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ceux de l'alignement, s'il a été nécessaire d'en prendre pour placer les jambes sous les poutres.

Lorsque les poutres ont été placées dans toute l'épaisseur d'un mur mitoyen, par un des copropriétaires de ce mur, et que l'autre copropriétaire veut adosser une cheminée contre ce mur, il ne peut se dispenser de faire un contre-mur, ou d'user du droit que lui donne la loi de faire réduire les poutres à l'ébauchoir, jusqu'à la moitié du mur; s'il se dispensait de faire un contre-mur et de réduire les poutres, il contreviendrait aux lois sur les bâtiments, et à l'art. 674 du Code civil.

67. Encore que le copropriétaire ait pris toutes les précautions prescrites par l'article 674 en faisant sa construction, il peut être contraint à la supprimer, s'il est reconnu qu'elle cause des préjudices ou des incommodités graves à l'autre copropriétaire. Cela est vrai, surtout lorsqu'il s'agit d'un four ou de toute autre construction qui peut être dangereuse ou insalubre (Metz, 20 août 1826).

Le droit de bâtir contre un mur mitoyen ou d'y placer des poutres, ne donne pas celui de le démolir et reconstruire en totalité, à moins que, comme dans le cas de l'exhaussement du mur, dont il sera question ci-après, le mur mitoyen ne soit pas dans le cas de supporter l'édifice que l'on veut y adosser, et que la nécessité de le reconstruire ne soit reconnue par le voisin, ou contestée par experts.

68. Tout propriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen; mais il doit payer seul la dépense de l'exhaussement, les réparations d'entretien au-dessus de la hauteur de la clôture commune, et en outre l'indemnité de la charge, en raison de l'exhaussement, et suivant la valeur (C. C. 658).

Si les copropriétaires du mur ne peuvent pas s'accorder à l'amiable sur le montant de l'indemnité à payer, elle doit être fixée par des experts, et ils doivent principalement la fixer dans la proportion de ce que le mur chargé durera plus ou moins de temps qu'il aurait duré, si l'on n'avait fait aucune élévation dessus.

Celui qui, en exhaussant le mur mitoyen, a été obligé, pour faire cet exhaussement, d'enfoncer ce mur plus bas que le fonds solide, doit réparer à ses dépens tout ce qui est au-dessous du fonds solide, par la même raison qu'il est obligé d'entretenir de réparations tout ce qui est au-dessus de la hauteur de la clôture com

mune:

Lorsque le mur mitoyen est de construction et d'épaisseur suffisantes, sans être fondé jusque sur le fonds solide, et que celui qui veut l'exhausser fait faire, par sous-œuvre, une augmentation de fondations jusqu'au fonds solide, il ne doit payer à l'autre les charges que suivant la proportion qu'il y aura entre toute la hauteur du mur de clôture, jointe avec la plus basse fondation, et la hauteur de ce qui sera resté de l'ancien mur, parce que le mur dont on paie les charges doit être fondé sur le fonds solide. Ainsi, par exemple, si ce qui est resté de l'ancien mur est de 4 mètres de hauteur avec son ancienne fondation, et que la plus basse fondation faite par sous-œuvre soit de 1 mètre 30 centimètres de profondeur, on ne doit payer, pour les charges de ce qui sera élevé au-dessus de la hauteur de clôture, que les trois quarts de ce qu'on aurait payé si le mur avait été bien fondé (Desgodets, sur l'article 196 de la Coutume de Paris, n° 8).

Si l'exhaussement d'un mur mitoyen était fait par un copropriétaire, sans nécessité ou sans aucune utilité, et dans le seul dessein de rendre obscure et inhabitable la maison du voisin, il y aurait lieu à réduire l'exhaussement à une proportion raisonnable, tant que le mur ne serait pas nécessaire pour bâtir (1).

Si le mur n'est pas en état de supporter l'exhaussement (soit parce qu'il n'est pas assez solide et assez épais, soit parce que les fondations n'en sont point assez profondes ou ne sont point assises sur un fonds assez solide, soit par tout autre motif), celui qui veut l'exhausser doit le faire reconstruire en entier à ses frais, et l'excédant de l'épaisseur doit se prendre de son côté (C. C. 659).

69. - Tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen, en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. Le voisin qui n'a pas contribué à l'exhaussement peut en acquérir la mitoyenneté en payant la moitié de la dépense qu'il a coûté, et la valeur de la moitié du sol fourni, s'il y en a (C. C. 661, 660).

Le propriétaire d'un mur dont le voisin veut acquérir la mitoyenneté, peut toujours exiger que la valeur du mur soit détermi

(1) In hoc enim maliciosus est; malitiis autem hominum non indulgendum est. (L. 38, ff. de rei vind.) Non est ferendus qui vult alteri obesse, nec sibi prodesse ( L. 3, cod. per quas personas; Arrêt du 4 février 1659; Pothier, premier appendice du Contrat de Société, no 212; Bourjon, Droit commun de la France, tome 2, titre 1, sect. 3). Mais il faudrait que la malice du voisin fût incontestablement prouvée.

née par experts, et c'est à celui qui veut acquérir la mitoyenneté à supporter les frais de l'expertise, peu importe qu'il ait, préalablement, fait des offres supérieures à l'estimation des experts (Limoges, 12 avril 1820). Cependant M. Toullier est d'une opinion contraire, et subordonne les frais à la validité ou l'invalidité des offres (Toullier, 195, t. 3).

Les valeurs dont nous venons de parler, sont celles du mur ou de la portion du mur, et du sol au temps où le propriétaire use de la faculté de rendre ce mur mitoyen.

La vente de la mitoyenneté d'un mur constitue une vente d'immeuble, et l'action en paiement du prix est réelle, de sa nature; on peut donc l'intenter contre le détenteur de l'immeuble, encore qu'il ne soit pas le vendeur. La créance d'un prix de mitoyenneté constitue un privilège de vendeur avec tous ses avantages; en cas de non paiement, il y a lieu à résolution de la vente, et le mur perd son caractère de mitoyenneté.

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70. L'acquisition de la mitoyenneté d'un mur nuit-elle aux servitudes existantes dans le mur ou à l'occasion du mur, au profit de l'un des voisins? Que deviendra, par exemple, un droit de jour, existant dans le mur, au profit du propriétaire forcé de vendre? Sur cette question très-grave, d'importantes discussions se sont élevées, et des opinions contraires, sanctionnées par des arrêts, se sont établies. Sans entrer dans leur discussion, nous allons donner le résumé de notre opinion : une distinction doit être établie entre les servitudes constituées par titres, et celles résultant d'un fait; les premières doivent continuer à subsister, car il ne nous semble pas possible qu'on puisse indirectement se soustraire à une obligation volontairement acceptée; les autres doivent être rachetées à dire d'expert, tout comme la mitoyenneté du mur, dont elles viendront augmenter la valeur. Cette solution est inévitable, car la loi, en autorisant l'achat de la mitoyenneté d'un mur, d'une manière absolue, a voulu que cette acquisition fût toujours possible, et c'est le seul moyen d'arriver à son exécution. Mais il faut que l'acquisition du mur mitoyen ait lieu dans son entier, et ne soit pas faite seulement dans la pensée de se soustraire à l'exercice d'une servitude, car, alors, il y aurait mauvaise foi, et la mauvaise foi ne peut jamais être sanctionnée. Peut-être trouverait-on que les motifs que nous donnons pour les servitudes constituées sans titre, pourraient s'appliquer à celles qui résultent des titres, mais on n'oubliera pas que l'on peut déroger par conventions à toutes les obligations résultant de la loi et n'intéressant pas l'or

dre public, et nous croyons que le titre constitutif d'une servitude à exercer dans un mur, est une dérogation implicite, aux termes de l'art. 661.

La Cour de Poitiers a pensé, que celui qui acquérait une mitoyenneté, ne pouvait forcer le propriétaire originaire à supprimer les corps de cheminée existants dans l'épaisseur du mur. Cet arrêt, basé sur ce que l'acquisition n'a pas d'effet rétroactif, a été vivement critiqué, et, suivant nous, avec raison (Poitiers, 28 déc. 1841)(1).

71.

Le voisin d'un mur non mitoyen ne peut en user d'aucune manière que ce soit, sans le consentement de celui auquel le mur appartient; cependant, si, sans hacher et altérer ce mur, le voisin se bornait à y faire un enduit pour y peindre une perspective, le propriétaire du mur ne pourrait pas être écouté à s'en plaindre et à en faire détruire l'enduit et la perspective, parce que cet enduit et cette perspective, bien loin de nuire au mur, le conserveraient, en empêchant les eaux de pluie de s'insinuer dans les joints du moellon, et en les mettant en état de mieux résister à l'injure de l'air et à l'intempérie des saisons (Goupy, Lois des bátiments, sur l'art. 194 de la Cout. de Paris, no 13).

Mais si le mur est démoli, le voisin qui l'a fait enduire et qui y a fait peindre une perspective ne peut exiger aucune indemnité pour la destruction de son enduit et de sa perspective.

Si quelqu'un a bâti sur son terrain un mur joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut-il obliger son voisin à lui rembourser la moitié de la valeur de ce mur jusqu'à la hauteur de clôture, quoique le voisin ne se serve point de ce mur? Desgodets est d'avis, sur l'article 194 précité, que le remboursement ne peut pas être exigé tant que le mur est bon; mais que si le mur devient caduc, et qu'il soit nécessaire de le rebâtir, celui qui l'a fait construire peut contraindre le voisin à la reconstruction de ce mur jusqu'à la hauteur de clôture, en lui payant les charges de ce qui serait élevé au-dessus.

Goupy, ibid., pense que dans les lieux où l'on est obligé de se clore, un propriétaire qui a construit sur son terrain un mur joignant sans moyen l'héritage de son voisin, peut toujours exiger le remboursement de la valeur de ce mur jusqu'à la hauteur de

-

Cas

(1) Voici la liste des arrêts rendus dans notre sens : Paris, 18 juin 1836. sation, 5 décembre 1814. Angers, 20 août 1818. - Contrà: Cassation, 21 juillet

1836.- Rennes, 26 décembre 1835. (Tous ces arrêts rapportés au journal du palais. ) Experts.

II

clôture, aux offres de payer les charges, et qu'il ne peut y avoir de difficulté que pour le remboursement de la moitié de la valeur de la terre sur laquelle le mur est bâti, attendu qu'il était libre au propriétaire du mur de l'asseoir moitié sur le terrain de son voisin, et qu'il faudraitqu'il y eût des motifs légitimes pour l'en avoir empêché.

Mais nous estimons que, dans les lieux mêmes où l'on est obligé de se clore, celui qui fait construire un mur à ses dépens et sur son terrain, ne peut pas forcer son voisin à lui payer la moitié de la valeur de ce mur, et encore moins la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. Les raisons en sont: 1o qu'un propriétaire qui bâtit un mur à ses dépens sur son terrain renonce, au moins tacitement, au droit de faire faire ce mur à frais communs, afin de pouvoir pratiquer dans le mur des ouvertures et des fenêtres, et qu'après avoir renoncé à ce droit, il ne peut plus l'exercer; 2o qu'il ne peut pas être libre à un propriétaire de construire un mur sur son terrain pour forcer ensuite son voisin à lui payer la moitié de ce terrain, qui pourrait être quelquefois d'une valeur égale et même plus considérable que celle du mur.

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72. L'un des voisins ne peut pratiquer, dans le corps d'un mur mitoyen, aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre (C. C. 662) (1).

Si donc le propriétaire d'un mur mitoyen veut y adosser un bâtiment, y faire placer des poutres ou solives, ou s'en servir pour soutenir la voûte d'une cave, ou de toute autre manière, il doit en requérir le consentement du voisin par un acte extrajudiciaire, afin que sa réquisition ne puisse pas être contestée; et si le voisin refuse son consentement par écrit, il doit faire régler par des experts choisis à l'amiable, ou nommés en justice, les moyens nécessaires pour que les ouvrages projetés soient exécutés sans nuire aux droits du voisin; s'il ne le fait pas, il peut être empêché de continuer ses travaux jusqu'à ce que la manière de les opérer ait été réglée ; et s'ils ont causé quelque tort, il peut être condamné à réparer ces torts et à des dommages et intérêts.

Il ne doit pas même se borner à requérir et à obtenir le consentement du voisin, s'il veut abattre une maison adossée contre un mur mitoyen, lorsque le voisin a aussi une maison adossée contre le

(1) In re communi nemo dominorum jure facere quicquam, altero invito, potest. (L. 28, ff. comm. dividund.)

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