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à la voyele précédente le fon nafal qu'on exprime en Latin & en Fran çois par la lettre N. Du refte les EN, comme les EM, vienent en François de la prépofition EN, qui dérive de la prépofition Latine IN, en forte qu'ici même nous retrouvons encore IN des Latins changé en EN, & nous voyons encore le même changement dans Incenfum, Encens; Infans, Enfant; Inferi, Enfers; Integer, Entier; Inter, Entre; Intrare, Entrer; Invidia, Envie. Mais on reprend l'i dans Infernal, Integre, Intégrité, & communément l'1 N des Latins se conserve en François : Incapacité, Incarnation, Incendie, Incertain, Incident, &c.

Mais ce qui eft plus difficile à distinguer, ce font nos terminaisons par. ANT & ENT. En général on peut obferver 1°, que tous nos participes au préfent actif fe terminent par ANT, foit qu'ils vienent du Latin ANS ou ENS. Ainfi comme on dit Aimant, du Latin Amans, on dit également, Tenant, du Latin Tenens ; & de même de Faciens, Faifant; de Sentiens, Sentant. 2°, Que les fubftantifs & les adverbes terminés en ENT, s'expriment ainfi tous par un E; quoique cet E y ait le fon nafal de l'A. 3°, Qu'on exprime de même par E, tous les fubftantifs en MENT qui vienent du Latin MENTUM, mais de maniere que cet E prend en François le fon de l'A: Firmamentum, Firmament; Monumentum, Monument, Veftimentum, Vêtement. 4°, Qu'on exprime de même par E tous les autres dérivés du François en MENT, quoiqu'ils ne vienent pas du Latin: Abaillement, Abandonement, Abatement, &c. toujours en donnant à cet E nafal le fon de l'A nafal Il reste donc à examiner comment on pouroit diftinguer les substantifs ou adjectifs en ANT ou ENT.

Lifte de noms fubftantifs ou adjectifs terminés en ANT ou ENT.

ANT.

Absorbant, Abforbens.

Convaincant, Convincens.

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Prédicant,

Suffocant, Suffocans.

Commençant, de Commencer.
Commerçant, de Commercer.
Perçant,

de Percer.

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On peut ici remarquer que ces noms en BANT, CANT, CANT; dérivent des participes, dont ils fuivent la forme en ANT, foit qu'ils vienent du Latin ANS ou ENS; au lieu que les noms en ENT, font des fubftantifs ou adjectifs, qui vienent du Latin ENS, ENTUM, ENTUS; ainfi ils confervent l'E de leur étymologie, quoique dans la prononciation on lui donne le fon de l'A.

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On voit encore ici que les noms en AN T vienent communément des participes, dont ils fuivent la forme; au lieu que les noms en ENT, font des fubftantifs ou adjectifs qui, venant du Latin E N s, confervent l'E de leur étymologie, quoiqu'on le prononce en A.

Je crois qu'il feroit inutile de pouffer ce détail plus loin: ces exemples peuvent fuffire pour montrer que dans ces deux terminaisons ANT & ENT, qui ont le même fon dans la prononciation, il n'y a que l'étymologie qui détermine pour l'A ou pour l'E: d'où l'on peut conclure que pour bien fuivre l'Orthographe, il faut au moins favoir la formation des noms François & leur dérivation des mots Latins.

Remarques fur les pluriels en ENT dans les Verbes.

La terminaison en ENT dans les Verbes demeure muete; mais de maniere que fi cette terminaison eft fuivie d'une voyele, on fait alors foner le T. Ainfi on prononce également, Il aime & ils aiment: mais on fait foner le T lorsqu'on dit, Ils aiment à chanter.

A l'imparfait la terminaison ENT demeure également muete; mais elle rend longue la diphthongue précédente qui eft breve au fingulier; & fi cette terminaison pluriele eft fuivie d'une voyele, on y fait foner le T: Il aimoit, ils aimoient : ils aimoient à chanter.

§. 4. De l'E ouvert ou muet dans les premieres fyllabes des mots.

L'E à la tête des mots fe prononce néceffairement: mais au lieu qu'à la fin des mots, lorsqu'il n'eft pas muet, il eft fermé, au commencement il est ouvert, & communément avec un fon foible: on trouve l'un &

l'autre dans ébarbé, ébauché, éboulé, &c. Lorfqu'il eft fuivi d'un doublement de confones, il forme fyllabe avec la premiere des deux, Eccléfiaftique, Effectif, Ellipfe, Emmanuel, Enneagone, Eppingen, Errata, Effence, Etternach. Il fe joint auffi avec l'une des deux confones fuivantes dans Ecdémique, Elbauf, Ergot, Efcalade, & beaucoup d'autres femblables, où il conferve le fon ouvert & foible. Mais il a le fon ouvert & fort dans étre, & il varie beaucoup dans ce verbe; car il commence de s'afoiblir dans Vous êtes; il eft foible dans J'étois, tu étois, il étoit ; nous étions, vous étiez, ils étoient: & il eft fermé au commencement comme à la fin dans J'ai été, j'avois été, &c.

Quand il eft précédé d'une ou deux confones, on le trouve également ouvert ou muet: l'ufage varie beaucoup fur cela: effayons de découvrir ce qui en décide.

Lifte de quelques mots où l'E, dans la premiere fyllabe, eft ouvert ou muet felon l'Académie.

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Dans ces exemples, on voit que l'E le prononce ouvert; 1o, dans les noms qui vienent du Latin, tels que Beat, Béatitude, Bénédiction

Bénéfice. 2°, dans ceux qui font empruntés du Grec, tels que Béchique; 3°, dans les noms propres, tels que Bérénice: & qu'il eft muet, 1°, dans ceux qui ne tirent leur origine ni du Latin, ni du Grec, tels que Belier, Beface, Befogne, Befoin; 2°, dans ceux qui, quoique dérivés du Latin ou du Grec, font devenus d'un grand ufage, tels que Benoit, Beril; 3, dans ceux qui font d'un ufage trivial, Bedaine, Belitre, Beficles. L'expérience confirme que c'eft en effet communément de l'ufage plus ou moins fréquent des mots que dépend le fon ouvert ou muét de l'e: enforte que le même mot fera prononcé avec un e muet par ceux qui fe fervent fréquemment de ce mot, tandis qu'il fera prononcé avec une ouvert par ceux qui font moins d'usage de ce mot tel eft le mot Beril, que l'Académie écrit fans accent, & que d'autres écrivent avec accent Béril, parce qu'ils le regardent comme d'un usage moins commun, & qu'il vient du Latin Beryllus.

Ce que nous venons d'obferver fur la fyllabe BE, est également applicable aux autres fyllabes composées d'une confone & d'une voyele: il faut feulement excepter les mots composés des particules DE & RE.

La particule DE, en compofition, prend l'accent aigre, & l'E s'y prononce ouvert, foit que ce DE viene du Latin, foit qu'il n'en viene pas: Exemples: Débácler, Déballer, Debander, Débarbouiller, Dibarder, Débarquer, Débaraffer, Debârer, Débáter, Débatre, Débaucher, Décacheter, Dédaigner, Défâcher, Dégager, Déháler, Déjeter, Délabrer, Démailloter, Dinater, Dépaqueter, Déraciner, Défabufer: ici il faut remarquer que la lettre S qui intervient pour éviter le conflict des deux voyeles, fe prononce comme Z; mais que fi le mot fuivant doit commencer par une S, on la double pour lui conferver fa force, & l'E s'apuiant alors fur cette premiere S, fe met fans accent, quoiqu'on le prononce ouvert, Deffaifir, Deffaler, Defsécher, &c. Ainfi le DE en compofition a toujours l'e ouvert.

Mais le RE, en compofition, varie : il a l'E tantôt ouvert, tantôt fermé, & tantôt muet. Essayons de découvrir d'où vient cette variété. L'E eft fermé avant les voyeles: Réation, Réaggrave, Réajourne ment, Reaffignation, Réédification, Réimpofition, Réimpreffion, Reintégrande, Reiteration, Réordination, Réunion.

La difficulté fe réduit donc aux cas très-fréquens de l'E fuivi d'uné confone. Voyons en quelques exemples.

Lifte de quelques mots où l'E de la particule RE fe prononce ouvert, ou demeure muet felon l'Académie.

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Reboucher, de Boucher. Rebraffer, de Braffer.

Rebroder, de Broder.
Recéler, de Céler.
Recenfer, de Cenfer.
Rechanger, de Changer.
Recharger, de Charger.
Rechaffer, de Chaffer.
Rechauffer, de Chauffer.
Rechercher, de Chercher.
Rechoir, de Choir.

Reclure, du Latin Recludere.
Recogner, de Cogner.
Recommander, de Commander.
Recompofer, de Compofer.
Recompter, de Compte.
Reconduire, de Conduire.
Reconoître, de Connoître.
Reconquérir, de Conquérir.
Recoquiller, de Coquille.
Recoudre, de Coudre.
Recouper, de Couper.
Recourber, de Courber.
Recourir, de Courir.
Recouvrer, du Latin Recuperare.
Recouvrir, de Couvrir.
Recroître, de Croître.
Recueillir, de Cueillir.
Recuire, de Cuire.
Reculer, de Culée.

tandis que son substantif aura l'E Réconduction, de Reconductio.

Réclamer, du Latin Reclamare.
Récolliger, du Latin Recolligere.
Récolter, du Latin Recolligere.
Récompenfer, du François Compenfer.
Réconcilier, du Latin Reconciliare.
Réconduction, du Lat. Reconductio.
Réconforter, du Latin Confortare.
Réconftitution, du Lat. Reconflitutio.
Réconvention, du Lat. Reconventio.
Récréer, du Latin Recreare.
Récrier, du François Écrier.
Récriminer, du Lat. Recriminare.
Récrire, du François Écrire.
Récupérer, du Latin Recuperare.
Récufer, du Latin Recufare.

Sans qu'il foit néceffaire d'aller plus loin, on voit 1, que le plus grand nombre des mots ainfi composés, prend l'E muet; 2°, que la plupart de ces mots qui ont l'E muet, dérivent immédiatement du François ; 3°, que ceux qui dérivent plus immédiatement du Latin, ont communément l'E ouvert comme en Latin; 4°, que quelques-uns de ceux qui ont l'E ainsi ouvert, vienent de certains mots François qui commencent par un E;5°, que quelquefois un verbe peut avoir PE muet, comme étant dérivé du François, Reconduire de Conduire, ouvert, comme étant dérivé du Latin,

Ainfi en deux mots, l'E ouvert, dans la particule RE, nous vient des Latins; l'E muet, dans cette particule, eft propre au François, & s'atache aux mots qui font dérivés plus particuliérement du François.

ARTICLE VI. De la Lettre F.

La lettre F conferve toujours au commencement des mots l'articulation qui lui eft propre, foit avant une voyele, foit avant une confone, telle que L & R. Ainfi on dit: Fáble, Féve, File, Fleuve, Force, France, Fuite.

Au millieu des mots les Latins doubloient cette lettre dans les composés, Afficere, Efficere, Sufficere: Delà eft venu en François, Affedion, Effectif, Suffire: mais dans les mots d'un fréquent ufage, on

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