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& dérivé plus immédiatement du Latin. Ainfi on dit Chyle avec articulation adoucie, & Chylofe avec articulation forte, quoique ces deux mots ayent la même origine. La différence vient de ce que l'un eft beaucoup plus ufité que l'autre.

r. L'habitude d'adoucir cette articulation fait que l'on n'ofe prefque plus conferver la lettre H dans les mots où l'étymologie l'exige: delà vient qu'au lieu de Méchanique & Métempfychofe, on trouve aujourd'hui quel quefois Mécanique & Metempsycofe: mais c'eft défigurer les mots que de leur âter ainfi le refte de leur étymologie. L'équivoque de la lettre H dans ces mots ne peut tromper les Savans, puifqu'ils favent comment on doit les prononcer; & ceux même qui font moins inftruits, peuvent du moins l'apprendre par l'ufage. S'il leur arivoit de prononcer mal ces mots, on les en reprendroit bientôt, & ils fauroient ainfi bientôt comment ils doivent les prononcer. Il n'y a donc aucun risque à craindre en confervant à ces mots les restes de leur étymologie.

Le PH nous vient également du Phi des Grecs, & ne doit être employé que dans les noms dont l'origine eft prise du Grec ou des Langues Orientales, d'où les Grecs l'avoient reçu: Pharaon, Phalange, Phénix, Philofophie, Phofphore, Phyfique. C'eft abufivement qu'on met ce PH pour F, dans des noms qui ne font point Grecs: comme Pharamond pour Faramond, & autres dont nous avons parlé en traitant de la lettre F.

Les Grecs afpiroient la lettre Rau commencement des mots; c'est pourquoi les mots commençans par R prenent une H lorfqu'ils vienent du Grec: Rhadamanthe, Rhétorique, Rhinoceros, Rhomboïde, Rhu matifme, Rhythme. Mais en pronançant ces mots, on n'y fait point fentir cette afpiration.

Les Grecs afpirent encore cette lettre au milieu des mots, lorfqu'elle y eft doublée ; delà vienent en François Hémorrhagie, Hémorrhoides, Hemorrhoiffe. Mais on prononce encore ces mots fans afpiration.

Le TH nous vient du Théta des Grecs, du moins les noms dont l'origine, eft prife du Grec: Thalie, Théâtre, Thorax, Thym: Mais il eft entré dans plufieurs noms qui nous font venus du Nord: de Theobaldus, Thibaut; de Theodoricus, Thierri; de Theonis ou Theodonis villa, Thionville; de Theodulphus, Thioulf, Thioul, Thiou. On doit écrire fans afpiration le nom de la ville de Tarfe, en Cilicie, parce qu'en Latin on l'écrit fans aspiration, Tarfus: mais on doit écrire avec afpiration, le nom de Tharfis, plusieurs fois répété dans la Bible, parce qu'en Latin il s'écrit avec afpiration, Tharfis ; & qu'en Hébreu on l'écrit par un Thau. Sur quoi il faut remarquer que, quoique le Thau des Hébreux femble répondre au Tau des Grecs, & le Teth des uns au Théta: des autres, cependant dans l'usage commun l'afpiration eft pafsée du Thau des Hébreux au Théta des Grecs, en forte que le Tau des Grecs fans afpiration, répond au Teth des Hébreux; on le voit particuliérement dans le nom de Tobie, qui s'écrit en Hébreu par un Teth, & en Grec par un Tau; tandis que le nom de Tharfis s'écrit en Hébreu par

un Tau, & en Grec par un Théta. Delà vient que felon l'ufage commun on doit écrire Japheth, avec afpiration à la fin, parce qu'on l'écrit en Hébreu par un Thau, & en Grec par un Thêta. Au contraire, felon l'ufage commun, on doit écrire Lot, fans afpiration, parce qu'on l'écrit en Hébreu par un Teth, & en Grec par un Tau.

Ces articulations afpirées, CH, PH & TH, fe joignent non feulement aux voyeles, mais encore à quelques confones, fur-tout aux liquides: Chloris, Chrême, Christ, Chronologie: Chryfolithe: Phlegme, Phrafe, Phrénéfie; Thlafpi & Thrône; car ce mot a l'afpiration en Latin, Thronus. Sur quoi il faut remarquer que les Grecs aiment à joindre deux de ces articulations afpirées; on le voit dans Autochthone Erichtho; & particuliérement dans Phthifie: car ce mot a les deux afpirations en Latin, Phthifis. Mais on écrit avec une feule afpiration Ecthefe, parce que c'eft ainfi qu'on l'écrit en Latin Ecthefis. Il faut auffi remarquer qu'on ne double point ces afpirations: au lieu de les doubler, on met en Latin la lettre fimple, avant celle qui eft afpirée : Sapphirus': en François on ne conferve que l'afpirée, Saphir. En général c'est par les étymologies que l'on peut juger des mots où ces afpirations doivent entrer & de la place qu'elles doivent y occuper.

La lettre H pouroit fe trouver après les voyeles à la fin de quelques noms propres, fur-tout lorfqu'ils vienent de l'Hébreu, où plufieurs font ainfi terminés par la lettre Hé, qui eft une afpiration: Ainfi on pouroit écrire, JEHOVAH, ALLELU-I AH, où mieux encore HALLELU-IA H. Mais l'ufage eft de fupprimer ces afpirations foibles: on écrit ALLELUIA & JEHOVA..

ARTICLE IX. De la Lettre I.

Le fon de la voyele I varie très-peu : il eft long, ou bref, ou nafal. Communément il eft bref; mais il devient long lorfqu'il eft fuivi d'un E muet, comme on peut le remarquer dans les terminaifons fuivantes :

Iɛ, long dans Arabie, Pharmacie, Maladie, Boufie, Bougie: Il prie, il étudie, il facrific. Mais il devient bref lorfque l'e ceffe d'être muet, comme dans prier, étudier, facrifier: prié, étudié, facrifié. IDRE, long dans Cidre.

IGE, long dans Litige, Prodige, Tige.

ILE, long dans Ile, Presqu'ile, Huile, Tuile.

IME, long dans Cime.

IRE, long dans Sire, Empire.

ISE, long dans Remife, Reprife, Surprife.

J

ITE, long dans Gite, Benite, & jusques dans Vite, quoiqu'il marque la Vueffe, où il devient bref.

ITRE, long dans Epitre, Ruitre, Regitre.

IVE, long dans Captive, Juive, Tardive.

IVRE, long dans le fubftantif Vivre il s'alonge dans le verbe

Vivre.

Il eft douteux ou même réputé bref dans les terminaisons qui fuiveng : IBE, Caraïbe, Scribe.

IBLE, Bible, Crible.

IBRE, Libre, Calibre, Equilibre: mais cependant long dans Fibres.
ICE, Avarice, Bénéfice, Calice, Cilice, Vice.
ICLE, Article, Sicle.

ICTE, Vindicte.

IDE, Aride, Avide, Bride, Fluide.

IFE, Grife, Pontife.

IFLE, Sifle.

IFRE, Chifre, Fifre.
IGLE, Bigle.

IG ME, Enigme.

IGNE, Benigne, Digne, Ligne.

IGRE, Tigre, & autres femblables; en forte qu'il ne feroit pas facile de déterminer pourquoi cet I eft long dans les autres terminaisons, tandis qu'il eft bref ou douteux dans celle-ci.

L' eft long au m lieu des mots avant l'e muet, que l'on peut même fupprimer en mettant un circonflexe fur l'i. Ainfi on écrivoit autrefois Remerciement aujourd'hui l'Académie écrit Remercîment, comme on le prononce. Mais la prononciation même exige que l'e foit confervé dans Licentiement, pour adoucir la terminaison ent, forte dans ti, foible

dans tie.

L'I eft bref avant l'E ouvert ou fermé, & avant les autres voyeles, Piece, Piege, Diable, Dien, Fiole, Reliure. Mais il eft long dans les noms dérivés de l'Hébreu en IAS, Ananias, Azarias, Ézéchias, Helcias, Jofias.

Il s'éclipfe après les voyeles A, E, & ne fert qu'à en afoiblir le son, comme dans Plaine & Pleine, qui fe prononcent fans aucune différence & fans que l'on puiffe y diftinguer l'1 d'avec l'A ou l'E, ni l'A d'avec l'E

Il a le même effet après l'O dans certaines perfones des verbes : J'aimois, tu aimois, il aimoit; nous aimions, vous aimiez, ils aimoient. On n'y diftingue point l'1 d'avec l'O: on n'y reconoît pas même le fon de l'O; mais des deux fons réunis, il fe forme un fon commun qui tient de l'E plus ou moins ouvert, c'est-à-dire, plus ouvert dans J'aimois tu aimois, ils aimoient; moins dans il aimoit.

Il tient auffi de l'E plus ou moins ouvert dans Boisson & Boire: mais dans l'un & l'autre, on diftingue l'O.

On diftingue de même l'U d'avec l'I dans nuire & nuifible: mais l'I eft long dans le premier, & bref dans le fecond: long dans le premier, parce qu'il y eft fuivi d'un E muet; bref dans le second, parce que le mot s'alonge.

L'I devient nafal en s'uniffant avec M ou N, dans Imbécille, Impérieux; Incapable, Incertain, Indifcret, Infini, Ingénu, Ingrat, Injufte, Inquiet, Infatiable, Intelligent, Invariable. Mais il reprend le fon qui lui eft propre dans Immaculé, Innombrable, Inaccessible, Inefti mable, Inimitable, Inopiné, Inufué.

L'I vulgaire fe confondoit autrefois avec l'Y au commencement & å la fin des mots, de maniere qu'encore aujourd'hui on écrit, Yeufe, Yeux, Yves, Yvoire, Yvraie, Yvre, Yvreffe, Yvrogne, de même qu'autrefois on écrivoit, Foy, Loy, Roy, Moy, Toy, Soy. On a très-bien réfor¬ mé tous ces faux Y de la fin des mots : & pourquoi donc les conferveroit-on encore au commencement? Puifque nous écrivons Foi, Loi Roi, Moi, Toi, Soi, écrivons donc auffi Ieufe, leux, Ives, Ivoire, Ivraie, Ivre, Ivreffe, Ivrogne.

Lorsqu'on veut séparer l'I d'avec la voyele qui le précede, on met deffus, les deux points que l'on nomme le tréma. Ainfi on écrit Ifaïe Séméï, Eloï. Sur quoi il faut obferver que le tréma n'eft pas néceffaire dans Séméi, parce que l'accent aigu fur l'E, montre affez qu'on le sépare d'avec l'I: ainfi on peut très-bien écrire Obéir & Obéiffance fans tréma. Mais c'eft abufivement que l'on met le tréma en Latin, parce que dans cette Langue l'I eft toujours séparé de la voyele qui le précede; ainfi on doit écrire en Latin Ifaias, fans tréma, & en François Ifaïe, avec

tréma.

Mais on fe méprend fort lorsqu'on met l'I tréma à la place de l'r dans Moïfe: c'est défigurer & corrompre ce nom, qui vient du Grec, & du Latin Moyfes. C'eft encore abufer de l'I tréma, que de le mettre dans Païs, qui alors fembleroit devoir être prononcé pa-ïs, au lieu qu'on doit prononcer pai-is; & c'eft ce que l'ufage exprime par l'Y, Pays, qui alors vaut deux I, comme dans Payfan. Mais on doit écrire Paien, avec l'I tréma, parce qu'on doit prononcer pa-ien. Nous reviendrons fur ces derniers objets en parlant de l'Y.

ARTICLE X. De la Lettre J.

Les deux lettres I voyele & J confone, étoient autrefois deux cara&teres que l'on confondoit dans l'écriture & dans l'impreffion; delà vien que pendant fi long-temps, on n'a compté qu'un feul I dans notre Alphabet de vingt-trois lettres, où l'on confondoit de même nos deux U Mais enfin l'Académie, dans la derniere édition de fon Dictionaire nous a donné un Alphabet de vingt-cinq lettres, en diftinguant les deux I & les deux U.

Ces deux I, en effet, font non feulement deux caracteres d'une même lettre, mais deux lettres effentiélement différentes, puifque l'une eft voyele, & l'autre confone: mais ce qui a donné lieu de les con fondre, c'eft que l'une vient de l'autre, comme on le voit par le vieux mot Hierufalem; car c'eft bien ainfi qu'on doit l'écrire felon fon étymologie; mais infenfiblement on lui a fait perdre fon afpiration en écri vant & prononçant Ierufalem, avec un I voyele, & delà par corruption Jerufalem, avec un J confone. C'eft ce qui eft également arivé au mot Hieronymus; d'où l'on a fait fucceffivement en François Hie rôme, Iérôme, Jerôme. De même encore du faint nom de notre Sauveur Iefus, par I voyele, felon fon étymologie, on a fait Jefus, par J confone, en Latin comme en François.

L'articulation de l'J confone eft invariable: on prononce Jacob; Jefus, Jofeph, Juda. Il ne feroit pas impoffible de joindre l'I confone avec l'I voyele; mais les exemples en font très-rares, fi ce n'est dans ces mots : J'irai, j'imiterai, j'irriterai.

Cette confone ne fe confond avec aucune autre : elle a cependant la même articulation que le G devant les voyeles E, I: on prononce Jéfus & Gédéon, fans aucune différence; mais l'étymologie de ces noms veut que l'un foit écrit par J confone, & l'autre par G; cela ne fe confond point.

L'J confone au milieu des mots ne s'y double jamais, non pas même en compofition. On ne s'eft point avisé d'écrire ni de prononcer ajjourner ni rajjeunir mais on prononce & on écrit rajeunir & ajourner.

Jamais cette lettre ne fe trouve à la fin des mots; ce qui vraifemblablement vient de ce qu'elle tire fon origine des diphthongues Ia Ie, lo, Iu, d'où on a fait Ja, Je, Jo, Ju. Sur quoi il eft à remarquer que dans quelques livres, au lieu d'Alleluia, on trouve Alleluja ou Alleluya ce font deux défauts que l'on doit éviter, parce que dans ce mot on ne doit prononcer qu'un feul I, & que felon son étymologie, il doit y être prononcé comme voyele; car ce mot vient de l'Hébreu Allelu-la, où mieux encore Hallelou-lah, qui fignifie Laudate Deum.

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ARTICLE XI. De la Lettre K.

La lettre K, qui nous vient du Kappa des Grecs, s'eft tellement confondue avec le C, qu'elle lui a cédé la place dans les mots vulgaires. Ainfi, quoique, felon l'étymologie, on dût écrire en Latin Kalenda, Kalendarium, on écrit aujourd'hui en Latin même, Calenda, Calendarium; d'où en François, Calendes & Calendrier.

Ainfi le K n'eft resté que dans quelques noms propres, Stokholm, Yorck, &c. & dans quelques mots tirés des Langues étrangeres, tels que du Grec, Kyrie, d'où en ftyle familier Kyriele, & en termes d'Anatomie, Kyfte & Kyfliotome,

ARTICLE XII. De la Lettre L.

La lettre Z au commencement des mots a toujours la prononciation qui lui eft propre: Lacet, Légion, Livre, Loge, Luftre, Lyre.

Mais au milieu des mots & à la fin, cette lettre précédée d'un I, prend fouvent une articulation adoucie & composée, telle que dans péril, d'où périlleufe; travail, d'où travailler; réveil, d'où réveiller; recueil, que l'on prononce receuil, d'où recueillir, que l'on prononce recæuillir; genouil, que l'on prononce genou, mais d'où fe forme s'age nouiller. On prononce de même Fille, Quille, Vrille, Briller, Ciller, Driller, Etriller, Fretiller, Griller.

La lettre L conferve cependant fon articulation propre, dans Fil morfil, profil; vil, civil, viril, volatil, ainsi que dans Achille, imbécille,

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