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elle-même, nous-mêmes, vous-mêmes, eux-mêmes, elles-mêmes. La raifon de cela eft que les deux mots ainfi unis, font confidérés comme ne formant qu'un feul mot. Mais c'eft un abus que d'écrire avec une Division en même-temps: cette expreffion eft composée de trois mots qui doivent demeurer séparés en même temps.

On admet la Divifion entre le mot très & l'adjectif qui le fuit immédiatement. Exemples, Très-beau, très-humble, &c. & enfin après ce mot jufque, & plufieurs autres lorfqu'ils font fuivis de la particule démonstrative là. Exemples, jusque-là, celui-là, celle-là, &c. Ce font toutes expreffions où les deux mots unis font confidérés comme n'étant qu'un feul mot.

Les confones qui peuvent se joindre enfemble au commencement d'un mot, doivent auffi fe joindre au milieu fans les séparer. C'est le fentiment de MM. de Port-Royal; & Ramus prétend que de faire autrement c'est commettre un barbarifme. Suivant cette regle, on doit divifer Do-tur, épilé-pfie, Pa-fleur, pro-fpérer, &c. parce qu'il y a des mots qui commencent par les mêmes confones divisées, tels que Crefiphon, Pfittacus, fto, fpes, &c.

Il faut ici rappeler ce que nous avons déja dit, que lorsqu'on divife fur une pénultieme qui n'ayant point d'accent, doit néanmoins fe prononcer, il faut lui donner l'accent aigu, afin qu'on le prononce : ils aimé-rent; ils murmuré-rent; ils tombé-rent.

Il ne reste plus à faire fur la Divifion, qu'une feule obfervation qui ne regarde que l'abus de divifer quelquefois deux lettres d'un mot qui finit une ligne, pour les porter au commencement d'une autre. Exemp. Téméri-té, cel-le, & femblables, ce qu'on doit éviter par deux raifons: la premiere, parce que la Divifion n'eft point agréable aux ieux des Lecteurs; vérité dont étoit fi perfuadé M. de Tillemont, qu'il ne la foufroit dans fes Œuvres que très-rarement la feconde raifon eft la Divifion tient la place d'une lettre, & qu'il faut que la ligne foit bien ferrée, s'il n'y a pas de place pour l'autre, auquel cas il vaut mieux efpacer les mots, & porter deux fyllabes au commencement de la ligne fuivante, comme témérité, ou même le mot tout entier, s'il eft court, comme celle.

ARTICLE VII. De la Ponctuation.

:

que

L'Ecriture étant l'image de la parole, elle doit avoir fes pauses comme le difcours c'est par ce motif que la ponctuation a été inventée. Le point eft la marque de la plus forte paufe: auffi ne l'emploie-t-on que pour marquer que le fens d'une période eft parfait & fini. Les deuxpoints, que les Imprimeurs nomment comma, fe placent au milieu de cette même période entre deux propofitions qui fe fuivent néceffairement. Le point-&-virgule, qu'on nomme petit-qué, fe mettent quand il y a encore une plus grande liaifon entre deux propofitions: enfin, la virgule s'emploie entre des termes qui font par eux-mêmes diftincts,

mais qui font unis par la conftruction. Le petit-qué est ainsi nommé, parce qu'autrefois il fervoit à abréger en Latin le mot quæ, au lieu duquel on écrivoit q;. Le comma tire fon nom du Latin comma, qui fignifie divifion d'une période. Remarquez que les conjonctions &, ni, ou, comme, & quelques-autres, tienent lieu de la virgule, quand les termes qu'elles aflemblent font fimples & courts.

On peut ici obferver que quand la conjonction & unit deux nominatifs -ou deux régimes, elle n'a pas befoin de virgule: Les Grecs & les Romains ont cultivé les Sciences & les Arts: mais lorfqu'elle joint deux phrases, elle admet la virgule: Les Grecs ont fubjugué les Perfes, & les Romains ont fubjugué les Grecs. Si entre deux phrates fe trouve une conjonction plus forte; c'est-à-dire, car, mais, parce que, on emploie le pointvirgule: Il y aura de l'orage; car le temps fe couvre. Mais fi entre deux petites phrafes il n'y a aucune conjonction; c'eft alors la place des deux points: Le temps fe couvre : il y aura de l'orage. Au refte, il est difficile de déterminer des regles fixes fur l'ufage de ces ponctuations: Elles varient felon la suite & l'enchaînement du difcours. Il fuffit d'obferver que le point-virgule eft plus fort que la fimple virgule, & vaut moins que le double point, & on doit avoir grande attention à ne point placer une ponctuation forte avant une autre foible. C'est pourquoi il y a des cas où la ponctuation forte du double point doit fe changer en fimple virgule, relativement au fens de la phrafe qui demeure fufpendu. Ainfi on écrira: Le peuple crioit devant Jefus : Hofanna, au fils de David. Voilà le double point précédant un point. Mais fi je dis : Le même peuple qui crioit devant Jefus, Hofanna au Fils de David; quelques jours après cria, Qu'il foit crucifié: Ici je ne puis plus mettre un double point avant Hofanna, parce qu'il feroit fuivi d'un point-virgule; je fuis donc obligé de mettre avant Hofanna, une fimple virgule, & pour conferver le parallele, je mettrai de même une fimple virgule avant ces mots : Qu'il foit crucifié. En un mot c'eft le fens du difcours, qui doit déterminer la nature des ponctuations.

Outre le point fimple, le double point, & le point-virgule, dont nous venons de parler, on diftingue encore le point-interrogant ? & le pointadmiratif!

Le point-interrogant? fe place à la fin d'une période dans laquelle il y a une interrogation, pourvu cependant que cette période ne foit pas trop longue; car alors on peut la terminer avec un point fimple.

Le point-admiratif! fe place après une exclamation. Mais comme il arive fouvent que cette exclamation eft fuivie d'une interrogation, le point-admiratif doit être mis immédiatement après l'exclamation, & le point interrogant à la fin de la période. En voici un exemple: Hélas! qui l'auroit pensé ?

Il faut encore obferver qu'on ne doit point mettre de Capitale après le point-admiratif, ni après le point-interrogant, à moins qu'ils ne terminent une phrase.

ARTICLE VIII. Des Parenthefes & des Crochets.

On confond quelquefois deux fignes qui ont néanmoins un ufage fort différent : ce font les Parentheses & les Crochets.

Les Parenthefes fervent à conferver quelques parties qui apartienent au difcours, mais qui en interrompent la fuite: les Crochets fervent à enfermer quelques paroles qu'on infere dans un discours, mais qui ne lui apartienent pas.

Ainfi on dira: Les idolâtres (tant ils font aveugles !) adorent des Dieux qui font les ouvrages de leurs mains. Ici c'eft une réflexion qui interrompt la fuite du difcours; c'eft une feconde phrafe qui coupe la premiere, & sépare le Nominatif d'avec fon Verbe: cela doit être entre parentheses. Mais fi l'on raporte les paroles d'un Auteur, & que pour en éclairer le fens, on y ajoute quelques mots, ces mots étrangers au texte doivent être entre deux crochets. Je fuppofe qu'on raporte ce que dit M. Boffuet en parlant d'Annibal: » Ce grand Capitaine [ Annibal ] » réduit à fe fauver de fon pays, remua l'Orient contr'eux, [contre les » Romains, ] & attira leurs armes en Afie.» Ce qui eft mis ici entre crochets n'apartient point au difcours; ce ne font point des paroles de l'Auteur; mais elles font ajoutées à fon texte : voilà pourquoi elles doivent être, non pas entre parentheses, mais entre crochets.

Dans l'ufage des parentheses & des crochets, il s'eft élevé une queftion fur la place que doivent y occuper les ponctuations, qui quelquetois les terminent : les ponctuations doivent-elles être dehors ou dedans? Il est peutêtre affez étonant qu'on ait pu être indécis fur cela; car dès que ces ponAtuations apartienent aux paroles enfermées dans ces parentheses ou dans ces crochets, il est évident qu'elles doivent y être renfermées. Ainfi on dira avec M. Rollin : » On fit dans cette Campagne, (c'étoit la troifieme » de la feconde guerre Punique ;) ce qui ne s'étoit jamais pratiqué juf»ques alors. » Il est évident que ce point-virgule eft relatif à la phrase enfermée dans la parenthese, & qu'ainfi il doit y être lui-même renfermé. D'ailleurs les parentheses doivent être difposées de maniere qu'en les fupprimant avec tout ce qu'elles renferment, le difcours demeure ponctué comme il devroit l'être s'il n'eût pas été interrompu. Ôtez la phrase renfermée ici dans ces parentheses; que reftera-t-il? » On fit dans cette campagne, ce qui ne s'étoit jamais pratiqué jusques alors. » Voilà le difcours ponctué comme il doit l'être. Si le point-virgule étoit hors la parenthese, il viendroit alors se réunir avec la virgule qui précede la parenthese; vous auriez deux ponctuations au lieu d'une; & ce feroit celle-là qui deviendroit inutile, parce qu'elle n'apartenoit qu'à ce que renfermoit la parenthefe : elle devoit donc y être elle-même renfermée.

Il y a cependant un cas où la ponctuation peut fe mettre après la parenthefe: c'eft dans les Tables alphabétiques où les prénoms fe tranipofent, & fe mettent entre parentheses après le nom. Exemple: De Lufignan (Hugues), Cardinal. La virgule doit être après la parenthese:

pourquoi ?

de

pourquoi? parce qu'elle ne fe raporte pas à Hugues, mais à de Lufignan, qu'elle sépare d'avec Cardinal, c'est-à-dire, que le fens de cet énoncé eft, Hugues de Lufignan, Cardinal: voilà la vraie place de cette virgule. Pouroit-on la mettre avant la parenthese? pouroit-on écrire, Lufignan, (Hugues ) Cardinal? Non : parce que de Lufignan & Huques font inséparables: le fens eft Hugues de Lufignan: mais ces deux mots inséparables doivent être séparés du mot Cardinal par une virgule; l'unique place de cette virgule eft donc entre la parenthese & le mot Cardinal.

Autre queftion fur l'ufage des parentheses dans les Tables: on demande s'il ne faudroit point mettre Lufignan (Hugues de), Cardinal. On prétend que cela eft néceffaire pour rendre dominante la lettre L qui détermine le rang de ce nom dans une Table alphabétique. Mais premiérement c'eft mutiler ce nom que d'en séparer le de. Il est évident que ce de n'apartient point à Hugues mais à Lufignan. Dans ce nom Hugues de Lufignan, il n'y a que deux noms à diftinguer, favoir le prénom Hugues, & le nom de famille de Lufignan. On peut bien séparer & tranfpofer le prénom Hugues, mais l'article de eft inséparable du nom; il en fait partie effentiele: de Lufignan. La feule précaution qu'il y ait á prendre relativement à l'ordre alphabétique où fe trouve ce nom, c'est de ne donner qu'une petite lettre à l'article de afin que la lettre initiale du nom qui fuit foit feule dominante: de Lufignan ( Hugues ), Cardinal.

ARTICLE IX. Des Guillemets.

Les doubles Virgules que l'on nomme Guillemets, ont, dit-on, été ainfi appelées du nom de celui qui le premier s'en fervit. On les emploie pour diftinguer dans le difcours certaines phrafes, certains paffages plus ou moins étendus, que l'on emprunte d'ailleurs, & que l'on y infere. Mais on varie dans la maniere de les tourner & de les placer. Les uns les emploient comme les virgules »; les autres les retournent «, pour ne les pas confondre avec les virgules: d'autres les emploient de l'une & de l'autre maniere comme les parentheses, diftinguant Guillemets ouvrans & Guillemets fermans ». A l'égard de ceux qui fe continuent depuis Touverture jufqu'à la clôture, les uns les mettent à droite, & les autres à gauche. On a auffi vu communément des textes par un Guillemer euvrant «, & les continuer par des Guillemets fermans » : cette pratique et affez visiblement difcordante: car lorfqu'on diftingue Guillemets ou vans & Guillemets fermans », il eft affez évident que l'ouverture doit continuer depuis le premier jufqu'au dernier, qui feul doit être fermant. Mais la pratique la plus fimple, &, ce femble, la plus naturele, eft de négliger totalement cette diftinction, en mettant tous les Guillemets en forme de doubles virgules, & toujours à gauche. La raison de préférer la gauche, c'est qu'à droite, à la fin des lignes, ils furchargent les divilions qui peuvent s'y trouver, ils coupent trop le fil du discours, au

m

AVIS.

Quelque attention qu'on ait eue dans le cours de l'impreffion de ce Traité, nous ne pouvons nous flater de n'avoir point laissé paffer quelque faute : nous prions le Lecteur indulgent de vouloir les corriger à la main; & fi on s'aperçoit que dans quelques mots nous n'avons pas fuivi l'Orthographe défignée, on doit faire attention qu'il eft impoffible que dans un Ouvrage de cette espece, il ne fe gliffe quelques variantes, principalement dans les mots où l'Ufage ne paroît pas encore décidé. Nous ofons nous promettre de l'attention avec laquelle nous avons suivi cette Édition, qu'il s'en trouvera peu.

TRAITÉ

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