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viennent; ils tiennent ; qu'il tienne; & qu'ils tiennent: mais ce doublement n'eft fondé ni fur l'étymologie ni même fur la prononciation, puifqu'il eft certain que comme il n'y a qu'une N en Latin, on n'en prononce auffi qu'une en François pourquoi donc ne pas ramener ces Verbes à la regle commune en écrivant avec une feule N dans tous les temps & dans toutes les perfones: Je viens, tu viens, il vient; nous venons vous venez, ils vienent; que je tiene, que tu tienes, qu'il tiene; que nous tenions, que vous teniex, qu'ils tienent. Répondra t-on que ce n'eft pas l'ufage? Oferai-je le dire ici une fois pour toutes Ce n'eft pas aux Imprimeurs qu'il convient de nous alléguer l'usage, parce qu'ils contribuent eux-mêmes beaucoup à former l'usage par la multitude des Livres & autres papiers imprimés qui tous les jours fortent de leurs preffes. S'ils vouloient donc fe prêter à ces réformes, qui tendent à perfectioner notre Orthographe, bien-tôt elles feroient autorisées par l'ufage, qui naîtroit fous leurs mains. C'est ainfi que s'eft perfetionée notre Orthographe depuis un fiecle: c'est aux Imprimeurs que nous fommes principalement redevables des diverfes perfections qui ont amené notre Orthographe au point où elle eft aujourd'hui c'est à eux à perfectioner leur propre ouvrage : c'est à eux que l'on devra les nouveaux degrés de perfection qu'ils y auront ajoutés. Nous ne faisons que leur propofer des idées analogues à ce qu'ils ont déja fait ; & nous leur hiffons l'avantage d'en procurer l'exécution. Il eft de leur honeur de ne pas fe rendre esclaves d'un usage dont ils font les maîtres.

ARTICLE XV. De la Lettre O.

La voyele O, comme la voyele A, fe prononce plus ou moins ouverte; plus ou moins longue.

L'O eft communément bref au commencement des mots : Obair Océan, Odeur, Offre, Olive, Omiffion, Onéreux, Opulent, Orient. Mais il eft long dans Os, Ofeille, Ofer, Ofier, Oter, Oté.

Il eft bref & foible à la fin dans Cacao, Echo, Indigo, Numéro Zero; Jacob, Job; Bloc, Choc, Croc; Ephod, Nemrod; Lok; Gog, Magog, Bol, Dol, Sol, Vol; Galop, Sirop, Trop; Caftor, Effor, Or, Tréfor. Mais il eft long & plus ouvert dans Clos, Dos, Gros, Héros, Propos, & dans le pronom Nos; ainfi que dans Dépôt, Ensrepôt, Impôt, Prévôt, Rôt, Suppôt, Tót.

Il varie beaucoup dans les pénultiemes : voici celles où il est long & très-ouvert :

OBE, long dans globe & lôbe.

ODE, long dans je rôde.

OGE, long dans Dôge.

OLE, long dans Contrôle, drôle, il enjôle, il enrôle, geôle, môle, pôle, rôle, il vôle, pour fignifier l'action de dérober; au lieu qu'on le fait bref en parlant d'un oiseau qui vole.

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OME, long dans axiôme, phantôme.

ONE, long dans Amazône, aumône, prône, thrône ; & cependant bref dans le mot Latin thronus. Au contraire bref dans courone & perfone, & cependant long dans le Latin corona & perfona.

ORE, long dans Éclôre & dans Aurore, du moins relativement au Latin Aurora, où cet o eft long.

OSE, long dans chôfe, dôfe, il ófe.

. OSSE, long dans endoffe, foffe, groffe; il désóffe, il endosse, il engroffe.

OTE, long dans côte, hôte, maltôte; il ôte.

OTRE, long dans Apôtre, le nôtre, les nôtres ; le vôtre, les vốn tres: bref dans notre, votre.

que

Souvent il eft arivé que pour le rendre bref on a doublé la confone qui le fuit. Ainfi on écrit côte long, & cotte bref; hôte long, & hotte bref; delà vient que l'on met deux m dans homme, quoiqu'il viene du Latin homo, qui n'en a qu'une, & qu'en François on n'en prononce réellement qu'une: de même pomme, dérivé du Latin pomus, avec cette différence néanmoins, que pomus en Latin eft long, & que homo eft bref; d'où il fuit qu'en François nous devrions écrire & prononcer pôme comme axióme, & home comme Rome. C'est abufivement l'on prononce atôme, tôme & Chryfoftôme; ces noms ont la pénultieme breve en Latin, atomus, atome; tomus, tome; Chryfoftomus, Chryfoftome, de même que de Lithotomus, Lithotome. Le feul mot Rome, où nous prononçons l'o bref fans doubler la lettre m, prouve évidemment qu'il n'eft pas néceffaire de doubler la confone pour rendre la voyele breve. Cela pouvoit être néceffaire lorfqu'on n'avoit pas le fecours de l'accent circonflexe; & vraisemblablement alors on écrivoit Rome avec une feule m, parce que fa pénultieme étoit longue, comme en effet elle l'eft dans le Latin Roma: mais depuis que l'ufage a rendu cette pénultieme breve, on n'a point imaginé d'y doubler la confone, parce que maintenant que nous avons le fecours des accens, nous nous en fervons dans axióme, pour marquer que fa pénultieme eft longue; & nous continuons d'écrire Rome fans accent, parce que dans la prononciation fa pénultieme eft réputée breve. Ainfi l'accent feul fuffit pour diftinguer les fongues d'avec les breves; c'est donc abufivement que fous prétexte de diftinguer les breves, on double après elles en écrivant les confones que l'on ne double pas en prononçant, & dont le doublement n'eft pas exigé par l'étymologie.

L'O joint en diphthongue avec l'E, s'éclipfe de maniere qu'on ne fait entendre que le fon de l'E; delà vient qu'au lieu d'écrire conformément -à l'étymologie, Econome, Economie, Economat,, Economique, Economifer, l'Académie écrit Econome, Économie, Economat, Economique, Economifer. Mais elle conferve cet dans des noms moins communs, tels que Ecuménique, Ecuménicité, Edême, démateux, Efophage. Elle le conferve auffi dans des mots au contraire très-communs, tels que Eil, Euf, œuvre; parce qu'on eft acoutumé à les

voir écrits ainfi mais en même temps elle fait remarquer que le mot ail, doit fe prononcer auil.

:

L'O fe joint en diphthongue avec l'I, qui alors prend le fon de l'E plus ou moins ouvert, comme on le voit dans Oie, où cette diphthongue eft longue, ainfi que dans voie, monoie, joie, au lieu qu'elle eft breve dans Oifeau, Oifif, Oifon, ainsi que dans Foi, Loi, Roi. Mais l'I fe perd totalement dans Oignon, où il ne fert qu'à mouilier la prononciation de la derniere fyllabe. Au contraire, l'E fe perd dans Dévoiement, où il ne fert qu'à alonger la diphthongue, en forte qu'on peut même écrire Dévoiment avec un circonflexe, fans E.

L'O fe joint en diphthongue avec l'U, mais de maniere que cette diphthongue tient réellement du fon des deux voyeles : elle eft longue avant l'E muet, mais dès que cet E ceffe d'être muet, la diphthongue devient breve. Ainfi elle eft longue dans boue, moule, poudre, & breve dans boueux, moulé, poudré. Longue dans rouille, elle s'abrége autant qu'il peut dans rouillé. Mais la voyele E fe perd dans Dévouement, en forte qu'on peut écrire Dévoúment avec un accent circonfiexe, fans E.

fe

L'O fe joint encore en diphthongue avec l'Y: mais fi cet Y ne vaut que 'I fimple, aujourd'hui on y substitue l'I. Ainfi autrefois on écrivoit Voye, mais maintenant on l'écrit comme on le prononce, Voie. L'Y ne s'y conferve que lorfqu'il vaut deux I, qui uniffent deux diphthongues. Ainfi on écrit Envoyer, parce qu'on doit prononcer en trois fyllabes, En-voi-ier.

L'O prend le fon nafal en s'uniffant aux lettres M ou N, comme nous l'avons fait obferver en parlant de ces Lettres. C'est ainsi qu'on prononce Ombelle, Ombilic, Ombre; Once, Onde, Ongle: où il faut remarquer que l'O a pris la place de l'U des Latins: Umbella, Umbilicus, Umbra; Uncia, Unda, Ungulus.

ARTICLE XVI. De la Lettre P.

L'articulation propre de la lettre P paroît dans ces mots : Palais; Peine, Pierre, Poéte, Puiffance, Pyramide. Elle a la même articulation avant les lettres liquides, I & R, & avant S. Plaifir, Prudence, Pfalmodie; mais avant la lettre H, elle prend l'articulation de la lettre F: Phaethon, Phénix, Philofophie, Phlegme, Phosphore, Phrase, Phthifie, Phyfique.

Quelques-uns négligeoient autrefois le P dans la prononciation des mots Pjaume & Pfautier en forte qu'on difoit Saume & Sautier : mais il est évident que c'étoit altérer ces mots en s'écartant de leur étymologie, tirée du Latin Pfalmus : cet abus n'a point prévalu. On eft revenu à prononcer comme on écrit, Pfaume, ou fi l'on veut Pfeaume mais il eft remarquable que l'Académie écrit Pfautier, & que par-là elle femble nous inviter à écrire Pfaume, puifqu'il eft certain que ces deux mots ont la même étymologie & la même pronociation.

Le P final fe prononce dans Cap, Cep, Sep & Gap, nom de ville ; mais

dans

dans des mots d'un ufage commun & trivial, Drap, galop, firop, trop, coup, loup, on ne prononce le P que lorfqu'il eft fuivi d'une voyele; Un drap écarlate; un firop amer; un coup afreux; un loup enragé.

Le P final, fuivi d'une S ou d'un T, s'éclipfe totalement, c'est-àdire, de maniere que dans le cas même où ces confones feroient fuivies d'une voyele, on ne feroit entendre que la feconde: Ce temps eft doux; ce corps eft dur; cet homme eft prompt à parler; il eft exempt d'impôts. Dans les deux premieres phrafes la lettre S fe fait fentir, & le T dans la troifieme feulement; le P dans aucune.

Le P s'éclipfe même au milieu dans Compte & Compter; mais il fe fait fentir dans Rédempteur & Redemption, qui tienent plus du Latin que du François. Il s'éclipfe encore dans fept & feptieme on ne l'y conferve qu'à caufe de l'étymologie.

C'eft ainfi que dans le cas même du doublement de la lettre P, on ne fait fentir ce doublement que dans les mots moins ufités, & qui tienent plus du Latin. Ainfi du Latin Appellare, on a fait d'abord Appeller; l'Académie écrit Appeler, & on prononce Apeler, Apelant, Apelé: mais on prononce Appellatif & Appellation ; & c'eft ainfi que l'Académie écrit ces deux mots. D'Approximare, on a fait Approcher, & on prononce Aprocher: mais on prononce & on écrit Approximation.

Le défaut de Richelet dans la réforme de ces doublemens que la prononciation ne fait pas fentir, n'eft pas précisément d'avoir négligé les étymologies pour fe raprocher de la prononciation, mais d'avoir voulu du premier coup, pouffer cette réforme trop loin, au lieu d'y procéder lentement & par degrés, comme fait ici l'Académie, qui autorife main tenant de fon fuffrage ceux qui écrivent Appelant, Appeler & Appelé, avec une L fimple, quoiqu'il y en ait deux dans le Latin; mais en même temps y conferve les deux P du Latin, quoiqu'en François on n'en prononce qu'un. En y retranchant une L, parce que réellement on n'en prononce qu'une, elle femble nous inviter à y retrancher également un P, puifqu'en effet on n'y en prononce qu'un ; & il y a lieu de préfumer que comme aujourd'hui elle apuie de fon fuffrage ceux qui ont retranché une L, elle applaudira de même à ceux qui du même principe qui lui ont fait retrancher une L en concluront le retranchement d'un P. C'eft aux Imprimeurs qu'elle laiffe le foin & l'honeur d'introduire dans notre Orthographe ce nouveau degré de perfection. Elle n'y oblige perfone; mais elle en laiffe la permiffion, & fe montre difposée à ratifier tout ce qui poura contribuer à perfectioner notre Orthographe. La raifon d'étymologie doit prévaloir dans les mots peu ufités, où la prononciation même s'y conforme: mais dans les mots très-ufités, & où la prononciation s'en écarte, il eft naturel de céder à la prononciation. C'est ce qu'on a déja fait dans une multitude de mots; c'est ce que l'Académie a elle-même approuvé dans un très-grand nombre ; & ce fera en suivant les principes & fon exemple, que nous parviendrons à donner à notre Orthographe les degrés de perfection qui peuvent encore lui manquer.

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ARTICLE XVII. De la Lettre Q.

La lettre Q nous vient des Latins, de qui elle emprunte la voyele U, dont elle est toujours acompagnée lorsqu'elle n'eft pas finale. Mais la prononciation de cet U varie beaucoup car en Latin il fe prononçoit comme OU, & il en conserve le fon en François dans ces mots : Aquatique, Equation, Quadragénaire, Quadragefime, Quoi.

Mais il s'afoiblit & fe prononce comme un fimple U, dans Équeftre, Quefteur, Quinquagénaire, Quinquagefime.

Il s'éclipfe totalement dans Qualité, Querele, Quitance, Quotité. Aucun mot François n'ajoute un fecond U après celui-là.

Dans Quoique, le premier U fe prononce OU; le fecond ne fe prononce pas.

Le Q final ne fe trouve que dans Cinq & Coq: dans ce dernier mot on doit toujours le prononcer; mais dans cinq, il ne fe prononce que lorfqu'il eft fuivi d'une voyele ou d'une H non aspirée; ainfi on le prononce dans cinq hommes, mais on ne le prononce pas dans cinq femmes. Si cependant ce mot cinq eft pris fubftantivement, c'est-à-dire, fans être joint à un fubftantif, la lettre Q, quoique fuivie d'une confone, se fait fentir. Ainfi on la prononce dans cinq pour cent ; & dans un cinq de chifre.

ARTICLE XVIII. De la Lettre R.

L'articulation de la lettre R fe montre dans Racine, Regard, Richefe, Royaume, Rubrique. La raifon d'étymologie y atache quelquefois une H qui n'ajoute rien à fon articulation, comme dans Rhétorique. Ainfi on prononce le nom de l'île de Rhodes, comme celui de la ville de Rodès, quoique ce dernier n'ait pas l'aspiration que la raison d'étymologie met dans le premier.

La lettre R fe prononce communément à la fin des mots : Char, Fer, Cuir, Cor, Mur, Nectar, Enfer, Défir, Tréfor, Azur. Mais à la fin des infinitifs en er, fi elle eft fuivie d'une confone, elle s'éclipfe & change PE ouvert en E fermé. Aimer Dieu; Aimer le prochain, le prononcent Aimé Dieu; Aimé le prochain. Cependant fi cet infinitif eft fuivi d'une voyele la lettre R fe fait fentir, & rend à l'E le fon ouvert, Aimer un

ennemi.

Souvent à la fin des mots la lettre R fe double entre deux voyeles, & alors elle rend longue celle qui la précede; Barre, Terre, Squirre, Clorre. Elle a le même effet dans Arrêt; mais l'A s'abrege dans Arrêter & Arrêté.

Ce doublement peut mériter d'être confervé lorsqu'il eft fondé fur l'étymologie ou fur la prononciation. Ainfi on le conferve dans Arroger & Arrogant, parce qu'il eft également fondé fur la prononciation & fur l'étymologie: mais rien n'oblige de doubler cette lettre dans Arafer & Arondir.

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