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bécille, mille, pupille, tranquille, ville, illuftre, illicite. On ne mouille point la lettre Ĺ dans mil, nom de nombre; mais on la mouilie dans mil pris au fens de millet, où on la mouille auffi.

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La lettre L, dans la terminaifon des adjectifs, eft quelquefois fuivie d'un E muet dans le mafculin même, mais toujours dans le féminin, où quelquefois elle fe double. L'ufage varie finguliérement fur cela, ainfi que fur le changement de l'A en E avant cette L. Ainfi de Generalis, forme au mafculin Général, au féminin Générale ; mais d'Univerfalis, se forme au masculin Univerfel, au féminin Univerfelle. De Crudelis, on a formé au mafculin Cruel, au féminin Cruelle: mais de Fidelis, on a fait au mafculin Fidele, au féminin Fidelle; fans qu'il y ait néanmoins aucune différence de prononciation entre ce mafculin Fidele, & le féminin Fidelle. De Civilis, on a dérivé au mafculin Civil, au féminin Civile; mais d'Utilis, on a pris au mafculin Utile, au féminin Utile, fans aucune différence. De Mollis, on a fait au mafculin Mol, que l'on prononce mou, & au féininin on dit Molle. Ces deux L peuvent être ici confervées à cause de l'étymologie: mais à quoi fervent-elles dans le féminin Fidelle & Univerfelle? Puifque de Generalis, on a fait Général au mafculin, Générale au féminin; de Civilis, au masculin Civil, au féminin, Civile fans aucun doublement; ne feroit-il pas naturel d'écrire de même au masculin Fidel & Util, fans E, & au féminin, Fidele, Cruele, Univerfele, fans doublement ? Cela devient même d'autant plus néceffaire, que le doublement ne peut avoir lieu dans les adverbes dérivés de ces féminins: Car on prononce fans aucun doublement, Généralement, Universélement, Cruelement, Fidélement, Civilement, Utilement, De ces fix adverbes il n'y en a même que trois où le doublement fe foit glifsé, Univerfellement, Cruellement, Fidellement. Mais il est évident que cela eft contraire tout à la fois à l'étymologie, & à la prononciation, puisqu'en Latin ces mots n'ont qu'une feule L, & qu'en François on n'en prononce qu'une. On prononce Fidélement comme Fidélité: il eft donc conforme à la prononciation comme à l'étymologie d'écrire l'un comme l'autre, c'est-à-dire, tous les deux avec une feule L.

La lettre L s'éclipfe totalement après l'I, à la fin de plufieurs mots qui font devenus d'un ufage fort commun; ainfi on ne la prononce point dans Baril, Fufil, Gentil, Outil, Perfil, Sourcil.

On vient de voir qu'elle fe change en U dans Mol, que l'on prononce Mou; il en eft de même de Col, Fol, Licol, que l'on prononce Cou, Fou, Licou. L'Académie préfere même d'écrire Cou, comme on le prononce, en observant feulement que dans certains fens moins communs on doit écrire & prononcer Col, comme Un col de chemife; le col de la Veffie; un col de montagnes. De même eile obferve qu'on écrit ordinairement Fou, excepté lorsque ce mot étant adjectif fe trouve suivi d'un fubftantif qui commence par une voyele: ainfi on dit Un fol amour; un fol entêtement: mais on dit Un fou serieux; un fou trifte. C'est ainfi qu'on dit Un bel homme, & un beau vifage, tandis qu'au féminin on dit également Une belle femme; une belle étoile. On prononce Sol en

g

note de Mufique & au fens de terroir, mais en terme de monoie, on prononce Sou, & l'Académie l'écrit ainsi.

On demandera peut-être pourquoi doubler la lettre L. dans Belle & Folle; cela vient de l'ancien usage, que l'on n'a point encore réformé dans ces petits mots, parce que le moindre changement que l'on y puiffe faire, femble déplaire à l'œil, qui eft acoutumé à y voir ce doublement, au lieu que cette réforme devient prefque infenfible dans les mots plus étendus & analogues à d'autres où ce doublement n'a pas lieu. Ainfi quoique l'on continue d'écrire Belle & Folle, rien n'empêche qu'on n'écrive Fidele pour les deux genres, & Fidelement comme Fidélité, & Folement comme Folie.

On écrivoit autrefois Appeller, parce qu'il vient du Latin Appellare: mais l'Académie, en fe raprochant de la prononciation, écrit Appeler, Appelant, Appelé. Elle ne conferve les deux L dans ce verbe, que devant l'E muet, c'est-à-dire, qu'au préfent elle écrit, J'appelle, tu appel les, il appelle, nous appellons, vous appellez, ils appellent: au futur J'appellerai, & au conditionel J'appellerois. Du refte elle écrit J'appelois; J'appelai; Que j'appelaffe; en forte que la réforme de l'Ortho graphe, par l'Académie même, a fait naître dans ce verbe une variété d'Orthographe qui au reste n'est qu'une invitation à revenir à l'uniformité, en achevant de fupprimer de ce mot ce doublement qui ne s'y prononce fous aucune forme. L'accent aigu peut fuffire dans J'appélerai & j'appélerois; & il n'eft pas même néceffaire dans J'appele avec une feule L, parce que l'E pénultieme, fuivi d'un E muet, fe prononce toujours fans avoir befoin d'accent. Alors ce verbe fe conjugue fans aucune irrégularité. J'appele; J'appelois; J'appelai; J'appélerai; J'appélerois, Que j'appele; Que j'appelaffe; Appeler, Appelant, Appelé. Cependant on continuera d'écrire, à l'exemple de l'Académie, Appellatif & Appellation avec deux L, parce que non feulement elles y font en Latin, mais que même en François on les y prononce.

De même du Latin Cancellarius, on a fait Chancellier & Chancellerie: mais aujourd'hui on prononce Chancelier & Chancélerie; & l'analogie demande qu'on écrive l'un comme l'autre, c'est-à-dire, tous les deux avec une feule L. Du Latin Candela, on a fait en François Chandelle & Chandellier : mais on prononce Chandele & Chandelier; & l'analogie demande qu'on l'écrive ainfi, puisque même en l'écrivant ainfi on fe rapproche de l'étymologie, qui n'y met qu'une feule L. Du Latin Caftellum, on a fait en François Châtel, Chatellain, Châtellenie: mais aujourd'hui on prononce Château, Châtelain, Châtélenie : & l'analogie veut qu'on l'écrive ainfi, en ne mettant dans ces deux derniers mots qu'une feule L, puifqu'on n'y en prononce qu'une, & que dans le premier des deux, l'E devient même muet, & par-là incapable de foufrir le doublement de la confone qui le suit.

Il y a encore d'autres noms d'où l'ufage a retranché la lettre L, quoi qu'elle y fût admife autrefois, & même autorisée par l'étymologie. Ainfi des mots Alnus & Ulna, on a fait Aulne, arbre & mesure, &

aujourd'hui Aune: de Falco, on a fait Faulcon, & aujourd'hui Faucon; de Palma, on a fait Paulme, & aujourd'hui Paume. De même Pou mon, Pupitre, Saumon, Soufre, Taupe & autres, ont également perdu la lettre L, qu'on n'y prononce plus; tant il eft vrai que l'usage même tend à fupprimer de l'Orthographe les lettres qu'on ne prononce plus. C'est à quoi l'on poura parvenir, mais par degrés.

Ainfi on peut bien, à caufe de l'étymologie, doubler la lettre L, dans Allécher, Alléger, Alléguer, Allier, Allouer, parce que ces mots vienent du Latin Allicere, Alleviare, Allegare, Alligare, Allaudare: mais rien n'oblige de la doubler dans Alourdir, Alonger, Aligner Alarguer, Alarmer, &c.

Avant de terminer cet Article, il faut obferver une chofe qui lui eft commune avec tous les autres, c'eft qu'à l'égard des noms propres qui ont été composés de quelques-uns de ces mots où on a retranché quelques lettres, il faut continuer de les écrire felon l'anciene Orthographe; parce qu'en la quitant, il en résulteroit que le nom du fils ne reffembleroit plus au nom du pere. On ne fe permet de varier que fur les noms anciens qui ont été francisés. Ainfi de Theobaldus, on a fait Thibauld, Thibaud, Thibault & Thibaut; d'Arnulfus on a fait Arnoulf, Arnoul & Arnou. Mais dans les noms modernes on écrit Arnauld, Foucauld, Renauld, quoiqu'on ne prononce aucune de ces confones finales. On méconnoîtroit celui qui figneroit Renaud, Renaut ou Renau, fi fon pere avoit coutume de figner Renauld.

ARTICLE XIII. De la Lettre M.

La lettre M offre fon articulation propre dans Maxime, Mémoire, Miracle, Modele, Mufique, Myftere.

Mais elle fert fouvent à donner aux voyeles le fon nasal, & c'est principalement avant les confones B & P ou PH, comme on le voit dans Ambaffadeur, Amplitude, Amphitheatre; Embaras, Empire, Emphytéofe. Elle a eu le même ufage auprès de la confone N, dans Damnation, Condamnation, Solemnité: mais ces voyeles ont perdu le fon nafal, & la lettre M ne s'y prononce en aucune maniere; on la conferve néanmoins encore à caufe de l'étymologie dans Damnation & Condamnation: mais malgré l'étymologie même, l'Académie a changé cette M en N dans Solennité, & la voyele E, en y perdant le fon nafal, n'en a retenu que le fon de l'A, en forte qu'on prononce Solanité, & fi l'on continue d'écrire Solennité, ce n'eft que pour y conferver un veftige de fon étymologie.

La lettre M fert auffi à exempter le fon nafal à la fin des mots comme dans Adam, Cherubim, Faim, Nom, Parfum. On a même auffi prononcé avec le son nasal, Abraham comme Adam. Mais l'Académie convient qu'on doit prononcer la lettre M séparément dans Abraham, comme dans Jerufalem, & dans les autres noms étrangers, excepté Adam.

Cette lettre donne encore le fon nasal lorsqu'elle fe trouve doublée après la voyele E; ainfi on dit Emmailloter, Emmenager, Emmener. Mais il est bien remarquable que pour la voyele A, fi autretois on a pu écrire Ammener, Ammodier, Ammonceler, aujourd'hui on écrit fimplement comme on prononce, Amener, Amodier, Amonceler, &c. parce que la voyele A y conferve le son simple, & qu'on n'y prononce qu'une feule M.

Les deux M fe prononcent après l'I dans Immédiat, Immobile, Immortel, &c. Après l'O l'ufage varie, on prononce les deux M dans les mots peu ufités, Commémoraifon, Comminatoire, Commotion, Commu tation. Mais on n'en prononce qu'une, & néanmoins la voyele conserve le fon fimple dans Commander, Commencer, Commiffion, Commodité, Communauté; on ne conferve le doublement dans ces mots qu'à cause de l'étymologie. Ainfi tantôt l'étymologie prévient dans l'ufage commun, & tantôt l'ufage commun donne la préférence à la prononciation. C'està-dire, qu'on ne cede à l'étymologie qu'en atendant que l'on puiffe ache. ver de céder à la prononciation.

Dans les adverbes en MENT, la lettre M qui précede devient totalement inutile après la voyele A, & ne fert qu'à donner le fon nafal à la voyele E. Ainfi on prononce fans aucune différence & avec une seule M: Abondamment, Apparemment, Compétamment, Concurremment, Dépendamment, Différemment, Elégamment, Eloquemment, &c. On ne pouroit pas retrancher ce doublement après l'E, fans changer cet E en A, ce qui s'écarteroit de l'étymologie: mais du moins rien n'oblige de conferver ce doublement après l'A; pourquoi donc n'écriroit-on pas Abondament, Compétament, Dépendament, Élégament, &c. puisque bien certainement c'eft ainfi qu'on prononce?

La lettre M donne encore à l'O le fon nafal dans Comte, Comté, Comteffe, Franche-Comté, Franc-Comtois en forte qu'on prononce Comte comme Conte: mais on conferve la lettre M dans le premier de -ces deux mots, à caufe de l'étymologie tirée du Latin Comes, Comitis, d'où Comitatus. De même dans Compte, qui a précisément encore la même prononciation, on conferve les lettres M & P à cause de l'étymologie tirée du Latin Computum.

De Femina on a formé Femme, où vraisemblablement l'E fe prononçoit ouvert & foible; enfuite il s'eft converti jufqu'à prendre le fon de l'A en ne laiffant plus entendre qu'une feule M: mais à caufe de l'étymologie on a confervé l'E avec les deux M. De même de Flamma on a fait Flamme, où vraisemblablement l'A fe prononçoit foible, & laissoit entendre les deux M: mais enfuite il eft devenu plus ouvert, & en s'alongeant il n'a plus laissé entendre qu'une feule M; car on prononce Flame comme ame: mais on y conferve les deux M à cause de l'étymologie.

ARTICLE XIV. De la Lettre N.

L'articulation propre de la lettre N paroît dans ces mots, Nature, Neceffité, Nielle, Nobleffe, Nutrition.

Elle fert fouvent comme la lettre M, à donner le fon nafal aux voyeles, avant les confones qui ne l'ont pas, B, P ou PH. On le voit dans Ancien, Endoctrine, Infirme, Onguent, Un, où il eft remarquable qu'en paffant du mafculin au féminin, la voyele U reprend le fon qui lui eft propre, & la confone N fa propre articulation, Üne.

La lettre N doublée après la voyele E, lui donne encore le fon nafal dans Ennui : elle a pu avoir le même effet dans Ennoblir & Ennuiter : mais on dit plus communément Anoblir & Anuiter. On ne prononce qu'une feule N dans Ennemi, & il feroit bien naturel de n'y en mettré qu'une, puifqu'il n'y en a qu'une dans le Latin Inimicus.

On ne prononce de même qu'une feule N dans Année, Annonce Innocence, Connoissance : mais dans les mots moins ufités, on prononce les deux, Annexe, Annotation, Inné, Innovation, Connivence.

On ne prononce de même qu'une N dans les terminaisons où elle se double avant l'E muet: Canne, Antienne, Perfonne. Mais plus communément ces terminaisons ne reçoivent qu'une feule N après l'A, I, U. Cabane, Chicane, Doctrine, Difcipline, Fortune, Tribune. Pourquoi donc la doubler dans des mots où ce doublement n'eft exigé ni par l'étymologie ni par la prononciation? pourquoi écrire Couronne & Perfonne, tandis qu'en Latin on dit Corona & Perfona, & qu'en François on prononce Courone & Perfone? Pourquoi écrire Dictionnaire avec deux N, tandis qu'en Latin il n'y en a qu'une dans Dictionarium, & qu'en François on n'en prononce qu'une, Dictionaire? Craint-on que l'o ne foit réputé long s'il n'eft fuivi que d'une feule N dans Courone & Perfone? Mais fi on vouloit le rendre long, on y mettroit un accent circonflexe comme dans Hexagone; en ne lui donnant point d'accent, on le laiffe bref. Il en eft de même des terminaifons en Enne : le doublement devient inutile lorsqu'il n'eft fondé ni fur l'étymologie ni fur la prononciation. On écrit très-bien Catéchumene & Phénomene: pourquoi donc n'écriroit-on pas Antiene, Carene, Étrene, Garene, puifque bien certainement on prononce ainfi, & que nulle raifon d'étymologie n'y exige le doublement ?

Dans les terminaifons plurieles des Verbes, la lettre N s'éclipfe, & la lettre T qui la fuit ne fe fait entendre que lorsqu'elle eft fuivie d'une voyele: Ils aiment la vertu, & fe montrent ouvertement ennemis du vice. Il en eft de même dans les autres temps: Ils aimoient; ils aimeroient; ils aimerent; qu'ils aiment & qu'ils aimaffent. Quoique la lettre N ne s'y prononce jamais, on l'y conferve, comme caractéristique du pluriel. Dans les verbes Tenir & Venir, qui n'ont qu'une feule N en Latin comme en François, l'usage a introduit une irrégularité en faifant doubler cette N avant l'E muet dans ils viennent; qu'il vienne, & qu'ils

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