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les divers changemens que l'ufage introduit, & qui peuvent contribuer à perfectioner l'Orthographe Françoife. Les motifs de ces changemens feront marqués, foit dans la Préface qui va fuivre, foit dans de nouveles Remarques fur les mots qui font l'objet de ces améliorations.

On ne peut difconvenir qu'il ne foit avantageux de perfetioner l'Orthographe, en fe raprochant de la prononciation. Le plus grand reproche que puiffe avoir mérité Richelet, c'est d'avoir prématurément étendu la réforme de l'Orthographe fur un trop grand nombre de mots : l'expérience montre que tous ceux qui, comme lui, veulent trop entreprendre, communément échouent. Ce n'eft que par degrés, que notre Orthographe peut fe perfectioner. Du temps de Richelet, lorsque l'ufage étoit d'écrire Appeller, parce que ce verbe vient du Latin Appellare, il pouvoit être trop hardi, & même, fi l'on veut, ridicule de prétendre écrire Apeler; cependant il est certain qu'on e prononce ainfi. Richelet, quelque hardi qu'il fût dans les réformes, n'ofa pas retrancher deux lettres dans ce mot; il écrivit Apeller, en ôtant un p. & confervant les deux . Qu'eft-il arivé? On a confervé les deux p & les deux ; mais enfin l'ACADÉMIE s'eft déterminée à retrancher une l en écrivant Appeler; le temps viendra peut-être où on retranchera de même le p qu'on ne prononce pas plus que cette 1. Mais aujourd'hui nous fommes autorisés par l'ACADÉMIE à retrancher du moins cette dans le verbe Appeler, en la confervant feulement dans fes dérivés Appellatif & Appellation, où elle fe prononce. C'eft ainfi dans les mots peu ufités, que l'étymologie doit principalement être confervée en écrivant, comme on la conferve en prononçant : mais dans les mots fréquemment ufités, où l'ufage permet de s'écarter de l'étymologie en prononçant, l'ACADÉMIE même nous montre que l'on peut, du moins quelquefois, s'en écarter en écrivant, pourvu que l'on y procede lentement, par degrés, avec prudence & difcrétion.

Nous avons cru, pour la commodité de plufieurs perfones, devoir raffembler & mettre de fuite les noms des Villes qui se trouvoient dans le corps de ce Dictionaire; de forte qu'on

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les aura également par lettre Alphabétique, avant le Traité de la Verfification Françoise.

Comme il n'y a prefque perfone qui n'aime les Ouvrages de Poélie, & que l'on ne peut guere les lire avec goût fans favoir en quoi confifte l'harmonie dont on eft flaté dans les Vers, on a cru faire plaifir au Public de mettre à la fin de ce Dictionaire le Traité de la Verfification Françoise de M. Restaut.

AVIS.

I Left important d'avertir le Public qu'il y a plufieurs Editions de ce Traité de l'Orthographe, qui ont été contrefaites tant en France que dans le Pays Etranger; elles portent le nom du même Imprimeur, mais il y en a d'un format & d'un caratere plus petit; elles ont le Frontifpice tout noir, & font remplies de fautes, comme ayant été faites par des Imprimeurs ignorans, & par des Etrangers qui ne favent ni lire, ni parler François. Ces mauvaises Editions font encore reconoiffables par les Vignetes qui font de fonte, tandis que celles de nos Editions font en buis, de la main du fameux le Sueur, & que celle de l'Epître dédicatoire porte les Armes de fon Alteffe Eminentiflime Monfeigneur le Cardinal DE ROHAN,

PRÉFACE,

OU

Remarques fur l'Orthographe en général, & fur fes différentes

Parties.

UOIQUE la Langue Françoise n'ait prefque pas varié depuis environ cent ans, & que les Auteurs du fiecle où nous fommes, fe faffent honeur d'imiter ceux qui ont excellé fur la fin du précédent; cependant l'Orthographe a reçu tant de différens changemens, qu'à peine trouve-t-on deux Livres où elle foit femblable, s'ils n'ont été corrigés par un feul & même Correcteur. Tout le monde reconoît ce défaut, & perfone n'y a encore apporté le véritable remede, quoique plufieurs favans Ecrivains en ayent donné des Traités. Mais, parce qu'ils fe font plus atachés à leur propre goût qu'à celui du Public, que l'on appele ufage, & à la raifon qui fe tire de l'étymologie, ils ont eu le défagrément de voir que leurs travaux font devenus inutiles, & que ceux qui ont écrit depuis l'édition de leurs Livres, loin de les imiter, croient être en droit de jouir du même privilége, c'est-àdire, de fuivre comme eux, leur fentiment particulier.

Ce n'eft pas ce que nous nous propofons dans cet Ouvrage : nous fuivrons les regles générales autant qu'il nous fera poffible: nous apporterons fur les mots dont l'Orthographe varie, les différens fentimens des meilleurs Auteurs tant anciens que modernes: & nous y joindrons le nôtre, dont nous ferons connoître les raisons au Public, à qui nous en laifferons la décision.

DE L'ORTHOGRAPHE EN GENERAL. L'Orthographe, fuivant l'étymologie du nom, eft l'art ou la maniere d'écrire correctement ; c'est-à-dire, d'expofer exactement aux ieux des Lecteurs, ce qu'on veut leur apprendre. Meffieurs de Port-Royal, dans

leur Méthode pour la Langue Latine, difent que l'Orthographe doit fuivre la raison & l'autorité; la raifon, lorsqu'on a égard à l'étymologie des mots ; & l'autorité, lorfqu'on fe conforme à la maniere d'écrire la plus ordinaire dans les bons Auteurs. Entrons préfentement en matiere.

Les Écrivains du dernier fiecle, qui s'atachoient beaucoup plus à la raifon qu'à toute autre chofe, avoient une Orthographe plus uniforme, qu'on appele aujourd'hui l'anciene. Le P. Buffier n'a pu s'empêcher d'avouer dans fa Grammaire Françoife, nombre 208. « Qu'il paroît judi»cieux de garder l'anciene Orthographe dans tous les mots, où fans cela » ils feroient confondus avec des mots qui ont déja le même fon, & qui » ont cependant une fignification toute différente. C'eft pourquoi, bien » que les lettres doubles qui ne fe prononcent point, foient fupprimées » dans la nouvele Orthographe, on fait bien d'écrire encore Ville, (urbs,) » par deux ll, bien que ce mot ait le même fon que vile, (vilis.) De "même ont fait bien d'écrire poids, (pondus ;) poix, (pix ;) & pois, » (cicer,) bien qué ces trois mots ayent le même fon; car leur fignifica » tion étant bien différente, il femble affez à propos de la diftinguer, du » moins aux ieux, puisqu'on ne peut, par la prononciation, la diftinguer » à l'oreille ».

Voici ce qu'il dit au nombre 196. « On perdroit, en quitant l'anciene » Orthographe, la connoiffance des étymologies, qui font voir de quels » mots, Latins ou Grecs, vienent certains mots François ».

Et au nombre 200. « On ne verroit plus le raport qui eft & qui doit » être entre les mots dérivés l'un de l'autre. Par exemple, fi l'on écrit » tems, au lieu de temps, en ôtant le P, on ôtera le raport de » aux mots temporel, temporifer, & à les autres dérivés ».

temps

D'autres Auteurs ont osé avancer qu'il faut écrire comme on parle. Pour répondre à cette prétention, & montrer combien dans fa généralité elle eft fauffe & ridicule, il pouroit fuffire d'obferver que, fi l'on. écrivoit comme on prononce, il s'enfuivroit néceffairement qu'il n'y auroit que ceux qui parlent bien, qui écriviffent correctement. Les Galcons écriroient vateau pour bateau; boiturier pour voiturier, & ainfi des autres les Limoufins écriroient Setembre pour Septembre; Otobre pour Octobre; Doteur pour Docteur; & Bénéditin pour Bénédictin: les Picards, ennemis de la lettre h, fe croiroient pareillement en droit d'écrire un cat, un quen, la bouque, une mouque, au lieu de chat, chien, bouche, mouche: de forte qu'il fe trouveroit dans la Langue Françoife autant d'Orthographes différentes, qu'il y a de manieres différentes de prononcer felon les Provinces; ce qui feroit une bigârure ridicule. Il n'y a qu'à cuvrir le Didionaire Grammatical de la Langue Françoife, imprimé à Avignon en 1761; on y verra à chaque page combien la prononciation de cette Province altere & défigure l'Orthographe communément reçue : On y verra que fi l'on vouloit écrire comme on prononce dans cette Province, il faudroit écrire avoar, pour avoir; boáre, pour boire ;. Kroare, pour croire; devouar, pour devoir; &c. &c. &c.

Mais, me dira-t-on, il n'y a que les gens du commun qui alterent

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ainfi la prononciation. Ii fe trouve, dans les Provinces les plus reculées,
des perfones qui parlent parfaitement bien. Je l'avoue; néanmoins il ne
s'enfuit pas de-là qu'ils doivent écrire comme ils prononcent. L'ufage gé-
néral veut qu'on écrive, Paon, Faon, Laon, Août, Saone, fceau
à jeun, Eustache, œuvre, ail; &c. Cependant il faut prononcer Pan,
Fan, Lan, Oût, Sône, fau, à jun, Uflache, euvre, euil, &c. Il en
eft de même en une infinité d'autres mots dont la prononciation est diffé-
rente de l'écriture, non feulement chez les François, mais encore chez
toutes les Nations du monde.

Les différentes Parties de l'Orthographe ont pour objet 1°, les Lettres; 2°, les Mots; 3°, les Accens & autres fignes, ufités dans l'écriture. C'est l'ordre que nous fuivrons ici.

PREMIERE SECTION.

DES LETTRES.

On ne diftinguoit autrefois dans notre alphabet que vingt-trois Lettres : mais alors on étoit obligé de diftinguer deux i & deux u favoir l'I voyele, & l'J confone; & de même l'U voyele, & l'V confone. Mais ces deux i & ces deux u, s'exprimant ainfi par deux caracteres, il en résulte que nous avons dans notre alphabet vingt-cinq caracteres, & conséquemment vingt-cinq lettres, que l'ACADÉMIE diftingue expressément dans la derniere édition de fon Dictionaire. Nous les diftinguerons donc de même ; & nous allons traiter de chacune en particulier.

ARTICLE I. De la Lettre A.

Les Voyeles exigent une attention particuliere qui oblige d'entrer dans quelque détail.

§. 1. Du fon plus ou moins ouvert, bref ou long, de la lettre A.

La lettre A fe prononce d'un fon plus ou moins ouvert felon qu'elle est longue ou breve. Lorfqu'elle eft longue, elle porte fouvent l'accent circonflexe; & il femble qu'excepté la terminaifon en S, où l'A qui précede eft toujours long, il conviendroit d'appliquer l'accent circonflexe généralement à tous les a longs, pour les diftinguer de ceux qui font brefs. Voici ceux qui font longs:

1°, L'A eft long, quand il fe prend pour la premiere lettre de l'alphabet: un petit a; un grand A. Il est bref dans ces mots : il va à Paris, où il a un procès.

2o, Au commencement du mot l'A eft long dans âcre, afre, âge ágnus, âme, âne, ânus, âpre, ârhes, âs, & dans leurs dérivés, âcreté, ágé, âneffe, anon, âpreté.

3°, A la fin des mots dans les noms terminés en AS, foit que l'on y prononce la lettre S, comme dans Atlas, Pallas, &c. foit qu'on ne l'y

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