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et d'autres habiles horlogers; les grandes et hautes cheminées avaient fait place aux cheminées à la prussienne, les massives porcelaines de l'Orient à celles de Sèvres, et les candélabres et girandoles à des flambeaux de vermeil plus élégans et plus petits. C'était principalement chez les jeunes époux que cet amalgalme des temps anciens et modernes avait été adopté. Ils ne voulaient ni renoncer aux usages de leurs pères, ni se mettre en opposition avec ceux qui régnaient parmi les personnes de leur âge.

Le mobilier des châteaux était à peu près celui des hôtels de Paris et de ceux des grandes villes de provinces, avec quelques différences. Les salles, les chambres à coucher, les cheminées, les lits, y étaient d'une grandeur démesurée. Des tapisseries de laine en voilaient les murailles dans toutes les saisons. Au lieu de pendules, des horloges, enfermées dans des armoires, annonçaient les heures, et des garderobes de noyer, bien ciselées, étaient le meuble principal de la salle à manger et de la chambre à coucher. Tout était vieux dans le salon, auprès duquel, dans une petite pièce, étaient renfermés les fusils de chasse et autres armes du propriétaire. On voyait peu de livres

dans ce château, mais la cuisine y était bien fournie de tous les ustensiles, nécessaires à la cuisson du gibier et des autres viandes pour la table du seigneur.

AMEUBLEMENT DE LA HAUTE ET MOYENNE BOURGEOISIE ET DES GENS DE LA CAMPAGNE.

La haute bourgeoisie, composée des fermiers-généraux, banquiers et négocians, avait un ameublement qui, tenant de l'ancien et du moderne, réunissait la richesse massive à la richesse élégante. Dans un salon, et dans une chambre à coucher, on voyait les anciens boules toucher à regret les nouvelles ébénisteries du faubourg Saint-Antoine. Si dans l'antichambre les tapisseries conservaient leur place, elles l'avaient cédée dans le salon à un joli papier peint, de la fabrique d'Arthur. Une révolution complète s'annonçait dans la décoration mobilière des hôtels de la finance et des maisons bourgeoises. C'était surtout dans les boudoirs et les appartemens des femmes qu'elle se déclarait. Les cheminées et leurs ornemens n'y présentaient plus rien de grandiose; les gros et larges fauteuils avaient été congédiés; les tentures et les rideaux de damas jaune ou

cramoisi avaient été descendus, et le bleu céleste s'était adossé aux murs ou cloisons qu'ils avaient abandonnés. Peu à peu, une infinité de petits meubles, légèrement travaillés, qu'il serait trop long de nommer, entrèrent dans les lieux d'où les anciens avaient été chassés.

Les glaces jouèrent un grand rôle dans le nouvel emménagement, non pas des glaces entourées d'une large bordure ciselée et dorée, comme les immenses tableaux d'histoire, de chasse et de nature morte, mais des glaces assujetties et enfermées dans des baguettes dont la légère dorure n'attirait point les regards à leurs dépens. Dans les entre-deux de croisées, comme sur les cheminées, en un mot de quelque côté qu'elles voulussent se tourner, les dames pouvaient se considérer à loisir depuis les pieds jusqu'à la tête. Les appartemens des actrices et des femmes richement entretenues offraient, en général, tout ce que le luxe le plus recherché, tout ce que le génie de la volupté avaient pu imaginer pour le plaisir des yeux et des autres sens. En 1788, ce ne fut pas sans la plus vive admiration que nous visitâmes la petite maison de mademoiselle Dervieux, située rue Chantereine. Le mobilier de la chambre à coucher avait coûté plus de trente-six mille francs,

et le lit seul le tiers de cette somme. Les côtés, le plafond et le parquet du boudoir étaient garnis de glaces entre lesquelles il n'existait aucun intervalle. Sur les glaces du parquet de ce petit temple de Vénus, étaient étendus des oreillers qui servaient aux combats amoureux. Ainsi deux amans pouvaient, dans leurs embrassemens voluptueux, se considérer dans toutes leurs attitudes. Le concierge qui nous guidait, nous apprit qu'un seigneur de la plus haute qualité se rendait souvent dans ce sanctuaire pour y prendre ses ébats avec l'actrice.

Mademoiselle Dervieux et les autres nymphes des divers spectacles donnèrent le ton du bou doir aux jeunes femmes de qualité et aux bourgeoises des étages supérieurs, et, par conséquent, c'est principalement à elles et aux femmes entretenues que la France est redevable de l'art de meubler un appartement avec tout le goût et toute la commodité possibles. C'est par leur efficace influence que l'acajou et plusieurs autres bois moins précieux sont travaillés et façonnés en une infinité de manières, aussi agréables à la vue que favorables à tous les besoins, et même à tous les caprices. Si l'on veut se faire une idée des progrès de l'industrie dans ce genre, on doit consulter la collection

des figures de meubles de M. de La Mésangère, propriétaire et rédacteur du Journal des Modes.

L'art de meubler un appartement avec goût a gagné de proche en proche. Tel bourgeois un peu aisé, tel marchand qui fait bien ses affaires, mettent tous leurs soins à meubler leur logement avec autant d'élégance que leurs facultés le leur permettent. Il n'est pas rare de trouver dans leur chambre, outre la glace qui orne la cheminée, une jolie pendule devant cette glace, deux beaux flambeaux d'or moulu, la tenture de papier peint, la commode de bois d'acajou, à dessus de marbre blanc, et entourée d'une petite grille de cuivre dorée; un secrétaire du même bois; il n'est pas rare disonsnous encore, d'y voir un lit d'acajou, orné de symboles dorés, des porcelaines peintes de la manufacture de Sèvres, des bronzes de Ravrio, et un tapis d'Aubusson. Au fond de l'alcove, que des rideaux de taffetas défendent des rayons de l'astre du jour, une glaçe répète les décorations de la chambre, et sert à l'épouse pour le commencement de sa toilette, au moment où elle lève la tête de dessus son oreiller.

Au milieu d'une salle à manger, ornée de figures en stuc, et sur le mur de peintures analogues à sa destination, s'élève une table d'a

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