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Son fils le chancelier Bathurst, trouvant un soir que l'heure était venue de se retirer, crut devoir en donner l'exemple, en représentant l'âge de son père, qu'il craignait d'incommoder; il ajouta même que rien n'était plus favorable au maintien de la santé que la régularité dans la manière de vivre. Lorsqu'il eut quitté lá table, l'aimable amphytrion dit : « Mes bons amis, puisque le vieux gentleman » est parti, faisons encore sauter un bouchon. »

Le vin fut pour lui l'élixir de vie : fidèle au culte de Bacchus jusqu'à sa mort, il buvait chaque jour sa bouteille à la fin de son diner. Deux heures d'exercice à cheval le disposaient habituellement à la prendre avec plaisir. « Il y a pour>> tant cinquante ans, observait-il quelquefois gaîment, en >> invitant ses amis à imiter son exemple, que le bon docteur » Chyne me disait qu'il n'en fallait plus boire, si je voulais » vivre sept ans de plus. En vérité, le pauvre docteur était >>> fou. >>

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SOHO-SQUARE.

Au midi et presque à l'extrémité orientale de la rue d'Oxford, est un square assez agréable, et qui rappelle le nom d'un personnage illustré par ses malheurs. C'est là qu'est l'hôtel où demeura l'infortuné duc de Montmouth, décapité sous le règne de Charles II, le 15 juillet 1695, à l'âge de trente-cinq ans. Cette place porta d'abord le nom de ce seigneur. Il fut depuis changé par ses amis en celui de Soho, qui avait été le mot d'ordre à la funeste bataille de Sedgeoù Montmouth fut vaincu. Plus de six cents de ses partisans furent pendus. Ce fut sur ce square qu'habita l'ambassadeur français au tems de la reine Anne. On remarque au coin de Greek-street une maison qui fut autrefois le rendez-vous des premiers fashionables de Londres, et le temple des plaisirs en tout genre où la célèbre Cormely's attira pendant plusieurs années tout ce que la ville renfermait d'illustres personnages. Cette femme expia sa renommée par une fin malheureuse. Elle termina sa carrière dans la prison de Fleet-street, le 19 août 1797. C'est dans cette même rue de Greek-street et dans celle de Grown-street que fixèrent leur résidence tous les protestans français qui, à l'époque de la révocation de l'édit de Nantes, se trouvèrent dans la nécessité de fuir leur partie.

GROSWENOR-SQUARE.

Presque tous les auteurs qui ont écrit sur la topographie

I

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de Londres s'accordent à mettre ce square au-dessus de toutes les places de ce genre. J'en avais donc conçu une idée favorable avant de le visiter, et mon attente n'a point été trompée. La régularité des maisons s'y fait remarquer, et l'ensemble en est imposant. Au milieu du carré, on voit la statue équestre de Georges II. Sans l'incendie qui Ꭹ éclata le 6 mai 1763, dans lequel périt lady Malesworth avec ses enfans et ses domestiques, et le tremblement de terre qui s'y fit sentir en 1750, ce square n'aurait rien de remarquable.

GAVENDISH-SQUARE.

Les premières maisons qu'on ait élevées sur ce square, en 1715, furent construites d'après les dessins de Tuffnell par le comte de Carnavon, depuis duc de Chandor. Ce sont deux hôtels d'une belle apparence. Ils font face à la statue équestre de Guillaume, duc de Cumberland, qui, quoi-· qu'elle soit dorée, n'en est pas meilleure pour cela. Le gênéral est représenté dans l'uniforme des gardes. On lit sur le piédestal que cette statue est un hommage rendu à la vertu de ce duc par son ami le lieutenant-général Strade. L'amitié, trop favorablement prévenue, scrute rarement le fond du cœur, et l'écrivain impartial doit se garder d'adopter ses jugemens sans examen. Quelque brillans qu'aient pu être les services rendus à l'Angleterre par le duc de Cumberland, feront-ils jamais excuser sa cruauté? Du pied de ce monument érigé au vainqueur de Culloden, j'entends s'élever les gémissemens d'une foule de malheureux prisonniers qui furent traités d'une manière barbare après cette bataille. Les blessés furent entassés pêle-mêle dans des églises, sans qu'on songeât à panser leurs blessures. Il y avait parmi eux un chirurgien auquel on enleva même les instrumens de son art, afin qu'il ne pût secourir ses inforturés compatriotes. Le sort de ceux qui furent placés à bord du Jean-de-Leiths fut encore plus déplorable. On ne leur permettait pas de s'étendre sur les planches; leurs jambes enflèrent d'une façon horrible. L'un d'eux, Jacques Bradshaw déclara en mourant sur l'échafaud, à Kennington, le 8 novembre 1747, que le duc de Cumberland était de tous les ennemis dans les mains desquels il était tombé, le soldat le moins généreux et le moins digne de ce nom.

* Près de cent individus qui avaient embrassé la cause des Stuarts, et au nombre desquels étaient lord Balmerino, Thomas Syddal, Jean Berwick, furent suppliciés et moururent en héros.

PORTMAN-SQUARE.

Mary-la-Bonne est parmi les paroisses de Londres celle qui peut se glorifier de posséder les plus beaux squares. Celui de Portman, au nord d'Oxford-street, est le premier dont il convient de parler. Les arbustes, les arbres et les gazons du bosquet sont distribués avec autant de goût que de régularité. On doit recommander aux étrangers de visiter l'hôtel qui fut autrefois occupé par les ambassadeurs francais, et qui depuis est devenu la maison de ville du duc d'Athol..... Angelica Kauffman et Cipriani y ont soutenu leur réputation en tracant sur les lambris et les plafonds des sujets puisés dans les Géorgiques et l'Enéide. Un autre hôtel, remarquable surtout par le nom de la femme célèbre qui l'a occupé, est celui de mistress Montague, auteur des Lettres sur l'Italie, l'Allemagne, la Turquie, etc. Cette femme fut, à Londres, la fondatrice d'une société littéraire qui n'était composée que des dames anglaises les plus distinguées par leur esprit et leurs connaissances. On donna le nom de Club des bas bleus à cette réunion, parce que le seul homme qu'elles y admettaient ne manquait jamais de s'y rendre en bas de cette couleur. Il exercait dans cette société les fonctions d'arbitre et de juge.

Mais mistress Montague a relevé sa réputation littéraire par un genre de gloire dont elle jouit sans partage; elle a donné à son siècle l'exemple d'une philanthropie aussi courageuse qu'éclairée, en contribuant à la propagation de l'inoculation et en plaidant avec la plus tendre sollicitude la cause des petits ramoneurs, traités en Angleterre avec si peu d'humanité. Aussi ces enfans des montagnes, pleins de reconnaissance, ne manquaient pas chaque année, le premier mai, de se rendre devant l'hôtel de leur bienfaitrice, et de faire retentir l'air de joyeux huzza à sa louange.

MONTAIGU SQUARE, BRIANSTON-SQUARE. Ces deux places, presque contiguës, n'offrent rien de remarquable. On est seulement étonné que les architectes ne les aient pas rendues plus dignes du dix-neuvième siècle.

BLOOMSBURY-SQUARE.

Il y eut, en 1780, peu d'endroits à Londres où les séditieux montrèrent plus d'audace et d'acharnement que dans Bloomsbury-square. La destruction complète de la maison du lord Mansfield fournit une preuve, alors, de ce dont une multitude furieuse est capable. Après que ces forcenés eurent

brisé les croisées et les portes, ils mirent en pièces ce qui meublait ou décorait l'hôtel; la bibliothèque même ne fut point épargnée. Plusieurs milliers de volumes furent jetés dans les flanimes; les actes, les manuscrits éprouvèrent le même sort. La visite qu'ils firent aux caves acheva de les enhardir à tout braver; on vit les bouteilles circuler de main en main parmi la foule, déjà ivre de rage. En vain un magistrat lut-il la loi martiale (the riot act); en vain ordonnat-il de faire feu à deux reprises différentes; rien ne put les détourner de mettre le comble à leurs excès; leur opiniâtreté triompha de la force armée, au point que les soldats, après, avoir inutilement tué sur la place plusieurs des séditieux et en avoir blessé d'autres, finirent par rester spectateurs tranquilles de cette horrible scène.

Le feu venait d'être mis à la maison lorsque les pompiers arrivèrent. Les séditieux ne leur permirent pas de travailler à l'éteindre qu'après que les troupes se furent éloignées. Elles se retirèrent donc, mais sans succès; car la populace s'opposa définitivement à ce que l'on arrêtât les progrès de l'incendie; elle permit seulement d'en préserver la maison du lord Hotham. Du reste, rien de ce qui faisait partie de l'habitation du lord Mansfield ne fut sauvé; heureusement ce lord, accompagné de son épouse, avait eu le tems de fuir une porte dérobée, avant que ces forcenés s'y fussent introduits. La loi ne pouvait laisser impunis d'aussi révoltans outrages à la propriété. Deux des séditieux, qui avaient été pris furent condamnés à mort et pendus, le 22 juillet, sur ce square, à la vue des ruines de l'hôtel.

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par

La place qu'occupe ce square aboutissait, au commencement du dix-neuvième siècle, à une plaine ouverte qui portait le nom de Leicester-la-Campagne. Il offre un bosquet d'assez mince apparence, quoiqu'il soit maintenant orné de la statue de Georges Ier. L'homme qui honore le génie ne manquera pas d'aller voir dans cette place la maison qu’ha¬ bita Hogarth, et dans laquelle il mourut à l'âge de soixantesept ans, le 26 octobre 1764. Ce grand peintre a fait pour les Anglais ce qu'Aristophanes fit à Athènes pour corriger les mœurs de son siècle. Il imagina la comédie satirique, et peignit les ridicules et les suites déplorables du více. Garrick composa l'épitaphe qu'on lit sur le tombeau d'Hogarth, dans le cimetière de Chiswick.

LE TEMPLE.

Un écrivain français, M. Raynouard, a jeté un grand jour sur l'horrible traitement que les templiers éprouvèrent de la part de la cour de Rome et du roi Philippe-le-Bel. Leurs possessions à Londres s'étendaient le long de la Tamise jusqu'à Fleet-street, et aussi loin qu'Essex-street dans le Strand: Quelque considérables que fussent leurs domaines en cet endroit ils ne pouvaient entrer en comparaison avec ceux qu'ils possédaient dans l'intérieur du royaume. Leurs richesses étaient déjà parvenues au point de leur fournir les moyens de traiter splendidement les ambassadeurs étrangers, le nonce

du pape, ainsi que les plus éminens personnages de la cour,

Les rois eux-mêmes ne dédaignèrent pas de s'asseoir à leur table.

Ces lieux, autrefois la résidence d'un des ordres militaires les plus renommés de l'Occident, sont aujourd'hui la demeure des élèves de l'école de droit. La partie nommé le Bas-Temple est ornée d'un jardin qui borde la Tamise, et dont la position est fort agréable. Quant à la splendeur et à la magnificence qu'y déployèrent anciennement les templiers, il n'en reste plus que quelques souvenirs dans les hautes classes de la société. On y voit encore les armures qui appartenaient à ces héros de la chrétienté; on y voit aussi les tombeaux des onze chevaliers, qui sont sous le portail, ainsi que celui de Howell, le Scudéry de l'Angleterre. La collection de ses ouvrages formerait plus de cent volumes. On ne va pas à la postérité avec un aussi gros bagage. Le seul de ces ouvrages qui soit aujourd'hui cité est Londinopolis. Howell sera peut-être plus connu un jour pour la persécution qu'il souffrit pour la cause des Stuarts, que par ses écrits.

Si les curieux visitent le Temple par respect pour l'antiquité, les hommes instruits n'y cherchent pas avec moins d'empressement la maison du célèbre Jonhson, l'un des écrivains les plus distingués et les plus laborieux que l'Angleterre ait produits. Il est auteur du Dictionnaire qui porte son nom. On connaît de lui une quantité prodigieuse de bons mots. Les biographes ont recueilli sur sa personne une foule

d'anecdotes curieuses.

GRAY'S INN.

La Cité ne possède qu'un très-petit nombre de squares; encore y en a-t-il peu d'entre eux qui méritent d'être mentionnés. Les plus considérables par leur étendue sont ceux

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