. Oui. C'est une affaire faite. Mais j'ai quelque autre chose encor qui m'inquiète. ELMIRE. Et quoi ? ORGON. Vous saurez tout. Mais voyons au plus tôt Si certaine cassette est encore là-haut. ACTE CINQUIÈME. SCÈNE PREMIÈRE. ORGON, CLÉANTE. Où voulez vous courir? CLÉANTE. ORGON. Las! que sais-je ? Il me semble Que l'on doit commencer par consulter ensemble ORGON. Cette cassette-là me trouble entièrement. Plus que le reste encore, elle me désespère. Cette cassette est donc un important mystère? ORGON. C'est un dépôt qu'Argas, cet ami que je plains, Et ce sont des papiers, à ce qu'il m'a pu dire, CLÉANTE. Pourquoi donc les avoir en d'autres mains lâchés ? ORGON. Ce fut par un motif de cas de conscience. J'allai droit à mon traître en faire confidence; De lui donner plutôt la cassette à garder, A faire des serments contre la vérité. CLÉANTE. Vous voilà mal, au moins si j'en crois l'apparence; Sont, à vous en parler selon mon sentiment, ORGON. Quoi! sous un beau semblant de ferveur si touchante |