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& féminines qui fe fuivent, produit encore un effet défagréable à l'oreille, comme dans ces quatre Vers:

Et toutes les vertus dont s'éblouit la terre,

Ne font que faux brillans, & que morceaux de verre.

Un injufte guerrier, terreur de l'univers,

Qui fans fujet courant chez cent peuples divers. . . .

Des Stances.

Les rimes entremêlées s'emploient plus ordinairement dans les ftances qu'ailleurs.

On appele Stance, ou quelquefois Strophe, un certain nombre de Vers après lefquels le fens eit fini & complet.

Le nombre des Vers qui peuvent composer une ftance n'est pas fixe : mais il ne doit pas être moindre que de quatre, & communément il ne s'y en trouve guere plus de dix.

La mefure des Vers qui entrent dans une stance, n'est pas plus fixe que le nombre. Il peuvent être tous d'une même forte, c'est-à-dire avoir un même nombre de fyllabes, comme douze, dix, huit & fept; ou l'on peut y mêler diverfes fortes de Vers par raport au nombre des fyllabes, fans autre regle que le goût & la volonté du Poête: ce qui fait qu'en confiderant les ftances par le mélange des rimes, par le nombre des Vers, & par le nombre des fyllabes de chaque Vers, on peut les varier en une infinité de fortes, dont nous ne pourions déveloper les combinaisons, fans entrer dans des calculs immenfes, qui ne feroient d'aucune utilité au Lecteur, & ne manqueroient pas de l'ennuyer.

Une ftance n'eft proprement appelée Stance, que quand elle eft jointe à d'autres mais fi elle eft feule, elle emprunte ordinairement fon nom du nombre de Vers dont elle eft composée : en forte qu'on l'appele Quatrain, fi elle eft de quatre Vers; Sixain, fi elle est de fix; & quelque ois, en la confidérant par le fujet, on l'appele Épigramme ou Madrigal.

Ön donne fouvent le nom d'Ode à une fuite de stances sur un même fujet.

Quand les stances d'un même ouvrage ont un même nombre de Vers, un même mélange de rimes, & que le nombre des fyllabes de chaque Vers s'y trouve également diftribué, on les appele Stances régulieres.

Au lieu qu'elles font appelées irrégulieres, fi elles font différentes les unes des autres, ou par le nombre des Vers, ou par le mélange des rimes, ou par le nombre des fyllabes de chaque Vers.

Il est encore néceffaire, pour la perfection des ftances, que celles qui font faites fur un même fujet, commencent & finiffent par les mêmes rimes; c'est-à-dire, que fi la premiere ftance commence par une rime féminine, & finit par une rime mafculine, la feconde doit auffi commencer par une rime féminine, & finir par une rime mafculine, & ainfi des autres. D'où il arive que quand une stance commence & finit par

une

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une même rime, comme par une rime féminine, celle qui eft après commençant auffi par une rime féminine, il fe trouve deux différentes rimes de même espece à la fuite l'une de l'autre ce qui n'eft pas contraire à la regle que nous avons établie, pag. 846 & 847; parce que chaque ftance doit être confidérée séparément, & comme détachée de celle dont elle eft fuivie.

Le dernier Vers d'une stance ne doit jamais rimer avec le premier de la ftance fuivante.

Enfin c'est une regle indifpenfable que le fens finiffe avec le dernier Vers de chaque ftance: en quoi les ftances Françoifes font plus parfaites que les ftances Latines, où le fens eft très-fouvent continué de l'une à l'autre.

Les ftances confidérées par le nombre des Vers dont elles font formées, peuvent fe divifer en stances de nombre pair, & en ftances de nombre impair.

Les flances de nombre pair, font celles qui font composées de de fix, de huit, ou de dix Vers.

Les fiances de nombre impair, font celles qui font composées de cinq, de fept, ou, de neuf Vers.

Comme nous avons dit que le mélange de Vers, par raport au nombre des fyllabes, étoit arbitraire dans les ftances, les regles que nous allons donner pour chaque elpece de ftances, regarderont principalement le mélange des rimes.

REGLES POUR LES STANCES DE NOMBRE

PAIR.

I. Stances de quatre Vers.

Les rimes peuvent s'entremêler de deux manieres dans les ftances de quatre Vers ou dans les quatrains.

1. On fait rimer le premier Vers avec le troifieme, & le fecond avec le quatrieme, comme dans cette stance:

Combien avons-nous vu d'éloges unanimes,
Condamnés, démentis par un honteux retour!
Et combien de héros glorieux, magnanimes,
Oat vécu trop d'un jour!.

2. On fait rimer le premier avec le quatrieme, & le fecond avec le troifieme, comme dans cette ftance ;

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II. Stances de fix Vers.

La ftance de fix Vers, ou le fixain, n'est autre chose qu'un quatrain auquel on ajoute deux Vers d'une même rime.

:

Ces deux Vers d'une même rime le mettent pour l'ordinaire au commencement, & alors il doit y avoir un repos à la fin du troisieme Vers; c'est-à-dire, que le fens doit y finir de maniere que l'oreille puiffe s'y arrêter ce qui donne beaucoup d'harmonie aux ftances de fix Vers. Du refte on y entremêle les rimes des quatre derniers Vers comme dans les quatrains: ce qu'on reconoîtra dans les deux ftances fuivantes : Renonçons au ftérile apui

Des grands qu'on adore aujourd'hui :

Ne fondons point fur eux une espérance folle :
Leur pompe indigne de nos vœux,

N'eft qu'un fimulacre frivole,

Et les folides biens ne dépendent pas d'eux.

O Dieu! que ton pouvoir eft grand & redoutable !
Qui poura fe cacher au trait inévitable,

Dont tu poursuis l'impie au jour de ta fureur ?
A punir les méchans ta colere fidelle,

Fait marcher devant elle

La mort & la terreur.

Quelquefois les deux Vers de même rime fe mettent à la fin de la ftance alors le repos n'est pas néceffaire à la fin du troisieme Vers, & le mélange des rimes dans les quatre premiers Vers, eft le même que dans les quatre derniers des stances précédentes, comme dans celles-ci :

C

Seigneur, dans ton temple adorable
Quel mortel eft digne d'entrer ?
Qui poura, grand Dieu, pénétrer
Dans ce séjour impénétrable,

Où les faints inclinés, d'un ceil refpectueux,
Contemplent de ton front l'éclat majestueux ?

Seigneur, de qui je tiens la courone & la vie,
L'une & l'autre fans toi, par un fils inhumain
Me va bientôt être ravie :

Viens donc à mon fecours, prends ma défense en main :
Entends mes triftes cris, vois ma peine exceffive,
Et prête à ma priere une oreille attentive.

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Les ftances de huit Vers ne font ordinairement que deux quatrains joints enfemble, dans chacun defquels les Vers font entremêlés comme nous l'avons déja dit: le repos doit s'y trouver à la fin du premier quatrain, comme dans cette stance:

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Venez, nations arrogantes,
Peuples vains, & voifins jaloux,
Voir les merveilles éclatantes
Que fa main opere pour nous.
Que pouront vos ligues formées
Contre le bonheur de nos jours,
Quand le bras du Dieu des armées
S'armera pour notre secours?

On peut encore, dans les stances de huit Vers, aranger les rimes de maniere qu'elles commencent ou finiffent par deux Vers de même rime & que des fix Vers qui reftent, il y en ait trois fur une rime, & trois fur une autre ce qu'il est aisé de s'imaginer fans exemples.

IV. Stances de dix Vers.

Les ftances de dix Vers ne font proprement qu'un quatrain & un fixain joints ensemble, dans chacun defquels les rimes s'entremêlent comme nous venons de le dire.

Ce que ces ftances ont de particulier, & ce qui en fait l'harmonie, ce font deux repos, dont l'un doit être à la fin du quatrieme Vers, & l'autre à la fin du septieme, comme on le verra dans cette stance :

Montrez-nous, guerriers magnanimes,
Votre vertu dans tout fon jour:
Voyons comme vos cœurs fublimes
Du fort foutiendront le retour.
Tant que fa faveur vous feconde,
Vous êtes les maîtres du monde :
Votre gloire nous éblouit :
Mais au moindre revers funefte,
Le mafque tombe, l'homme refte;
Et le héros s'évanouit.

REGLES POUR LES STANCES DE NOMBRE

IMPAIR.

Ces ftances doivent nécessairement avoir trois Vers fur la même rime; & conformément à la regle que nous avons déja donnée, on ne doit jamais les mettre de fuite. Il faut ou qu'ils foient tous les trois séparés par des rimes différentes, ou qu'au moins il y en ait un séparé des deux

autres.

I. Stances de cinq Vers.

On n'observe dans ces ftances que les regles générales que nous avons données pour le mélange des times. Le refte est au choix du Poête. En voici un exemple:

PPPPP ij

Je tâche d'étoufer ces flammes crimineles,
Qui m'ont fait méprifer votre jufte courroux.
Je déclare la guerre à mes fens infideles,
Et veux les élever aux chofes éterneles :

Mais je ne puis, mon Dieu, les domter que par vous.
II. Stances de fept Vers.

Les ftances de fept Vers commencent par un quatrain à la fin duquel on obferve ordinairement que le fens foit fini, comme dans la fuivante : L'hypocrite en fraudes fertile,

Dès l'enfance eft paîtri de fard:
Il fait colorer avec art
Le fiel que fa bouche distile:
Et la morfure du ferpent

Eft moins aiguë & moins fubtile

Que le venin caché que fa langue répand.

III. Stances de neuf Vers.

La premiere partie de ces ftances eft un quatrain terminé par un repos; & la feconde partie eft une ftance de cinq Vers, comme dans celle-ci :

Homere adoucit mes moeurs

Par fes riantes images.
Seneque aigrit mes humeurs
Par fes preceptes fauvages.
En vain d'un ton de Rhéteur,
Epictete à fon lecteur,
Prêche le bonheur fuprême:
J'y trouve un confolateur
Plus affligé que moi-même.

De quelques Ouvrages composés de Stances.

Les principaux de ces ouvrages après l'Ode, font le Sonet & le Rondeau, dont il eft à propos de parler ici, parce que ce font de perites pieces de Poéfie qui font encore affez en ufage, & qui ont des regles particulieres.

Du Sonet.

Nous n'avons rien de plus beau dans notre Poéfie que le Sonet, quand il est bien exécuté. Les pensées doivent y être nobles & relevées, les expreffions vives & harmonieuses; & l'on n'y foufre rien qui n'ait un raport effentiel à ce qui en fait le fujet. Mais il est afsujéti à des regles fi gênantes, qu'il eft très-difficile d'y réuffir, & que nous en avons fort peu de bons.

Il eft composé de quatorze Vers toujours de la même longueur, &

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