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ne prononce point ce doublement: ainfi on dit Sufire, Sufifant; fi l'on. ne dit pas éfectif, au moins on dit Efet & éfets, lors même qu'en écrivant on conferve ce doublement, effet, effets, à caufe de rétymologie. On a admis ce doublement jusques dans les mots qui ne venoient pas du Latin, comme dans Affaire: mais ce mot eft devenu fi commun qu'on prononce Afaire; & pourquoi ne l'écriroit-on pas ainfi ? puifque dans ce mot le doublement n'eft apuié ni fur l'étymologie ni fur la prononciation.

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A la fin des mots la lettre F fe fait communément fentir: Bref, Chef, Fief, Grief, Nef, Relief, Cerf, Nerf, Serf, fignifiant efclave; Bauf, Euf, Neuf, Veuf, Actif, Canif, Datif, Efquif, If, Juif, Motif, Suif, Tarif. On le néglige cependant dans Clef, que l'on prononce Clé, même devant les voyeles; la clé à la main; ce qui pouroit donner lieu de l'écrire ainfi, fi l'on ne vouloit conferver dans Clef, le veftige de fon étymologie, tirée du Latin Clavis, dont on a changé I'V en F, & l'A en E.

Car la lettre Fayant affinité avec l'V confone, fe confond avec lui, de maniere qu'en François, du mafculin Neuf, fe forme le féminin Neuve; & du nom de nombre cardinal Neuf, le nom de nombre ordinal Neuvieme.

Autrefois on difoit Baillif, d'où s'eft formé le féminin Baillive: mais l'ufage a prévalu de dire Bailli fans F & delà, Bailliage. L'Académie s'eft déterminée pour Bailli fans F; mais dans l'impreffion de fon DiЯtionaire, on a laissé ce mot au rang que lui donnoit cette F, c'est-àdire, après Bailliage.

On a quelquefois voulu confondre la lettre Favec le Phi des Grecs; c'eft ainfi que quelques-uns ont écrit Filofophie & Fifique; mais c'eft trop s'écarter des étymologies, fur-tout lorfque rien n'y oblige; car rien n'empêche d'écrire Philofophie & Phyfique. De quelque maniere qu'on écrive ces mots, ils ont la même prononciation, & alors on doit préférer l'Orthographe fondée fur l'étymologie.

Par un abus tout opposé, on a quelquefois employé le Phi des Grecs dans des noms Barbares, qui n'ayant aucun raport aux Grecs, devroient être écrits par une fimple F. C'eft ainsi que l'on écrit Pharamond pour Faramond; & en Latin Arnulphus pour Arnulfus; d'où l'on a fait en François fucceffivement Arnoulf, Arnoul & Arnou. De même Marcul phus pour Marculfus, d'où en François, Marcoulf, Marcoul & Marcou. De même encore Theodulphus pour Theodulfus; d'où en François Thioulf, Thioul, Thiou.

ARTICLE VII. De la Lettre G.

Le G varie comme le C, avec lequel il a beaucoup d'affinité. De même le C fe prononce fort dans Calote, Colonne & Cuve, mais s'afoiblit dans Céfure, Ciment, Cycle: de même le G fe prononce fort dans Gabele, Gobelet, Guttural, s'afoiblit dans Gelée, Gibier, Gymnafe; c'est-à

dire, qu'avant ces trois voyeles, E, I, Y, il prend l'articulation de notre confone. Pour lui rendre avant l'E & l'I la prononciation forte, on infere un U entre ce G & la voyele: Guerre, Guichet. Il est peutêtre affez fingulier que nous ne mettions jamais cet U entre le G & l'Y, quoique felon l'étymologie il dût y être. Car felon la prononciation des Grecs, on devroit dire Guymnafe; parce qu'il eft formé du Latin Gymnafum, où le G fe prononce foible comme l' confone; nous avons imité les Latins, & nous avons écrit & prononcé Gymnafe. C'est ainsi que nous avons emprunté des Latins la maniere d'écrire & de prononcer la plupart des mots qui venant des Grecs, ont un G avant E, I, Y.

Lorsqu'on veut afoiblir le G avant les voyeles, A, O, U, on met un E entre le G & ces voyeles: Ainfi du Verbe Manger, fe forme au préfent, nous mangeons; à l'imparfait, je mangeois; au parfait, je mangeai: & du Verbe Gager, fe forme le fubftantif, Gageure, que l'on prononce Gajure, de même que je manjai, je manjois, nous manjons.

Le G conferve fon articulation forte avant les confones L & R : Glace & Grâce, & même avant la lettre N, au commencement des mots qui nous vienent des Grecs: Gnomon, Gnoftique.

Mais il s'afoiblit au milieu des mots avant cette confone M, à laquelle il donne une articulation mouillée, comme dans Agneau, Regne Signal.

Il conferve fon articulation forte avant la lettre H, foit au commencement des mots, foit au milieu, Ghisleri, Malpighi.

A la fin des mots, le G fe prononce dans les noms propres, Agag Doëg, Magog, Sarug: dans les mots communs & d'un fréquent ufage on ne le prononce pas; rang, fang, étang, long, se prononcent fans g: fi cependant ces mots, long, rang, fang, le trouvent fuivis d'une voyele, ou de la lettre H non afpirée, on y prononce le G, mais comme fi c'étoit un K; c'eft ainsi qu'on dit : Un fang épais; un rang élevé un long hiver. L'Académie obferve que même en ce cas on ne prononce point le G dans Etang.

Le G fe trouve fuivi d'un 7 dans le mot Vingt, & on ne prononce ni l'un ni l'autre devant les confones, Vingt perfones; vingt femmes: devant les voyeles & devant la lettre H non afpirée, on prononce le T, mais le G demeure muet: Vingt hommes; vingt animaux. On n'y conferve donc le G, qu'à caufe de l'étymologie de ce mot, qui vient du Latin Viginti, quoiqu'il fe foit éloigné de fa forme primitive.

ARTICLE VIII. De la Lettre H.

La lettre n'eft qu'une fimple aspiration, qui au commencement des mots conferve ou perd fa force dans notre Langue, felon que ces mots font plus ou moins ufités. On peut en juger par les exemples fuivans.

H afpirée.

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Haquet.
Harangue.
Haras.
Harceler.
Hardes.

Hardi.

Hareng.

Hargneux.

Habile.

Habiller.

Habit.

Habiter.

Habitude.

Hagiographe
Haleine.
Hameçon.
Harmonie.

Sans aller plus loin, on voit que la lettre H perd fon afpiration dans les mots les plus communs, tels que l'habileté, l'habit, l'habitation l'habitude, l'haleine, l'hameçon, l'harmonie ; & dans Hagiographe quoique moins ufité, l'afpiration fe perd; c'eft peut-être précisément parce qu'étant moins ufité, ceux qui fe fervent de ce mot, oublient, ou peut-être même ignorent, qu'il devroit conferver fon afpiration.

Si au contraire la lettre H confer. ve fon afpiration dans des mots fort ufités, tels que la Haie, la Haine, la Halle, le Hameau, le Haquet, le Hareng, c'est peut-être parce que ce font de petits mots, tels que Haie, Halle, ou parce qu'on les confondroit avec d'autres, comme Haîne avec Aine, ou parce qu'il en naîtroit une équivoque; car fi l'on difoit l'hameau, il fembleroit que la premiere fyllabe feroit l'arti cle d'un autre mot, tel que la Meau cette équivoque est réellement arivée dans quelques mots, tels que Apulia, qui devroit s'appeler l'Apouille, & qu'on nomme la Pouille.

Haricot.

Harnois.

Haro.

Harpe.

Harpie.

Harpon.

Ön évite donc cette équivoque dans les noms commençans par H, en confervant l'aspiration, le Hameau, la Haquenée, & autres femblables.

Il n'eft guere poffible de donner d'autres raifons de la différence qui fe trouve entre les mots qui confervent l'afpiration & ceux qui la perdent. L'Académie observe que la lettre H ne s'afpire point au commence

f

ment de la plupart des mots qui vienent du Latin, & qui dans le Latin ont une H initiale, comme Habile, habituel, hébété, hérédité, héritier, heure, hiftoire, homme, honéte, honeur, humain, humble, &c. Mais elle avoue qu'il faut en excepter, Haleter, hargne, harpie, hennir, hergne, héros, &c. en forte qu'on ne peut rendre raifon de cette exception, qu'en difant que la plupart de ces derniers mots font moins ufités que les premiers. Quant au mot héros, qui eft le plus fréquent de ces derniers, il y en a une raffon particuliere; c'eft qu'au pluriel on confondroit les héros avec les géros: & ce motif eft d'autant plus vraisemblable, qu'en effet au féminin héroïne, & dans l'adjectif héroïque, où cette facheufe équivoque ne peut plus avoir lieu, on néglige l'aspiration; en forte qu'on dit le héros & l'héroïne, & l'héroïque conftance.

L'Académie ajoute que la lettre H n'a aucun fon dans certains mots François, qui prenent ce caractere, quoiqu'il ne foit pas dans le Latin d'où ils vienent: Ainfi elle ne fe prononce point dans ces mots Huile Huis, Huiffier, Huitre, &c. D'où l'on pouroit conclure que ce n'est point l'étymologie Latine qui détermine l'ufage de cette lettre en François, puifque nous la mettons à des mots où les Latins ne la mettent point, & que nous ne la prononçons pas dans des mots où ils la mettent.

L'Académie observe encore, qu'au contraire, la lettre H s'aspire dans les autres mots qui vienent des mots Latins fans H, comme dans ces mots, Hache, Haut, Heriffon, Huit, Hupe. Ce qui montre encore que ce n'eft point le Latin qui en décide.

Enfin l'Académie ajoute que dans tous les mots qui ne vienent point du Latin, la lettre H au commencement s'afpire, comme dans Habler, haie, haïr, hâle, hallebarde, hanap, hanche, hanter, haper, harangue, hardi, haricot, hazard, háter, hâtif, honte, &c. Ce qui acheve de montrer que ce n'est point du Latin que nous avons pris cette afpiration, puifque nous la donnons à nombre de mots qui n'en vienent point, & qu'au contraire nous l'ôtons à ceux à qui ils l'avoient donnée.

Čette afpiration paroît donc avoir été originairement plus Françoise que Latine; & il eft vraisemblable que nos Ancêtres la faifoient fentir dans la plupart des mots où elle s'est éteinte; delà vient fans doute qu'on la trouve au commencement de tant de mots où elle ne fe prononce pas, & où cependant l'étymologie Latine ne la mettoit pas : car puifque les Latins ne l'y mettoient pas, ce font donc nos peres qui l'y ont mife; & fi elle s'y est éteinte comme dans beaucoup d'autres où les Latins la mettoient, c'est que notre Langue s'eft adoucie. En donnant dans ce Dictionaire, fous la lettre H, tous les mots commençans par cette lettre, on aura foin de diftinguer ceux où cette lettre s'afpire; & pour cela ils feront précédés de ces deux virgules réunies (») qui forment ce que les Imprimeurs appelent un guillemet.

Mais il faut obferver qu'il y a encore aujourd'hui des mots fur lesquels l'ufage eft partagé : le peuple dit du fromage d'Hollande, & dans le ftyle familier on dit auffi le regne d'Henri IV, tandis que ceux qui parlent & écrivent correctement, difent & écrivent, le regne de Henri W,

& du fromage de Hollande. Sur quoi il faut encore remarquer que le nom de Henri, en Latin Henricus, vient de Eric & Erric, qui fe trouve dans les Langues du Nord, & auquel nos peres ont ajouté ou du moins ex primé cette afpiration en écrivant Hericus, Herricus, d'où Henricussi

Nos peres aimoient tellement cette afpiration, qu'ils l'ajoutoient non feulement à la tête des mots commençant par des voyeles, mais même avant la lettre L: Ainfi ils écrivoient Hlodoveus pour Chlodoveus, & Hlotharius pour Chlotharius, d'où s'eft formé enfuite Lotharius, de même que de Chlodoveus ou Chlodvicus, s'eft formé Lodoicus & Lu

dovicus.

Les mots Grecs commençant par un Y prenent tous la lettre H, parce qu'en Grec ils font tous afpirés: mais la plupart fe prononcent fans afpiration en François, quoiqu'on y conferve cette lettre pour marquer leur étymologie. On écrit donc Hyacinthe, Hydraulique, Hygrometre, Hyperbole, Hypocrifie, Hystérique; quoique l'on prononce tous ces mots fans afpiration. L'afpiration que les Grecs mettoient au commencement de ces mots, & que nos peres ont ajoutée à beaucoup d'autres, eft devenue trèsrare au milieu: on la trouve dans Ahaner, Aheurter, Ahurir, Déháler, Déhanché, Déharnaché, Dehors, Rehacher, Rehanter, Rehazar der, Rehauffer, Rehearter. Il est remarquable que fi l'on excepte Ahaner, dérivé de Ahan, tous les autres n'ont l'afpiration que parce qu'elle vient du primitif dont ils font composés. Delà vient que lorsqu'elle eft éteinte dans le primitif, elle l'eft également dans le composé: ainfi quoique l'on écrive Habiliter, & Réhabiliter; Habituer, & Réhabituer, on les prononce fans afpiration.

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Le CH nous vient du Chi des Grecs, qui fe prononce Ki: & nous confervons cette prononciation, dure & afpirée dans Chalcédoine, Cherfonefe, Chiliafte, Chorévéque, Chufiftan, Chylofe. Mais nous avons adouci cette articulation, de maniere que nous en avons fait une qui nous eft propre, c'est-à-dire, que nous ne tenons ni des Latins ni des Grecs: c'eft ainfi que nous difons Chaleur, Chemin, Chimere, Chofe, Chute, Chyle. C'est ce que les Anglois expriment par SH dans Sheling & Sherif, qui fe prononcent Scheling ou Cheling, & Schérif ou Chérif. Il paroît que c'eft auffi ce que les Hébreux exprimoient par la lettre Shin, que l'on prononce Schin, en forte que cette articulation paroît nous être venue des Orientaux par les peuples du Nord. Cette articulation nous est devenue fi familiere que nous y avons affujéti les mots mêmes qui nous vienent du Chi des Grecs, comme on le voit dans le mot Chimere, qui fe prononce en Latin même Chimera; en forte qu'il n'y a que l'ufage qui puiffe apprendre quels font les mots où l'on doit conferver la prononciation rude & afpirée des Grecs & des Latins: ou plutôt ce qui en décide, c'eft l'ufage plus ou moins fréquent; en forte que, quoique l'on dife tout communément Archevêque, en adouciffant le CH, cependant on lui conferve fon articulation rude dans Archiepifcopal, que l'on prononce Arkiépiscopal, comme étant plus rare,`

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