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les titulaires des bénéfices qui ne sauraient dépouiller leurs successeurs par leur négligence, leur imperitie ou leur mauvaise foi. Aussi l'édit des criées ne présente-t-il aucune dérogation aux lois du royaume, concernant l'alienation des biens ecclésiastiques. Ces lois sont restées dans toute leur vigueur depuis 1551 comme auparavant; et il ne faut, en effet, qu'un instant de reflexion pour sentir combien il serait absurde d'interdire à quelques personnes tout acte d'alienation, et de laisser cependant à ces mêmes personnes la faculté d'aliener en négligeant, dans une occasion, de faire un acte conservatoire, comme s'il était plus difficile de se tenir un instant dans l'inaction, que de se transporter chez un notaire pour y passer un contrat.

» Ainsi, même en supposant, dans l'édit des criées, une disposition expresse et absolue qui prononce contre tout propriétaire la decheance de sa propriété faute d'Opposition, la dame de Guermande ne pourrait en tirer aucun avantage, parceque l'edit ne s'ap pliquait pas à des titulaires de bénéfices qui n'ont pas de propriété et qui sont greves d'une substitution légale et indefinie. Le defaut d'Opposition, en un mot, n'a d'effet que parcequ'on présume que celui qui ne. s'oppose pas, renonce à son droit: mais cette présomption ne peut jamais s'élever contre celui à qui la loi defend expressement d'y renoncer. Un bénéfice ne sera donc pas dépouille, parceque celui qui l'occupe, néglige d'agir dans une occasion.

» En vain la dame de Guermande essaie de balancer, par le suffrage de quelques au teurs, l'autorité de ces principes écrits dans nos lois. Il est vrai que d'Héricourt, dans son Traité de la vente des immeubles par décret, dit que le décret forcé purge la propriété de l'église. Piales l'a dit aussi dans son Traité des réparations mais quelque respectable que soit l'opinion de ces deux auteurs, on ne craint pas de dire que, dans cette occasion, elle est dénuée de motifs solides.

» Dans le même moment que Piales établit en principe que le décret forcé purge la propriété de l'église, il ajoute qu'il en est de méme du décret volontaire : et cependant il est bien constant et bien reconnu par la dame de Guermande elle-même, que le decret volontaire ne purge aucune propriété. Il faut donc écarter ici le suffrage de Piales.

>> Il en est de même de celui de d'Héricourt. Cet auteur reconnait formellement que l'opinion contraire à la sienne a été plusieurs fois soutenue, et qu'on l'a appuyéc sur des arrêts: il pense néanmoins que le décret

doit purger la propriété de l'église, en observant toutefois que cette opinion est trèsrigoureuse. Mais quel est le motif qui le détermine? C'est, dit-il, parceque les biens de l'église sont régis par les lois générales du royaume, au nombre desquelles il place l'édit des criees. Les biens de l'église sont régis par les lois générales du royaume. Hé! pourquoi donc les biens de l'église ne sont-ils pas dans le commerce, comme les biens de tous les particuliers ? Pourquoi l'aliénation de ces biens est-elle si sévèrement interdite? Pourquoi nos ordonnances ont-elles enchaîné par tant de formalités le titulaire qui en a l'usufruit? N'est-il pas évident que ces biens sont régis par des lois particulières, et que l'opinion de d'Héricourt, par conséquent, est appuyée sur un motif frivole? Il n'est donc pas étonnant que plusieurs auteurs aient pensé le contraire.

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Le bien immeuble de l'église, dit Brodeau sur Louet, lettre D, §. 32, ne tombe point dans le commerce et il n'est pas juste que la négligence, le dol, la mauvaise foi, la collusion et l'ignorance d'un titulaire ou d'un mauvais administrateur contre lequel, ou ses héritiers, il n'y aurait point de recours, le fasse perdre; et il semble que cela doit avoir lieu, tant pour la propriété du fonds de l'héritage, que pour une rente foncière et de bail d'héritage, imposée en la concession et tradition du fonds.

» Cet auteur cite ensuite plusieurs arrêts qui ont décidé conformément à ce principe. Il observe la différence qui se trouve entre l'église et le mineur. Le mineur est propriétaire, et le titulaire d'un bénéfice n'est qu'un usufruitier. Le mineur a toujours un recours assuré contre son tuteur négligent, et le nouveau titulaire d'un bénéfice n'a aucun recours à exercer. De là Brodeau conclud que le décret ne doit pas purger la propriété de l'église, quoiqu'il purge celle du mineur.

» Brillon, dans son dictionnaire des arrêts, au mot Décret, établit comme une maxime constante, que le décret ne purge pas la propriété de l'église.

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Enfin, cette vérité se trouve consignée dans plusieurs autres auteurs, ainsi que d'Héricourt lui-même en convient; et leur opinion est fondée, comme on l'a vu, sur la loi et sur la raison, qui veut que tout ecclesiastique, à qui il est interdit de vendre par un contrat, ne soit pas libre d'aliéner en négligeant, dans une occasion, de faire un acte conservatoire.

» Mais, s'écrie la dame de Guermande, les arrêts combattent cette opinion; et sur

quels que motifs qu'elle soit fondée, elle doit céder à leur autorité. Voyons donc quelle est, à cet égard, la jurisprudence.

» Brodeau dont on connait l'opinion, rapporte quatre arrêts des 3 mai 1605, 27 juin 1629, 28 mars 1637 et 23 mai 1642, qui, suivant lui, out décidé que le décret ne purgeait point les droits de l'église. Ces arrêts se trouvent aussi dans le Journal des audiences, dont l'auteur a pensé comme Brodeau.

» Ferrière, sur l'art. 369 de la coutume de Paris, rapporte ces mêmes arrêts, et parle d'un cinquième, du 21 janvier 1620, qui a jugé de même.

»Augeard nous en a conservé un sixième, du 8 janvier 1695, conforme à ceux dont on vient de parler (1).

» Brillon, dans son Dictionnaire des arrêts, aux mots Ordre de Malte, no. 94, en rapporte un septième, du 2 mai 1719 (2), qui a jugé la même question en faveur de l'ordre de Malte.

» Enfin, tous les auteurs qui ont avancé le décret ne purgeait pas la propriété de que l'église, se fondent sur la jurisprudence.

» On peut ajouter à ces autorités, celle d'un arrêt rendu en 1738, dans des circonstances bien remarquables.

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L'abbaye de Saint-Antoine avait, en 1634, baillé à rente, à deux particuliers, soixantehuit perches de terre. L'aliénation se trouvait dépourvue d'une partie des formalités nécessaires pour sa validité; cependant elle avait été faite du consentement du supérieur ecclésiastique, mais sous la condition qu'on ne pourrait établir aucun monastère sur ce territoire.

» Les acquéreurs y bâtirent des maisons; ils en avaient le droit. Ces maisons furent saisies réellement, une première fois en 1674, une seconde en 1734. L'abbaye de SaintAntoine ne s'opposa que pour la conservation de la rente à elle due, et l'adjudication ne fut faite qu'à la charge de cette rente.

» Les religieuses de Saint-Michel se rendirent adjudicataires sur le second décret, et voulurent habiter le terrain à elles adjugé. Alors l'abbaye de Saint-Antoine conclud à ce qu'il leur fût fait défenses de s'y établir, parceque, disait-elle, suivant le titre primitif de l'aliénation, aucune communauté ne

(1) Cet arrêt (a répondu M. Courtin) est intervenu dans la coutume d'Anjou, dont l'art. 486 contient une disposition particulière.

(2) M. Courtin a prouvé, dans sa réplique, en citant les propres termes de Brillon, que cet arrét avail jugé précisément tout le contraire.

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pouvait habiter cet endroit. L'abbaye de SaintAntoine alla plus loin ensuite : elle demanda la nullité de l'aliénation faite en 1634, cent ans auparavant, et prit des lettres de rescision. Sa demande fut d'abord portée au grand conseil, où elle fut plaidée : les religieuses de Saint-Michel opposèrent les deux décrets; elles avaient tout purgé, disaient-elles, et l'abbaye de Saint-Antoine était non-recevable, dans sa demande.

» Cochin, qui défendait cette abbaye, établissait deux proprositions : dans la première, il prouvait que les biens d'église étant grévés d'un fideicommis légal, les titulaires ne pouvaient pas les aliéner sans nécessité, sans utilité, et sans observer les formalités prescrites; que le titre de l'aliénation étant vicieux, ce qui avait suivi ne pouvait pas le valider : d'où il concluait que la vente de 1634 devait être anéantie, malgré les décrets dont elle avait été suivie dans la seconde proposition, qui n'était que subsidiaire, il disait qu'en supposant que le décret eût purgé les vices de la première alienation, et que cette aliénation dût subsister, du moins les religieuses de Saint-Michel ne pouvaient pas s'établir sur le terrain aliené, parceque le décret ne devait pas avoir l'effet de purger les conditions apposées par le supérieur ecclésiastique, dans le consentement qu'il avait donné à la vente de 1634.

» Les parties furent appointees en droit, toutes choses demeurant en état : c'est'à-dire que, par provision, l'établissement des religieuses de Saint-Michel demeurait suspendu.

Cependant l'hôpital des Enfans-Trouvés, qui avait un intérêt dans la cause, intervint, et la fit évoquer au parlement; et, par un arrêt du 4 septembre 1738, les lettres de rescision prises par l'abbaye de Saint-Antoine contre l'aliénation de 1634, furent entérinées nonobstant les deux décrets forcés, dont cette aliénation avait été suivie.

» Ainsi l'on écarta la demande subsidiaire de l'abbaye de Saint-Antoine, relative à la modification apposée dans le contrat d'aliénation de 1634; on jugea formellement que deux décrets n'avaient pas purgé les vices d'un bail à rente nul dans son principe, comme celui qui est attaqué aujourd'hui par le chapitre de Beauvais : la seule difference qui se trouve dans les deux espèces, est à l'avantage du chapitre : il réclame avant l'expiration des quarante années, et l'abbaye de Saint-Antoine ne réclamait qu'au bout d'un siècle.

» On a cru devoir rapporter cet arrêt avec quelque détail, parcequ'il reçoit une applica

tion immédiate dans la cause actuelle, et parceque Piales, qui en parle dans son Traité des Réparations, est tombé dans quelques erreurs qu'il était essentiel de remarquer.

» Telle est donc la jurisprudence constante du parlement le décret forcé ne purge pas la propriété de l'église.

» Un arrêt du 3 avril 1775 que la dame de Guermande a opposé, n'est pas contraire à cette jurisprudence : en voici l'espèce.

» Les religieuses de Bellechasse avaient vendu, en 1665, au baron de Chanlot, une portion de terrain qui fut saisie réellement sur lui, et adjugée au sieur Pajot en 1699. Soixante-quinze années après cette adjudication, ce même terrain se trouva dans les mains d'un sieur Petoureau, dont les biens furent vendus en direction: le marquis de La Rivière s'en rendit adjudicataire; il refusa ensuite de passer contrat. Quel était son moyen? Ce terrain, disait-il, appartenait, il y a plus d'un siècle, à l'abbaye de Bellechasse, qui pourra un jour attaquer l'aliénation qu'elle en a faite. Il fut condamné, comme cela était bien juste, à passer contrat.

» Cet arrêt a-t-il donc jugé la question qu'on agite aujourd'hui ? L'alienation faite par l'abbaye de Bellechasse, était-elle vicieuse? Le titre de l'aliénation était-il rapporté? L'abbaye de Bellechasse réclamaitelle? Le marquis de la Rivière était-il recevable à rompre ses engagemens, sous prétexte qu'il pourrait un jour être inquiété par l'abbaye de Bellechasse, qui avait gardé le silence pendant plus de cent années?

» Dailleurs, depuis l'adjudication sur dé cret forcé du terrain dont il est question, il s'était écoulé un espace de soixante-quinze années, circonstance bien remarquable; car, enfin, le plus grand effet que pourrait produire, dans ce cas, un décret, serait de fournir à l'adjudicataire un titre à l'abri duquel il pourrait peut-être prescrire au bout de quarante années; il dirait alors avec quelque apparence de raison: la mauvaise foi de mon prédécesseur m'est étrangère; j'ai donc eu la faculté de prescrire, qu'il n'avait pas luimême. Et ce serait là sans doute l'effet le plus étendu qu'on pourrait donner au décret. Mais ce n'est pas même cette consideration qui a déterminé l'arrêt du marquis de La Rivière on n'a vu en lui qu'un homme in constant, qui voulait mal à propos se soustraire à ses engagemens.

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» Cet arrêt n'a donc rien décidé sur la ques tion actuelle, et la jurisprudence est tout entière en faveur du chapitre de Beauvais ». TOME XXII.

Telle était, sur le point de droit, la défense du chapitre de Beauvais. Nous ne rappellerons pas celle de la dame de Guermande, parcequ'elle se trouve presque tout entière dans le plaidoyer de M. l'avocat général Joly de Fleury, dont nous avons à rendre compte.

«La dame de Guermande (a dit ce mabordonnés les uns aux autres. gistrat) se fonde sur plusieurs moyens su

» 1o. Elle prétend qu'il n'est pas certain que l'aliénation ait eté faite sans les formali. tés nécessaires, et que ce serait au chapitre à le prouver, puisque, par le contrat, il s'était charge expressément de veiller à l'observation de ces formalités. Mais ce premier moyen ne nous paraît pas même plausible.....

» 2o. Elle prétend que les formalités requises pour une alienation absolue, ne le sont pas pour un bail à cens. Cette raison n'est pas plus soutenable que la première.....

» 3o. Elle prétend que cette alienation a été utile au chapitre de Beauvais; mais il est bien difficile d'apercevoir cette prétendue uti. lité, et d'ailleurs l'utilité seule ne suffit pas; il faut encore une observation exacte des formalités prescrites par les lois de l'église et de l'État.

» 4°. La dame de Guermande invoque à son secours la possession quarantenaire; et pour l'établir, elle avance que le bail à cens a été passé par un acte sous seing-privé et fait double entre le chapitre et la dame Bouchard, huit à neuf mois avant que la rédaction en eût été faite en présence de deux notaires. Mais d'abord elle ne rapporte point ce prétendu billet; en second lieu, un acte sous seing privé ne fait point foi de sa date; et ce qui écarte sur ce point toute espèce de difficulté, quand même ce billet serait rapporté, quand il aurait été reconnu devant notaires, la dame de Guermande ne pourrait pas se prévaloir de la prescription, parcequ'elle ne pourrait pas compter le temps de la possession de la dame Bouchard, suivant le principe que l'acquéreur primitif d'un bien d'église aliéné sans formalités, ne peut couvrir le vice de l'aliénation par aucun laps de temps.

» Reste donc la question de savoir si le décret forcé purge la propriété contre l'église ; et, à cet égard, il faut convenir que la loi étant générale, on ne peut pas y ajouter une exception qu'elle n'a pas exprimée. L'édit des criées excepte les droits de champart, de cens et de surcens, de l'effet des décrets forcés; mais il n'excepte pas les biens ecclésiastiques: on ne doit donc pas les distinguer, sur ce point, d'avec les biens ordinaires. La

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faveur qu'on accorde à l'église, de pouvoir s'opposer à fin de distraire, jusqu'au congé d'adjuger, est une preuve non douteuse que le défaut d'Opposition lui préjudicierait autant qu'à un particulier. L'arrêt du 3 avril 1775 a jugé la question in terminis, quoi qu'en dise le chapitre de Beauvais; et la prescription n'en a certainement pas été le motif, puis qu'il était prouvé que tous les détenteurs successifs avaient eu connaissance du vice de l'aliénation.

» Quant à l'arrêt du 4 septembre 1738, il ne parait pas avoir jugé le contraire. On voit, par le mémoire que Cochin a fait pour les religieuses de Saint-Antoine, que les parties étaient assez d'accord sur le principe que le décret forcé purge la propriété contre l'église, et que la seule question à juger était de savoir si les religieuses de Saint-Michel pouvaient s'établir dans le terrain aliené contre la teneur expresse de l'acte primitif de l'aliénation.

» Mais s'il est constant, dans la thèse géné. rale, que le décret forcé purge la propriété contre l'église, les circonstances particulières de la cause ne doivent-elles pas faire ployer la rigueur de ce principe en faveur du chapitre de Beauvais ? C'est ce qu'il nous reste à

examiner.

» La dame de Guermande (dit le chapitre) n'a pu ignorer le vice du bail de cens, puisque l'acte d'Opposition du chapitre au décret forcé lui indiquait la date précise du contrat, et le nom même des notaires qui l'avaient rédige. Mais n'est-il pas évident que le chapitre n'a relaté ce contrat dans son acte d'Opposition que pour fonder cette Opposition, et lui donner une base certaine? La dame de Guermande n'a point dû pour cela consulter le contrat ; c'était uniquement l'ouvrage des juges devant qui se poursuivait le décret car un adjudicataire ne contracte qu'avec la justice.

» Le chapitre se prévaut encore inutilement de la réserve qu'il s'est faite dans l'acte d'Opposition de tous ses droits, noms, raisons et actions. On sent qu'une pareille clause est purement de style, et qu'elle ne peut pas suppléer à un défaut d'Opposition expresse à fin de distraire ».

Par ces considérations, M. l'avocat géné ral a estimé qu'il y avait lieu « de mettre » l'appellation et ce au néant, émendant » decharger la partie de Courtin des con>> damnations prononcées contre elle; au prin »cipal, débouter les parties de Treilhard » de leur demande, et les condamner aux dépens ».

"

Par arrêt du 19 mars 1778, rendu aprés une plaidoirie de trois audiences, les conclusions du ministère public ont été adoptées.

Il est donc jugé bien clairement que l'église, les communautés, et à plus forte raison les mineurs, ne sont pas exempts de la loi géné. rale qui donne au défaut d'Opposition à fin de distraire, l'effet de purger la proprié té (1). ]

Mais les uns et les autres peuvent avoir recours contre leurs tuteurs ou autres administrateurs qui ont négligé de former les Oppositions nécessaires pour la conservation de leurs droits dans leurs biens décrétés.

V. Observez néanmoins que, par le défaut d'Opposition, on ne doit pas être privé des droits auxquels le bien décrété peut être as sujeti, lorsque, dans le temps de l'adjudication, ces droits n'étaient pas encore ouverts. La raison en est que la perte d'un droit réel, sur un fonds vendu par décret, est une espèce de punition que la loi prononce contre celui qui a négligé de veiller, comme il le devait, à la conservation de son bien. Or, la personne dont le droit n'est pas encore ouvert, n'étant point en état d'agir, ne peut pas être censée avoir negligé ce droit, et par conséquent elle ne doit point être punie.

C'est en conformité de ce principe, que, par arrêt du 23 décembre 1586, il a été jugé au parlement de Paris, qu'un décret n'avait point purge une substitution qui, dans le temps de l'adjudication, n'était pas encore ouverte.

La même décision doit s'appliquer au douaire qui n'est point ouvert dans le temps du décret. En effet, si les biens sont décrétés sur le mari, sa femme, qui ignore si elle lui survivra, et par conséquent si elle jouira du douaire, n'est pas obligée de former une Opposition à fin de distraire, si le douaire est coutumier, ni à fin de charge, s'il est préfix et conditionnel.

Observez aussi qu'il y a, sur les fonds, certains droits, tels que le cens seigneurial, pour lesquels on n'est pas obligé de s'opposer au décret, quoiqu'ils soient acquis. La raison en est que ces droits sont des charges ordinaires des fonds dont l'adjudicataire a

[[ C'est ce qu'ont également jugé deux arrêts de la cour de cassation, des 6 juin 1811 et 27 décembre 1814, au sujet d'adjudications par décret forcé qui avaient été faites sous l'empire de l'édit de 1551. V. l'article Communaux, §. 4 bis, et mon Recueil de Questions de droit, au mot Cantonnement, S. 8.

dû prévoir qu'il serait chargé. C'est pour cela l'art. 355 de la coutume de Paris porte que que le seigneur féodal ou censier n'est point tenu de former Opposition pour son droit de fief ou de censive. La plupart des autres coutumes du royaume ont des dispositions semblables. C'est d'ailleurs une conséquence de l'art. 23 de l'édit des criées, qui porte que tous prétendans droits, autres que seigneuriaux ou censuels, seront tenus de s'opposer pour lesdits droits.

VI. Est-on obligé, pour conserver une servitude réelle, de former Opposition au décret de l'héritage assujeti à cette servitude?

Il faut, à cet égard, distinguer entre la

servitude latente ou discontinue, et celle qui

est patente et continue.

La servitude latente ou discontinue ne sub

sistant point par elle-même ou par l'état du fonds auquel elle est due, il faut en conclure que l'adjudicataire du fonds décrété n'a pu la prevoir par l'inspection des lieux; d'où il suit qu'elle doit être purgée par le décret auquel on n'a point formé d'Opposition pour cet objet.

Le droit de puiser de l'eau dans le puits de son voisin, et celui de passer dans sa cour, sont des servitudes de cette espèce.

Mais il en est autrement d'une servitude patente et continue. Comme elle subsiste par elle-même et qu'elle dépend de l'état des lieux, elle emporte avec elle une espèce de propriété de la chose ou du fonds, et elle s'exerce sans le ministère de l'homme; c'est pourquoi la jurisprudence a établi qu'il n'est pas necessaire de former Opposition à un dé cret pour la conservation d'une servitude de

cette nature

On met au rang des servitudes patentes et continues, les égouts qui conduisent les eaux de l'héritage supérieur dans l'héritage inférieur, les fenêtres qui sont ouvertes sur le jardin ou sur la cour du voisin, la cave qui appartient au propriétaire d'une maison sous le terrain de la maison voisine, etc.

VII. Quand l'Opposition à fin de distraire ou à fin de charge est formée, le procureur de l'opposant doit en faire signifier l'acte au procureur du poursuivant criées, et lui faire donner copie des pièces justificatives de l'Opposition. Le procureur poursuivant dénonce le tout à la partie saisie et au procureur le plus ancien des opposans; et s'il y a lieu de contester l'Opposition, le poursuivant prend un appointement qui porte que l'opposant fournira ses causes d'Opposition et que les parties intéressées à contester 1 Opposition,

c'est-à-dire, la partie saisie et les opposans, donneront leurs réponses; ensuite la procé dure sur l'Opposition s'instruit comme les autres instances. La péremption y a lieu de même que dans les autres affaires, quoique la saisie réelle ne soit point sujette à cette péremption, depuis que la partie a été dépossedée. Ainsi, quand il n'y a point eu de procé dure faite pendant trois années, au sujet de l'Opposition à fin de charge ou à fin de distraire, on peut procéder à l'adjudication, et il ne reste plus d'autre remède à l'opposant, que de faire convertir son Opposition à fin de charge ou à fin de distraire, en Opposition à fin de conserver, pour être payé, sur le prix de l'adjudication, de ce qui peut lui étre dú pour la partie du fonds dont il demandait la distraction, ou pour la valeur du droit réel qu'il prétendait sur la terre.

Si l'opposant à fin de distraire était, avant la saisie réelle, en possession paisible des héritages dont il demande la distraction, et qu'il ne soit pas prouvé évidemment que cette possession était injuste, les juges doivent le laisser jouir par provision jusqu'au jugement de la distraction: mais si l'opposant ne peut pas invoquer cette possession, et qu'il manque d'ailleurs de moyens pour se faire adju ger la provision, le fermier judiciaire doit jouir du bien dont la distraction est demandée.

VIII. Lorsque les opposans à fin de distraire ou à fin de charge demandent, pour justifier leur Opposition, à faire une preuve testimoniale, le juge doit, suivant l'art. 14 de l'édit des criées, leur fixer un délai pour faire leur enquête; et s'ils le laissent écouler sans en avoir profité, on doit proceder à l'adjudication. Mais la loi citée veut que, si par la suite les droits qui avaient donné lieu à l'Opposition, viennent à être bien justifies, les opposans soient colloqués sur le prix de l'adjudication pour l'estimation de ces droits. Si la validité d'une Opposition à fin de distraire ou à fin de charge, dépend de l'événement d'un procès soumis à la décision d'un autre tribunal que celui où le décret se poursuit, l'art. 16 de l'édit cité veut que le juge du décret détermine un temps pour faire juger le procès; et qu'à défaut de jugement dans le délai fixé, le procès soit évoqué devant le juge des criées, pour y être décidé conformément aux derniers erremens.

Par l'arrêt d'enregistrement de l'édit des criées, le parlement de Paris a ordonné, sur l'article dont il sagit, que, quand les proces qui serviraient de fondement à l'Opposition,

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