Images de page
PDF
ePub

écrire, cote & hote, avec un feul T, puifqu'il eft bien certain qu'on n'en prononce qu'un, & que le feul accent circonflexe fuffit pour diftinguer le premier fens d'avec le fecond, en rendant long & très-ouvert dans l'un l'O qui est bref, & moins ouvert dans l'autre.

On peut doubler le T dans les mots composés, Attenter, Atténuer, Attefter, à caufe de l'étymologie: mais rien n'oblige de le doubler dans Atendrir, Atiédir, Atrifter, Atrouper, qui ne nous vienent point des Latins, & où l'on ne prononce qu'un T.

Par la raifon d'étymologie, on écrivoit autrefois Degoufter, comme dérivé de Guftus; & Degoutter, comme dérivé de Gutta: mais à cause de la prononciation, l'Académie écrit Dégoûter fans S, & avec pénultieme longue, marquée par le feul circonflexe. Par la même raison, on pouroit donc écrire dans l'autre fens Dégouter, comme on le prononce, c'est-à-dire, avec un fimple T & fans accent, parce que dans celui-ci la diphthongue eft réputée breve, c'est-à-dire, qu'en effet elle a le fon moins ouvert & moins long que dans Dégoûter. Le feul accent devroit fuffire pour diftinguer ces deux mots, puifque dans la prononciation on ne les diftingue que par le fon plus ou moins long, plus ou moins ouvert, de la diphthongue.

ARTICLE XXI. De la Lettre U.

Il en eft de nos deux U comme de nos deux I; autrefois on les confondoit, quoiqu'ils fuffent effentiélement différens, l'un étant voyele & l'autre confone. Mais enfin aujourd'hui l'Académie les diftingue en nous donnant un Alphabet de vingt-cinq lettres, au lieu de vingt-trois.

La voyele U fe prononçoit autrefois OU, & ce fon lui eft reté dans quelques mots dérivés du Latin, tels que Quadragefime: mais elle s'ett afoiblie comme on le fent dans la premiere fyllabe de Quinquagé fime; & enfin elle est devenue muete dans Quinze, que l'on prononce Kinze.

L'U a le fon foible & bref au commencement des mots: Ubiquiste, Ulcere, Ultérieur, Unité, Urbanité, Ufage, Utilité, Uvée.

Mais à la pénultieme, il varie comme les autres voyeles: c'est-àdire, que communément bref, il devient long avant l'E muet, & ceffe de l'être dès que cet E ceffe d'être muet, comme on va le voir.

UCHE, long dans bûche, embûche ou débúche: mais bref dans bucher, débucher, débuché.

[ocr errors]

UE, long dans vue, cohue tortue ; je tue; bref dans tuer, tué. UGE, long dans déluge, refuge, juge: bref dans juger, jugé, & même jufque dans jugement, quoique fuivi de l'E muet; c'est que le mor eft alongé d'une troifieme fyllabe.

ULE, long dans il brûle: il s'abrege, ou du moins devient moins

brûlé.

long dans, bruler dans nous fumes; nous pâmes; nous reçûmes,

premieres perfones pluriels du passé.

& autres

URE,

URE, long dans ils pûrent; ils reçûrent, & autres troifiemes perfo nes du pluriel du passé : long encore dans augure, mefure, parjure, verdure; mais bref dans mefurer, mefuré; parjurer, parjuré.

USE, long dans excufe, inclufe, Muse, rufe, & jufque dans rusé; mais bref dans excufer, excusé.

USSE, long dans que je fuffe, que tu fuffes, qu'ils fuffent; que je puffe, que tu puffes, qu'ils puffent; & autres terminaifons femblables du fubjonctif; mais bref dans que nous fuffions, que vous fuffiez; que nous puffions, que vous puffiez, &c. Il eft encore long dans aumuffe, mais bref dans Prufe & Ruffes.

UTE, long dans flute; & dans vous fütes; vous pûtes ; vous recûtes, & autres terminaisons semblables des Verbes.

On a prétendu que dans la terminaifon UT, il eft bref à l'indicatif, il fut, il put, il reçut, &c. & long au fubjonctif, quoiqu'il fût, qu'il pût, qu'il recut. Ce qu'il y a de certain fur cela, c'eft que comme autrefois on écrivoit au fubjonctif, qu'il fuft, qu'il puft, qu'il reçust, lorfque le circonflexe a pris la place de la lettre S, on a écrit qu'il fût, qu'il pût qu'il reçût : mais au fond, la voyele n'en eft pas devenue plus longue : & il n'y a que la construction & le fens de la phrase qui distingue l'indicatif, il fut, d'avec le fubjonctif, qu'il fût.

Il faut feulement remarquer que quoique l'U foit communément long avant l'E muet, il eft cependant bref dans plufieurs terminaisons. UBE, bref dans bube cube, tube.

UCE, bref dans aftuce, puce, prépuce.

UDE, bref dans aptitude, beatitude, étude, &c.

L'U immédiatement fuivi de l'E muet au milieu des mots, devient long, de maniere que l'on peut même fupprimer l'E en mettant le circonflexe fur l'U, comme on l'a fait pour l'I. Ainfi au lieu de dire Abfoluement, Duement, Eperduement, Ingénuement: on dit & on écrit Abfolúment, Dúment, Eperdûment, Ingénûment: & lorfque ces mots font d'un fréquent ufage, on y néglige même l'accent, parce que la voyele s'abrege c'eft pourquoi l'Académie écrit abfolument, éperdument, ingénument, fans accent mais dûment, avec accent.

Avant les autres voyeles, & même avant l'E fermé, l'U eft réputé bref, nuage, nuée, nuit, tuons. Il fe prononce OU avant A dans aquatique, équateur, équation; & il s'éclipfe dans quarré, querelle, quille, quolibet; guérifon, guide. Dans ces deux derniers mots, il ne fert qu'à déterminer l'articulation forte du G. Il s'est éclipsé dans Vuide & dans fes dérivés, de maniere que comme on ne l'y prononce plus l'Académie l'a entiérement fupprimé, en écrivant Vide, vider, vidé, vidange & vidangeur : tant il est vrai que l'Académie approuve les réformes qui tendent à rendre notre Orthographe conforme à la prononciation.

L'U se joignoit autrefois avec l'Y à la fin des mots, luy, apuy, ennuy, mais cet Y tenoit lieu d'un fimple I, qui en a pris la place, lui, apui, ennui: dans les dérivés on reprend cet I, qui alors tient la place de deux I: ainfi on écrit appuyer, ennuyer, parce qu'on prononce apui-ier,

ennui-ier; mais avant l'E muet, l' fe change en 1 fimple, il apuie, il s'ennuie, parce qu'on n'y prononce qu'un feul I, comme dans pluie.

L'U après l'A lui donne le fon de l'O long ou bref, plus ou moins ouvert le fon eft long & très-ouvert avant l'E muet: Aube, Auge, Aune, Paule, Paume, Pauvre. Hors ce cas il eft communément bref & moins ouvert: Auberge, Audace, Augure, Baudrier, Cautere, Paupiere, Paul. Mais il eft long & très ouvert dans ces monofyllabes, Haut, Chaud, Chaux, Faux, adjectif, & Faux, autrefois Faulx, nom d'inftrument: de même dans Faucon, autrefois Faulcon, & jufque dans les dérivés de ces mots, Chaufer, Faufler, Faucher, Fauconier, Hauteur, Hauteffe. Il est bref à la fin au fingulier, long au pluriel; Joyau, Joyaux; Couteau, Couteaux.

La diphthongue EU, qui tient du fon de l'E muet, eft de même breve au fingulier, longue au pluriel, Feu, feux; jeu, jeux; bleu, bleus: fuivie de l'E muet, elle eft longue bleue, queue, meûle, feûtre. Elle eft breve dans Eu, Europe. Elle eft plus longue que breve dans les noms moins ufités Euchariftique, Eunuque, Euphrate.

La diphthongue OU eft longue avant l'E muet, boue, foule, poutre ; mais cependant moins longue dans poule, & breve dans boueux, poudreux, moulure: longue dans outre, bref dans outrage: longue dans j'ouvre, tu ouvres, il ouvre: breve dans ouvrage, nous ouvrons, vous ouvrez longue dans ils ouvrent. La différence eft foible; elle s'éteint totalement à la fin des mots, où on prononce un fou & des fous, fans aucune différence que de faire fentir au pluriel la lettre S, lorfqu'elle eft suivie d'une voyele: Les fous aiment leur folie.

ARTICLE XXII. De la Lettre V.

Comme l'J confone eft venu de l'I voyele; de même l' confone eft venu de l'U voyele en forte que le Va des Latins vient du Grec : car les Grecs qui n'avoient aucun de nos U, exprimoient également l'un & l'autre par la diphthongue O U. Mais enfin chez les Latins cette diphthongue, avant les voyeles, s'eft changée en confone, & on a prononcé Va, Ve, Vi, Vo, Vu.

L'articulation de la lettre V fe montre dans Valeur, Vérité, Vigilance, Volupté, Vue: & cette articulation ne varie jamais,

Il faut feulement remarquer que cet V fe double quelquefois dans des noms Allemands, Flamands, Anglois ou autres des pays du Nord ; & ce double tient de l' confone & de la diphthongue O U, comme on le fent dans Waaft, Westminster, Weftphalie, Wibourg, Worchefter, Wurtzbourg: mais au milieu des mots l'articulation de l' prévaut, comme dans Barwik, Hedwige: au contraire, à la fin on préfere le fon de l'U voyele dans Brifgaw, Czernikow, Pagatfchew.

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]

ARTICLE XXIII. De la Lettre X.

La lettre X nous vient du Xi des Grecs: fon articulation varie beaucoup, parce qu'elle tient du C & du G, de l'S & du Z.

Ainfi au commencement des mots, dans les noms peu ufités, elle prend l'articulation forte du CS, Xantippe, Xerxès dans les noms plus communs elle s'adoucit en prenant l'articulation du G Z, Xavier, Ximenes.

Au milieu des mots, elle a l'articulation forte du CS dans Extrême; moins forte & du C feul dans Exception; foible & de l'S feule dans Auxerre, Bruxelles.

A la fin elle prend l'articulation forte du CS dans les mots étrangers & peu communs, Linx, Sphinx, Styx; & même jufque dans Préfix. Dans les mots très-ulités cette lettre s'éclipfe totalement, ne fe faifant entendre que devant une voyele: Prix, Crucifix, Paix, Choix Animaux, Cheveux ; & lorfqu'elle s'apuie fur la voyele fuivante, c'eft avec l'articulation la plus foible, celle du Z: La paix eft annoncée aux

hommes.

Dans les mots dix & fix, on ne prononce point l'X devant les confones: dix Chevaux on le prononce comme Z devant les voyeles, & devant l'H non afpirée, dix ânes; fix hommes : & comme S à la fin de la phrase: Ils étoient dix; Ils étoient fix.

Comme l'article les fait au datif aux, il en résulte que le pronom relatif lefquels doit avoir pour datif auxquels: On trouve cependant auffi aufquels, parce que c'eft ainsi qu'on le prononce; mais dans le difcours familier on ne le prononce pas. D'ailleurs, comme la lettre X fe prononce fouvent comme S, rien n'empêche d'écrire auxquels, comme on écrit aux, qui lui-même fe prononce par Z devant les voyeles & devant l'H non afpirée aux hommes, aux animaux.

La lettre X eft caractéristique du pluriel dans plufieurs noms: mais nous reviendrons fur cela en parlant de la formation des pluriels.

Comme la lettre X eft communément une articulation composée de CS ou GS, elle foutient la voyele qui la précede, de maniere que l'E qui fe trouve avant elle n'as pas befoin d'accent: Exactitude exemple, exigence, exorcifme, exubérance.

ARTICLE XXIV. De la Lettre Y.

Il est important ici de remarquer ce qu'obferve l'Académie que l' en François eft tantôt un caractere fimple & tantôt un caractere composé. Caractere fimple, il n'a pas d'autre valeur que l'I voyele, & ion principal ufage eft d'exprimer l'Upfilon des Grecs dans les mots qui nous vienent du Grec, tels qu, Phyfique, Etymologie, Syntaxe, Hypocrifie, Hyperbole, &c. Sur quoi il faut obferver que la regle n'eft pas de mettre un I dans tous les mots qui nous vienent du Grec : il n'en

faut point dans Philofophie, Mifantropie, Aristocratie, &c. Car les Grecs ont leur lóta qui eft un I fimple; mais c'eft leur Upsilon, qui doit être rendu par un Y: & lorfque ces deux lettres fe trouvent dans un même mot, il faut bien fe garder de les confondre. On rencontre quelquefois Hippolite: c'eft une faute; il faut écrire Hippolyte : c'est-à-dire, que dans ce mot le premier I eft fimple; c'est le fecond qui doit être exprimé par Y.

L'Y fervoit autrefois au commencement & à la fin des mots. On le trouve encore quelquefois au commencement dans Yeux, Yeufe, Ypréau, Yacht, Yvoire, Yvroie, Yvreffe: mais l'Académie écrit Ivreffe, Ivroie, Ivoire; & rien n'empêche d'écrire de même, lacht, leufe, Ipréau, & même leux, dès qu'il est constant que dans Yeux l'Y ne vient que de cet ancien ufage qui eft aujourd'hui communément négligé dans les autres mots. De même à la fin des mots, on écrivoit Foy, Loy, Roy, d'où l'on avoit même formé Royne: mais aujourd'hui on écrit par un fimple I Roi & Reine; Foi & Loi. On ne conferve cet initial & final que dans quelques noms propres, Yves, Yvetot, Yvry, Sainte-Foy, le Puy en Velay. C'est qu'en général les noms propres varient peu, & doivent peu varier. L'Y fe conferve encore au lieu de l'I dans la particule Y, parce que l'œil acoutumé à voir cette particule ainfi exprimée, feroit peut-être blessé fi on l'exprimoit autrement.

[ocr errors]

L'Y confidéré comme caractere double, a la valeur de deux I, dont le premier finit une fyllabe, & le fecond en commence une autre, comme dans Citoyen, Employer, Royal, Apuyer, Pays, &c. qui fe prononcent comme s'il y avoit Citoi-ien, Emploi-ier, Roi-ial, ApuiPai-is tels font les exemples que donne l'Académie, qui ajoute que, mal-à-propos, quelques Auteurs ou Imprimeurs écrivent Citoien, Moien, &c. avec un i tréma. Sur quoi il faut observer qu'entre l'O & l'E muet, cet y fe change en I fimple, parce qu'on n'y prononce que le premier des deux. L'Académie écrit donc : J'envoie, tu envoies, il envoie, nous envoyons, vous envoyez, il envoient. Au contraire, on ajoute un I après l' aux deux premieres perfones du pluriel du préfent du fubjonctif: Que nous envoyions, que vous envoyiez, pour les dinftinguer de celles du préfent de l'indicatif : nous envoyons, vous envoyez. De même avec l'A on dit à l'indicatif, nous payons, vous payez, & au fubjonctif: que nous payions, que vous payiez; mais entre l'A & l'E muet, l'y demeure: Je e paye, u payes, il paye; que je paye, que tu payes, qu'il paye. L'I fe joint encore à l'1 dans les deux premieres perfones plurieles de l'imparfait à l'indicatif. J'envoyois, tu envoyois, il envoyoit; nous envoyions, vous envoyiez, ils envoyoient: Je payois, tu payois, il payoit; nous payions, vous payiez, ils payoient. Mais dans les Verbes terminés en ier comme Prier, il ne faut point d'Y, la feule répétition de l'I fuffit à l'imparfait de l'indicatif: nous priions, vous priiez; & au préfent du fubjonctif: Que nous priions, que vous priiez.

On a prétendu que comme nous disons au fubjonctif : Que nous payions,

« PrécédentContinuer »