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d'une portion de l'héritage dont ils sont détenteurs, et prévenir la prescription, dont ils sont responsables.

On ne peut se refuser au bornage, lors même que les limites de son héritage sont déterminées par des haies, des épines, des arbres ou autres objets qui n'ont pas le caractère usité de bornes, parce que l'on ne doit pas confondre une limitation imparfaite, et souvent variable, avec le bornage; et quand bien même la délimitation est exacte, elle ne peut qu'indiquer la ligne sur laquelle doivent ètre placées les bornes, tandis que le bornage a pour objet de constater d'une manière immuable cette délimitation.

Le bornage ne peut pas être demandé lorsqu'il se trouve des limites certaines entre deux héritages, telles qu'un chemin public, un fleuve ou une rivière, soit navigable, soit flottable; dans ce cas, la demande serait sans motif (L. 4, paragr. 11, ff. fin. reg. L. 5, ibid.).

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Mais si les héritages sont séparés par une rivière qui appartienne à ceux dont elle traverse les propriétés, cette rivière n'empêche pas qu'on puisse requérir le bornage.

23.

Personne n'a droit de borner soi-même ses héritages, sans la participation et hors la présence des parties intéressées. Si donc l'une veut se borner, et que l'autre n'y consente, il est indispensable que la première ait recours à la voie judiciaire.

Le bornage peut se faire de deux manières : par jugement rendu après expertise et souvent arpentage; ou à l'amiable, du consentement des parties intéressées. Il ne peut être fait à l'amiable, si les parties ne sont pas toutes maîtresses de leurs droits.

24. Dans tous les cas où il y a lieu à expertise, l'expert doit faire son rapport, d'après: 1o les titres de propriété, lorsqu'ils sont respectivement représentés, et qu'ils indiquent les bornes et l'étendue que l'héritage doit avoir; 2o les anciens procès-verbaux de bornage, s'il en existe; 3° les anciennes bornes, si elles n'ont point été transportées, soit par les mutations des propriétaires, ou en conséquence des partages, des successions, ou de la volonté des parties; 4o les marques extérieures qui peuvent faire présumer les bornes, ou d'après la possession respective des parties, si les parties fondent leurs droits sur cette possession, et si elle est avouée ou jugée suffisante pour leur faire acquérir la propriété du terrain qu'elles réclament.

L'application des titres de propriété exige beaucoup d'attention de la part des experts, lorsque ces titres sont multipliés et anciens, parce qu'il est souvent fort difficile de fixer et reconnaître l'éten

due des fonds, portée dans les différents titres, à cause des mutations des possesseurs, de la variation dans la dénomination de ces fonds, causée par l'union des familles, par la négligence, par la perte d'une partie des titres, par le laps de temps, et par les améliorations ou les détériorations des héritages et les changements de culture.

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25. Voici différentes règles, qui toutes ont la sanction de la doctrine et de la jurisprudence, à l'aide desquelles on peut résoudre la plupart des difficultés qui se présentent; nous donnons ces règles à la suite des mentions du rapport, afin de mettre l'expert à même de donner son avis suivant la mission à lui confiée par le juge.

S'il est constaté par les titres ou par les anciens procès-verbaux de bornage, que l'un des voisins a plus que la contenance qu'il doit avoir, et que l'autre en a moins, on doit parfaire ce qui manque à celui-ci, avec ce que l'autre a de plus, sauf les droits résultant de la prescription dans les cas où elle a pu être acquise.

S'il y a contestation sur la contenance de deux héritages qui ont appartenu au même propriétaire, et que ce même propriétaire, en vendant un de ces héritages, en ait fixé les confins autrement qu'ils ne le sont par des bornes, il ne faut pas se régler sur les anciennes bornes, mais sur l'acte de vente contenant l'énonciation de l'ancien propriétaire.

Si, dans un bornage, l'obscurité est telle qu'on ne puisse, par aucune voie, déterminer les confins des héritages à borner, on peut ou partager ce qui est en contestation, ou l'adjuger à l'un des voisins, en l'obligeant à quelque retour envers l'autre, ou, enfin, adjuger à chaque partie une portion du terrain contentieux, suivant qu'il paraît que la propriété lui appartient ( ff. fin. regund.).

Lorsqu'on pose des bornes entre deux héritages séparés par un fossé qui appartient à l'un des deux propriétaires, elles doivent être mises à 33 centimètres de distance du bord du fossé, à moins qu'il ne soit prouvé que le propriétaire du fossé n'a pas laissé cette distance entre son fossé et l'héritage voisin.

Si, dans la ligne séparative de deux héritages, il se trouve un arbre qui étende ses racines et ses branches sur les deux héritages, il appartient à chaque voisin pour moitié; si l'un a recueilli seul les fruits, il en doit tenir compte à l'autre ; ce qui provient de l'émonde, ou la valeur même de l'arbre, quand il est abattu, doit être également partagé. Si le principal tronc d'un arbre sort de terre dans le terrain de l'un des voisins, il appartient au pro

Experts.

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priétaire de ce terrain, sauf le droit du propriétaire voisin de demander la coupe des branches qui avancent sur sa propriété, et de couper lui-même les racines qui sont dans la même condition (C. C. 672, 673).

Le propriétaire qui demande le bornage ne peut pas exiger que les propriétés contiguës soient préalablement arpentées, lorsqu'il n'articule aucune anticipation, et qu'on lui oppose une possession trentenaire. Le bornage doit alors se faire dans les limites de la possession (Orléans, 24 août 1816).

26. On appelle en général bornes, toute séparation, naturelle ou artificielle, qui marque les confins ou la division de deux héritages contigus.

On en distingue de trois espèces.

La première espèce est celle des bornes proprement dites; elles consistent tantôt dans une grosse pierre plantée dans la terre, sous laquelle ou aux côtés de laquelle on place d'autres pierres, des morceaux de tuiles, du charbon ou autres objets, qu'on appelle, suivant les différents pays, garants, témoins, perdraux ou filleules; tantôt dans une pierre au-dessus de laquelle, ou à côté de laquelle on place hors de terre des morceaux de métal ou quelque marque qui paraisse évidemment travaillée de main d'homme, afin de certifier que la pierre ne se trouve pas là par hasard; tantôt enfin, en des croix et autres marques gravées sur des rochers, ou sur des arbres plantés contradictoirement sur les limites.

La seconde espèce est celle que l'on appelle limites naturelles, telles que sont les montagnes, la mer, les rivières, les ruisseaux, les ravins ou fossés invariables, les tertres, les rochers, les routes, les chemins publics ou vicinaux.

Enfin, la troisième espèce de bornes consiste dans les séparations avec lesquelles on clôt les héritages, telles que les murs, les haies vives, les fossés, etc.

On donne à la première espèce le nom de bornes mobiles, parce qu'elles peuvent être placées et déplacées par la main des hommes, et aux deux autres le nom de bornes immobiles.

Le plus souvent, les bornes qui séparent les terres des particuliers ne sont point apparentes, surtout dans les bois, où la terre s'élève peu à peu par le débris des feuilles qui tombent annuellement des arbres; les experts doivent donc faire des fouilles aux endroits où ils jugent qu'il pourrait y avoir des bornes ; elles sont toujours plantées aux angles que forment les héritages. Lorsqu'elles se retrouvent et sont reconnues pour bornes, la difficulté

est levée, si les possessions respectives sont conformes aux bornes; mais si la possession n'est pas conforme aux bornes, soit, comme il arrive quelquefois, parce que les bornes découvertes ont été furtivement posées, soit parce que l'un des propriétaires aura négligé de les faire enlever, sur ce qu'il ne croyait pas utile de le faire; en raison de ce que sa propriété lui paraissait assurée par un contrat qu'il n'imaginait pas pouvoir perdre; c'est, comme dans le cas de fausse énonciation des titres, la possession, lorsqu'elle a duré le temps nécessaire pour prescrire, qui doit servir à trancher la difficulté.

Les limites naturelles sont pareillement susceptibles de plusieurs observations.

Les tertres sont toujours présumés appartenir à ceux qui possèdent les fonds supérieurs, par la raison qu'ils soutiennent ces fonds. Il faudrait un titre, une possession, ou des bornes à l'abri de toute contestation pour les adjuger au fonds inférieur.

Quant au rivage de la mer, il ne peut jamais être censé partie des héritages qui l'avoisinent.

On répute bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le flot de mars se peut étendre sur les grèves (Ordonnance de la marine, de 1681, titre 7, art. 1er).

Cette loi ne parle que des bords de la mer, et non de ceux des rivières navigables. Elle ne parle que des grèves qui sont sur le bord de la mer, et non des terres cultivées au bord des rivières; d'où il suit que la marée qui couvre périodiquement les rives des fleuves navigables n'opère aucun changement dans la propriété, parce que les terres n'en sont pas moins susceptibles de culture (1); ainsi, quoiqu'elles soient couvertes par le flux et le reflux de la mer, elles n'en sont pas moins une propriété particulière, et ont par conséquent pour bornes les rives des fleuves.

A l'égard des ruisseaux, des rivières non navigables et flottables, le milieu du courant de l'eau doit être regardé comme la limite des fonds contigus. Chacun doit jouir jusque-là de tous ses avantages. S'il y a quelque chose au milieu, elle est commune, ou, pour mieux dire, elle appartient, comme nous l'avons déjà dit cidessus, aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne que l'on suppose tracée au milieu du cours d'eau.

Il en est de même des cours d'eau appelés torrents, parce qu'ils

(1) Arrêts rendus en la grande direction des finances, les 6 août et 13 décembre 1771, et 27 juillet 1778.

ne sont pas perpétuels (1), s'il n'existe aucun titre qui prouve que le lit du torrent appartient à l'un des propriétaires riverains de ce lit.

Nous nous occuperons, en traitant des servitudes, du bornage qui résulte des murs, des fossés et des haies. La première question à résoudre, est celle de savoir si ces limites sont ou non mitoyennes. En ce qui concerne les murs, s'il n'y a point de mitoyenneté, c'est en général le bord du mur opposé à l'héritage sur lequel le mur est situé qui forme la ligne de séparation que l'on cherche.

27. Voici ce que nous lisons dans l'excellent ouvrage de Desgodets, dont les écrits forment, pour ainsi dire, jurisprudence, sur le tracé d'une limite que recouvre un mur, limite, comme on le va voir, souvent fort difficile à bien établir. On comprend toute l'importance de la précision, en réfléchissant à la valeur extrême qu'acquièrent les terrains dans les villes.

Dans le cas où il y a mitoyenneté, la ligne de séparation des héritages est celle du milieu, ou de l'épaisseur du mur ou de la haie, ou de la largeur du fossé. On ne comprend point dans l'épaisseur d'un mur mitoyen celle des contre-murs qui s'y trouvent adossés, soit pour soutenir la poussée des terres plus élevées d'un côté que de l'autre, soit pour empêcher la filtration des eaux, ou pour tout autre motif. La raison en est que les contre-murs sont toujours censés appartenir à ceux qui sont obligés de les construire, à moins qu'il n'y ait titre contraire.

Lorsqu'il s'agit de reconnaître l'alignement d'un ancien mur construit, dans l'origine, sur un terrain qui est au même niveau des deux côtés, c'est au droit de l'ancien sol, ou rez-de-chaussée, que l'on doit prendre cet alignement, précisément au-dessus de l'empatement; et l'on ne doit avoir aucun égard à l'aplomb et à l'alignement de l'élévation du haut, qui est exposée à se déverser, tandis que le rez-de-chaussée est supposé ne pouvoir pas changer, et ne peut éprouver que très-peu de changement.

Il faut suivre l'alignement de l'ancien mur immédiatement audessus de sa fondation, soit qu'il y ait empatement ou qu'il n'y en ait point, soit que les empatements soient inégaux, ou qu'il n'y en ait que d'un côté, soit que la fondation soit inégale et en porte-àfaux, parce que l'ouvrier peut s'être trompé en faisant la fondation, tant par la profondeur d'icelle que par l'embarras des contrefiches et autres inconvénients, et qu'il se fait aussi quelquefois

(2) Torrens est quod perenne non est. (L. 1, § 2, ff. de flumine.)

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