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Je ne vous parle point, pour devoir en distraire,
Du don de tout son bien qu'il venait de vous faire;
Mais, le voulant traiter en coupable aujourd'hui,
Pourquoi consentiez-vous à rien prendre de lui?
TARTUFE, à l'exempt.

Délivrez-moi, monsieur, de la criaillerie;

Et daignez accomplir votre ordre, je vous prie.

L'EXEMPT.

Oui, c'est trop demeurer, sans doute, à l'accomplir;
Votre bouche à propos m'invite à le remplir :

Et, pour l'exécuter, suivez-moi tout à l'heure

Dans la prison qu'on doit vous donner pour demeure.

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Ce n'est pas vous à qui j'en veux rendre raison.

(A Orgon.)

Remettez-vous, monsieur, d'une alarme si chaude.
Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude,
Un prince dont les yeux se font jour dans les cœurs,
Et que ne peut tromper tout l'art des imposteurs.
D'un fin discernement sa grande âme pourvue
Sur les choses toujours jette une droite vue;
Chez elle,jamais rien ne surprend trop d'accès,
Et sa ferme raison ne tombe en nul excès.
Il donne aux gens de bien une gloire immortelle ;
Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle,
Et l'amour pour les vrais ne ferme point son cœur
A tout ce que les faux doivent donner d'horreur.
Celui-ci n'était pas pour le pouvoir surprendre,
Et de piéges plus fins on le voit se défendre.
D'abord il a percé, par ses vives clartés,
Des replis de son cœur toutes les lâchetés.
Venant vous accuser, il s'est trahi lui-même,
Et, par un juste trait de l'équité suprême,
S'est découvert au prince un fourbe renommé,
Dont sous un autre nom il était informé;
Et c'est un long détail d'actions toutes noires
Dont on pourrait former des volumes d'histoires.
Ce monarque, en un mot, a vers vous détesté

Sa lâche ingratitude et sa déloyauté.

A ses autres horreurs il a joint cette suite,
Et ne m'a jusqu'ici soumis à sa conduite

Que pour voir l'impudence aller jusques au bout,
Et vous faire, par lui, faire raison de tout.

Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maître,
Il veut qu'entre vos mains je dépouille le traître.
D'un souverain pouvoir, il brise les liens

Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens,
Et vous pardonne enfin cette offense secrète
Où vous a d'un ami fait tomber la retraite;

Et c'est le prix qu'il donne au zèle qu'autrefois
On vous vit témoigner en appuyant ses droits,

Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense, D'une bonne action verser la récompense;

Que jamais le mérite avec lui ne perd rien;

Et que, mieux que du mal, il se souvient du bien.

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MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLEANTE, VALÈRE, DAMIS, DORINE.

CLÉANTE.

Ah! mon frère, arrêtez,

Et ne descendez point à des indignités.

A son mauvais destin laissez un misérable,

Et ne vous joignez point au remords qui l'accable.
Souhaitez bien plutôt que son cœur, en ce jour,
Au sein de la vertu fasse un heureux retour;
Qu'il corrige sa vie en détestant son vice,
Et puisse du grand prince adoucir la justice;
Tandis qu'à sa bonté vous irez, à genoux,
Rendre ce que demande un traitement si doux.

5.

ORGON.

Oui, c'est bien dit. Allons à ses pieds avec joie
Nous louer des bontés que son cœur nous déploie;
Puis, acquittés un peu de ce premier devoir,
Aux justes soins d'un autre il nous faudra pourvoir,
Et par un doux hymen couronner en Valère
La flamme d'un amant généreux et sincère.

FIN DU TARTUFE.

COMÉDIE (1668.}

PERSONNAGES.

ACTEURS.

MERCURE.

LA NUIT.

JUPITER, sous la forme d'Amphytrion.

MERCURE, sous la forme de Sosie.
AMPHITRYON, général des Thébains.
ALCMÈNE, femme d'Amphitryon.

CLÉANTHIS, suivante d'Alcmène, et femme de

Sosie.

ARGATIPHONTIDAS.

LA THORILLIÈRE.

DU CROISY.

LA GRANGE.

Mlle MOLIERE.

Magd. BEJARt.
CHATEAUNEUF.

NAUCRATÈS,

POLIDAS,

capitaines thébains.

PAUSICLES,

SOSIE, valet d'Amphitryon.

MOLIÈRE.

La scène est à Thèbes, dans la maison d'Amphitryon.

PROLOGUE,

MERCURE, sur un nuage; LA NUIT, dans un char traîné dans l'air

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Tout beau! charmante Nuit, daignez vous arrêter.
Il est certain secours que de vous on désire,
Et j'ai deux mots à vous dire

De la part de Jupiter.

LA NUIT.

Ah! ah! c'est vous, seigneur Mercure! Qui vous eût deviné, là, dans cette posture?

MERCURE.

Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir
Aux différents emplois où Jupiter m'engage,

Je me suis doucement assis sur ce nuage,

Pour vous attendre venir.

LA NUIT.

Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas :
Sied-il bien à des dieux de dire qu'ils sont las?

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LA NUIT.

Non; mais il faut sans cesse

Garder le decorum de la divinité.

Il est de certains mots dont l'usage rabaisse
Cette sublime qualité,

Et que, pour leur indignité,

Il est bon qu'aux hommes on laisse.

MERCURE.

A votre aise vous en parlez;

Et vous avez, la belle, une chaise roulante

Où, par deux bons chevaux, en dame nonchalante,
Vous vous faites traîner partout où vous voulez.
Mais de moi ce n'est pas de même :

Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal,
Aux poëtes assez de mal

De leur impertinence extrême,
D'avoir, par une injuste loi
Dont on veut maintenir l'usage,
A chaque dieu, dans son emploi,
Donné quelque allure en partage,
Et de me laisser à pied, moi,
Comme un messager de village;

Moi qui suis, comme on sait, en terre et dans les cieux,
Le fameux messager du souverain des dieux;

Et qui, sans rien exagérer,

Par tous les emplois qu'il me donne,
Aurais besoin, plus que personne,
D'avoir de quoi me voiturer.

LA NUIT.

Que voulez-vous faire à cela ?

Les poëtes font à leur guise.

Ce n'est pas la seule sottise

Qu'on voit faire à ces messieurs-là.

Mais contre eux toutefois votre âme à tort s'irrite,
Et vos ailes aux pieds sont un don de leurs soins.

MERCURE.

Oui; mais, pour aller plus vite,
Est-ce qu'on s'en lasse moins?

LA NUIT.

Laissons cela, seigneur Mercure,
Et sachons ce dont il s'agit.

MERCURE.

C'est Jupiter, comme je vous l'ai dit,
Qui de votre manteau veut la faveur obscure,
Pour certaine douce aventure

Qu'un nouvel amour lui fournit.

Ses pratiques, je crois, ne vous sont pas nouvelles :
Bien souvent pour la terre il néglige les cieux;
Et vous n'ignorez pas que ce maître des dieux
Aime à s'humaniser pour des beautés mortelles,

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