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Mais cette erreur, enfin, je prétends l'expier.
Je le déclare donc, je reftitue aux belles,

Un coeur qui trop long-tems fut aveugle pour elles. Entr'elles, déformais, je vais le partager,

Le donner, le reprendre, & jamais l'engager. J'offenfois cent beautés, quand je n'en aimois qu'une: J'en veux adorer mille, & n'en aimer aucune... Quel jour eft-ce?

CRISPIN.

Jeudi.

FLORIM O ND.

Bon. Jour de bal; j'y cours.

C'eft-là le rendez-vous des jeux & des amours:
C'est-là que je vais voir, parés de tous leurs charmes,
Tant d'objets enchanteurs, de beautés fous les armes.
Je ne pouvois choifir plus belle occafion,
Pour faire au fexe entier ma réparation.

Pour avoir été au bal Florimond n'en eft pas moins levé le lendemain matin de fort bonne heure; on le voit en robe-de-chambre formant le projet d'un voyage autour du monde.

Quel plaifir en voyageant l'on goûte!

Toujours nouveaux objets s'offrent fur votre route,
Chaque pas vous préfente un fpectacle inconnu :
On ne revoit jamais ce qu'on a déja vu.
Uns plaine aujourd'hui, demain une montagne,
Le matin une ville, & le foir la campagne.
Ajoute qu'on ne peut s'ennuyer nulle part.
Un lieu vous plaît, on refte: il vous déplaît, on part,
On fait à chaque pas, connoiffance nouvelle,

Et, fans regret, bientôt on fe fépare d'elle.

Ce qui me plaît fur-tout, c'eft qu'on peut tous les jours, Sans fcrupule, former de nouvelles amours.

Dans chaque ville on peut laiffer une maîtreffe.

CRISPIN.

Oui, quand on n'aimeroit en paffant que l'hôtesse.
J'en avois une à Rome....

FLORIM O N D.

Ah! tu me fais penser :

Que par Rome d'abord nous allons commencer.
CRISPIN.

Tant mieux. Je reverrai la belle Rofalie.

FLORIMON D.

Rome vue il faudra parcourir l'Italie.

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De là, je paffe en Suiffe: alors, il n'eft qu'un pas,
Jufqu'à Vienne, & j'y cours; puis par les Pays-Bas,
Je gagne la Hollande, & fuis bientôt à Londres.
Je poufferai plus loin, & j'ose te répondre,
Qu'en leurs antres j'irai vifiter les Lapons.
Je rétrograde alors, & grimpant force monts,
Je compte traverser cette vafte Ruffie,

Et vifiter enfin le refte de l'Afie.

On eft fâché que dans le moment où l'action doit être la plus vive, au milieu du cinquieme acte, le théatre foit encore embarraffé d'Eliante & de Lifette, qui partent triftement comme deux infantes abandonnées. Du moment qu'elles ont reçu leur congé, elles ne devroient plus reparoître, & Florimond fur tout ne devroit plus revoir Eliante. C'est bien affez de lui avoir dit, en termes formels, qu'il ne l'ai moit plus ; une pareille déclaration le dispensoit de lui faire fes adieux.

Kerbanton, vieux capitaine de vaiffeau & pere de la demoiselle que Florimond a laiffée à Breft au moment de conclure le mariage,

n'eft pas un perfonnage fort intéressant; mais il * eft utile & même néceffaire à l'action : venu à Paris pour folliciter une penfion, il apprend, avec surprise, que fon infidele gendre eft dans la même hôtellerie; mais attendu le mouvement perpétuel de Florimond, le vieux marin ne peut le joindre qu'au cinquieme acte. Il lui fait des reproches affez vifs de fon incartade; tous deux tirent l'épée ; mais Kerbanton eft bientôt défarmé : alors Florimond lui offre de réparer fa faute, & de s'en retourner avec lui à Breft pour époufer fa fille; ils s'embraffent, mais à peine le marin eft il forti que Florimond fe repent de la parole qu'il a donnée, & pendant qu'il eft en proie à la plus cruelle perplexité, Crifpin, en postillon, vient l'avertir que la voiture eft prête.

Elle eft prête?

FLORIM ON 1.

CRISPIN.

Qui Monfieur. Hé bien! qui vous arrête?

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FLORIM O N.D.

Je penfe d'une part, un hymen éternel;
De l'autre, voyager toujours! c'eft bien cruel....
Je ne fais pas, mais tout me devient insipide.
Dans le fond de mon cour... là... je me fens un vuide.
Je ne vois rien de mieux, dans l'état où je fuis,
Que d'aller dans un cloître enterrer mes ennuis.

Il fort, & Crifpin termine la piece par ces

vers.

Belle reffource! & puis courez, changez fans ceffe

D'état & de pays, d'amis & de maîtreffe.
L'ennui, le défespoir tôt ou tard vous attend!
C'est ainsi que toujours finit un inconftant.

Les détails dans lefquels nous venons d'entrer fur cette agréable piece confirment le ju- . gement avantageux que nous en avions porté d'après les premieres repréfentations: le rôle de l'Inconftant annonce une finguliere fécondité d'imagination, une verve vraiment comique, beaucoup de gaieté & de naturel. Toure la piece eft femée de vers charmans qui ne perdent rien à l'impreffion. Le dialogue eft vif; sapide, ingénieux, fans aucune prétention & toujours jufte; fi l'auteur tient tout ce que promet un tel début, il eft fait pour confoler Thalie & occuper un rang diftingué parmi nos écrivains dramatiques.

(Année littéraire ; Journal de Paris ; Journal général de France; Journal polytype des fciences & des arts.)

THE hiftory of Wales, &c. Hiftoire du pays de Galles, en neuf livres, avec un appendix; par le Rév. WILLIAM WARRINGTON, in1-4to. I liv. ft. I sh. en carton. A Londres, ches Johnson.

Au

u premier coup d'oeil que l'on jette fur cet ouvrage, on fent d'abord quelle différence extrême diftingue les nations policées des na,

tions barbares. Les unes jouiffent non-feulement de tous les arts que la paix fait fleurir, elles favent encore ajouter un nouveau luftre à leurs exploits militaires; tandis que les autres, deftinées à vivre fans nom & fans gloire, font enfevelies en naiffant dans le plus profond ou bli. Le fort des Gallois reffemble affez à celui des anciens peuples, qui devinrent fucceffive-. ment la proie des Grecs & des Romains; ils combattirent pour leur liberté avec une conf tance qui ne permet pas de révoquer leur va⚫ leur en doute; mais l'hiftoire de leurs guerres n'ayant été rédigée que par les vainqueurs, n'y a t-il pas lieu de croire qu'elle a été écrite. avec partialité, & fouvent même fans égard pour la vérité des faits les plus authentiques?

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Si l'on confidere combien les Gallois font attachés au nom & à la mémoire de leurs and cêtres, on fera fans doute furpris qu'il ne fe foit trouvé dans ce pays aucun écrivain qui ait entrepris une hiftoire complette de la na tion; mais ils ne trouvoient dans leur langue aucun modele d'un ouvrage de cette nature; les hauts faits de leur pere étoient célébrés dans les chanfons de leurs bardes, & ils ne penfoient pas que des récits confignés dans de froides archives fuffent très-propres à frapper ou à enflammer l'imagination. Aujourd'hui ils peuvent fe féliciter d'avoir trouvé dans M. Warrington l'écrivain qui leur manquoir; fon ftyle a la dignité & l'élévation qui conviennent à l'hiftoire; il narre avec tant de feu, que s'il ne nous eût appris qu'il étoit Anglois, nous

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