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triompher. Sans être opulent, il laissait à ses enfans une fortune qui les plaçait bien au-dessus du besoin. A peine avait-il rendu le dernier soupir, qu'une voix s'éleva au milieu de la nation, dont elle se croyait la fidèle interprète, pour faire adopter ses enfans par les nombreux admirateurs de son génie. A l'instant même, une souscription en leur faveur, annoncée par toutes les feuilles de l'indépendance, fut acceptée par plus de cinquante mille individus de la capitale et des provinces, et dans l'espace de quatre mois produisit près d'un million. Sans blâmer une telle largesse en faveur de la jeune famille d'un grand citoyen, nous ne pouvons nous empêcher de manifester une pensée qui nous est venue, ainsi qu'à un nombre considérable de personnes qui ne se laissent point aveugler par l'admiration ou par l'esprit de parti. Dirons-nous que l'acte extraordinaire de munificence dont nous parlons, était un de ces devoirs prescrits par les motifs les plus purs du patriotisme et de l'humanité? Ne s'y trouvait-il aucun désir de mortifier un ministère dont le général avait attaqué si fréquemment les opérations comme inconstitutionnelles et antinationales? Les enfans du général étaient infiniment moins à plaindre que nombre d'au

tres enfans dont les pères sont morts sur le champ de bataille, ou n'ont fait que végéter tristement pendant la paix avec une modique pension de retraite, qui s'est éteinte par leur trépas. Ce n'est donc qu'un motif purement politique, étranger à la justice et à l'humanité, qui a proposé, activé et complété cette grande souscription, destinée à des intérêts individuels, qu'on a voulu confondre avec les grands inté– rêts nationaux, et sous le prétexte d'une reconnaissance à laquelle d'excellens citoyens ne se sont pas crus obligés.

Les journaux nous informent de temps en temps de la perte que la patrie a faite d'un de ses vieux défenseurs civils ou militaires. Sans doute ce magistrat ou ce guerrier ne laisse pas toujours à ses fils une fortune qui les mette à l'abri du besoin; et souvent même nous apprenons que ces enfans n'ont à recueillir d'autre héritage que l'honneur de son nom et la mémoire de ses vertus. Pourquoi ne songe-t-on pas à proposer, dans cette circonstance, une souscription qui placerait son intéressante famille dans cette honorable médiocrité qui tient le juste milieu entre la richesse et l'indigence? Dans l'état actuel de nos mœurs publiques et privées, nul doute que ces largesses

patriotiques ne trouvassent un grand nombre d'approbateurs et d'individus empressés d'y concourir, avec d'autant moins de scrupule, qu'elles ne seraient sollicitées que par ces nobles motifs de l'humanité qui sont étrangers à toutes vues d'opposition et de contre-opposition.

Un incendie dévore l'établissement des frères Franconi, avec le café qui s'y trouve annexé : c'est un de ces désastres qui affectent profondément toutes les âmes sensibles. Toutes les feuilles publiques, ministérielles et indépendantes, implorent à l'envi la bienfaisance nationale en faveur de ces infortunées victimes: la famille royale donne, la première, l'exemple de cet acte d'humanité. Ces messieurs amusaient le public par leur habileté dans un art cher aux Français ; il a voulu leur tenir compte, dans cette affreuse circonstance, du plaisir qu'ils leur avaient donné. On a calculé, comme avec des chiffres, le dommage qu'ils ont éprouvé, et on la fixé approximativement à une somme à laquelle la bienveillance de leurs habitués et de leurs amis des autres théâtres a eu sans doute beaucoup de part. En général, ceux qui ont l'art d'amuser les autres peuvent compter, en cas de malheur, sur un nombre

plus ou moins considérable de souscripteurs. Cependant il arrive souvent que, dans ces désastres imprévus, des familles pauvres ou des individus isolés aient tout perdu. Si celui qui a toute la faveur du public est le seul nommé dans les souscriptions, et perçoit tous les dons de la bienfaisance, comment cette pauvre mère, chargée de plusieurs enfans, comment cet artiste qui n'a rien pu sauver des flammes, seront-ils secourus, indemnisés?

L'humanité, ce nous semble, et bien mieux encore cette charité chrétienne qui nous fait compatir à tous les maux des autres hommes, comme s'ils étaient les nôtres propres, devaient être l'unique motif des souscriptions. Un motif si pur animerait tous les cœurs, s'emparerait de toutes les opinions politiques pour les mettre de côté, et de tous les Français ferait autant de bienfaiteurs de tous les malheureux.

LA CONGREGATION.

QU'EST-CE que la congrégation dans le sens qu'on attache aujourd'hui à ce mot? Lorsque les jésuites existaient, des assemblées d'hommes avaient lieu tous les dimanches dans une

chapelle séparée de leurs églises. Ces réunions, qui se composaient quelquefois de cinq cents individus de tout âge, recevaient des instructions familières sur toutes les vérités de la religion, que de jeunes pères, qui s'exerçaient ainsi à la prédication, étaient chargés de leur donner. Ceux qui en faisaient partie se disaient membres de la congrégation, et lorsqu'ils sortaient de chez eux pour se rendre à l'assemblée : Nous allons, disaient-ils, à la congrégation. Il faut rendre aux jésuites le témoignage que jamais il ne se passa rien dans ces réunions qui pût exciter l'attention de la haute police, ni motiver les plaintes des pasteurs du premier et du second ordre.

Lorsque la compagnie de Jésus eut été supprimée par les parlemens, les congrégations éprouvèrent le même sort; mais ce nom se conserva dans les réunions d'écoliers qui, chaque dimanche et jour de fête, eurent lieu dans les églises de ceux de leurs colléges qui avaient été donnés à des ecclésiastiques séculiers. Les exercices religieux ne présentèrent plus alors le même caractère. Les écoliers pensionnaires et externes du collége récitaient d'abord l'office de la Vierge et entendaient la messe, lébrée par le principal, qui, après s'être dé

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