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écrit, ne peut demander que le remboursement de la valeur de cette matière, avec d'autant plus de raison qu'il n'éprouve aucun tort en recevant le prix de la matière dont il se trouve privé, parce qu'avec ce prix il peut s'en procurer une absolument semblable, qu'il peut employer au même usage que celle dont la valeur lui est payée.

Mais si la peinture était faite sur le mur d'un bâtiment, elle appartiendrait au propriétaire du bâtiment, sauf le cas où il serait possible de la séparer du bâtiment sans la détruire et sans nuire à la durée de l'édifice; car, dans ce cas, le propriétaire du mur n'aurait pas plus de droit à cette peinture qu'à toutes autres constructions et ouvrages faits sur son fonds par un tiers. Si donc il voulait la conserver, en vertu de l'article 555 du Code civil, il ne le pourrait, d'après ce même article, qu'en remboursant le prix de la valeur des matériaux qui auraient été employés à la faire, et celle de la main-d'œuvre du peintre par lequel elle aurait été faite. Prétendre la conserver gratuitement, ce serait se rendre coupable de dol, et vouloir s'enrichir injustement aux dépens d'un tiers (1).

54. Si un artisan ou une personne quelconque a employé une matière qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une nouvelle espèce, soit que la matière puisse ou non reprendre sa première forme, celui qui en était le propriétaire a le droit de réclamer la chose qui en a été formée, én remboursant le prix de la main-d'œuvre (C. C. 570).

Si, par exemple, un orfèvre a employé un lingot d'argent qui m'appartient, pour en faire des plats, je puis le forcer à me remettre ces plats, en lui payant la main-d'œuvre.

Si cependant la main-d'œuvre était tellement importante qu'elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l'industrie est alors la partie principale, et l'ouvrier a le droit de retenir la chose travaillée, en remboursant le prix de la matière au propriétaire (C. C. 571).

Ainsi, lorsqu'un orfèvre a employé mon lingot d'argent à fabriquer des vases ou une statue, dont la principale valeur consiste dans la forme, je ne puis pas réclamer ces vases ou cette statue; je dois me contenter de la valeur de mon lingot, et je ne puis me

(1) Nam videri me dolum málum facere, qui ex alia jactura lucrum quæram, L. 17. in fin. ff. de inst. act. Jure naturæ æquum est, neminem cum alterius detrimento fieri locupletiorem. L. 206, ff. reg. jur.

plaindre justement, parce que je puis me procurer un lingot dé la valeur et au même titre que celui dont je suis privé.

1

Il doit en être de même si l'on emploie les bois d'un autre à construire un navire, parce qu'une des principales qualités du navire se trouve dans l'art avec lequel il a été construit.

Lorsqu'une personne a employé en partie la matière qui lui appartient, et en partie celle qui ne lui appartient pas, à former une chose d'une espèce nouvelle, sans que l'une ni l'autre des deux matières soient entièrement détruites, mais de manière qu'elles ne puissent pas se séparer sans inconvénient, la chose est commune aux deux propriétaires, en raison, quant à l'un, de la matière qui lui appartient; quant à l'autre, en raison à la fois de la matière et du prix de la main-d'œuvre (C. C. 572).

Si, par exemple, un fondeur a fait une statue avec un lingot d'or dont je suis propriétaire, et un lingot d'argent qui est à lui, cette statue nous appartient en commun, à moi quant à la valeur et au fondeur quant à la valeur de son argent et de

de mon or,

sa main-d'œuvre.

De même, lorsqu'une chose a été formée par le mélange de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent être séparées, celui à l'insu duquel les matières ont été mélangées peut en demander la division. Si les matières ne peuvent plus être séparées sans inconvénient, ils en acquièrent en commun la propriété dans la proportion de la quantité et de la valeur des matières appartenant à chacun d'eux (C. C. 573).

55. Si la matière appartenant à l'un des propriétaires est de beaucoup supérieure à l'autre par la qualité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur peut réclamer la chose provenue du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa matière (C. C. 574).

Lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun (C. C. 575).

56. - Dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée à son insu à former une chose d'une autre espèce, peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demandér la restitution de sa matière en mêmes nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur (C. C. 576).

Ceux qui ont employé des matières appartenant à d'autres, et à leur insu, peuvent aussi être condamnés à des dommages et

intérêts, s'il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voies extraordinaires, si le cas y échet (C. C. 577), comme il y a lieu lorsque les matières employées ont été volées.

CHAPITRE VII.

DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE.

SECTION PREMIÈRE.

DES PRINCIPES GÉNÉRAUX SUR LA MATIÈRE, ET DE LA LÉGISLATION ANTÉRIEURE A LA LOI DU 3 MAI 1841.

57. Textes des articles 545 du Code civil, 8 et 9 de la Charte constitutionnelle.

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61. Ce qui existe encore aujourd'hui de cette législation.

62. La législation se divise relativement à la permanence ou à la non permanence de l'expropriation.

63. Jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, relativement aux indemnités pour préjudice résultant d'expropriations.

64. Règles à suivre pour les travaux autorisés avant la loi du 3 mai 1841.

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57. La Charte a consacré le principe de l'expropriation, ce droit nécessaire de tous sur un seul, cette obligation de faire céder la propriété privée devant l'intérêt général. Il n'est pas besoin de faire l'apologie des bienfaits de cette législation; mais il est une chose remarquable à constater, c'est qu'à mesure que nous avons marché dans la voie de la légalité, de la liberté individuelle et politique, le respect pour la propriété privée a perdu de sa force, et on a employé l'expropriation avec une facilité qui, dans des circonstances diverses, nous a semblé abusive. Voici ce que portent les articles 8 et 10 de la Charte de 1830. Art. 8. Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles. Art. 9. L'Etat peut exiger le sacrifice d'une

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propriété, pour cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable.

Ce n'est pas seulement la Charte de 1830 qui a introduit ces dispositions, les gouvernements antérieurs en avaient senti la nécessité, et on lisait dans l'article 545 du Code civil: Nul ne peut ètre contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

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58. Le principe de l'expropriation une fois posé, il s'agissait d'en régler l'application. Différentes lois furent portées à cet égard, et celle du 3 mai 1841, qui nous régit actuellement, n'est qu'une disposition réglementaire et applicative des art. 8 et 9 de la Charte et 545 du Code. La première disposition législative qui mit en vigueur l'article 545, fut la loi du 16 septembre 1807. Elle fut promulguée sous la rubrique de Loi relative au desséchement des marais, mais elle avait une bien plus grande portée. Dans le Titre onzième : des indemnités dues aux propriétaires pour occupations de terrains, se trouve l'art. 49, aux termes duquel non-seulement les terrains nécessaires pour l'ouverture des canaux et rigoles, le desséchement des canaux de navigation (ce qui, en définitive, pourrait être la suite des travaux de desséchement), mais encore, ceux nécessaires à l'ouverture des rues, la formation des places et autres travaux reconnus d'utilité générale, peuvent être pris par l'administration, moyennant le paiement de la simple valeur à dire d'expert. L'art. 51 fixe les règles à suivre pour l'expropriation des bâtiments.

On le comprend, cette loi était la mise en œuvre de l'expropriation pour toute cause d'utilité publique, mais avec des conséquences fâcheuses, car aucune règle ne signalait la constatation de l'utilité générale. L'expropriation avait lieu par le fait de l'administration et sur sa seule déclaration ; enfin, l'indemnité fixée par trois experts, nommés l'un par le propriétaire, l'autre par le maire ou le préfet, et le troisième étant, de droit, l'ingénieur en chef du département, était définitivement fixée par le conseil de préfecture.

Cette loi avait donc le très-grave inconvénient d'abandonner la propriété privée à la discrétion de la seule autorité administrative, et on sait combien est forte la tendance de cette autorité à tout sacrifier à l'intérêt administratif; c'était un impérieux motif de changer cette législation, cependant nous verrons que son application n'a pas cessé d'avoir lieu, même aujourd'hui, dans un grand nombre de cas.

59. -L'abandonnement complet de la propriété privée au

pouvoir le moins propre à la conserver, effraya l'esprit public, et bientôt après, le 8 mars 1810, fut portée une loi sous une rubrique conforme à son véritable objet : Expropriation pour cause d'utilité publique; cette loi, de 1810, a posé les graves principes depuis développés et appliqués dans des proportions plus larges, à mesure que la liberté constitutionnelle s'est reposée sur de plus grandes bases. Voici l'économie de la législation qui nous occupe: constatation d'utilité publique par le pouvoir législatif (décret impérial); expropriation prononcée par l'autorité judiciaire; fixation d'indemnité par les tribunaux.

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L'article 27 disait que la loi du 7 septembre 1807 était rapportée en ce qu'elle avait de contraire aux dispositions présentes. Cependant ces deux lois continuèrent à exister simultanément et à fonctionner dans des limites respectives que voici la loi de 1810 ne disposait que pour le cas d'expropriation directe, c'est-àdire lorsqu'il s'agissait d'un retranchement total ou partiel de la propriété, et alors que ce retranchement avait lieu pour un temps perpétuel. Mais il se rencontre, à chaque instant, une série de cas où la propriété privée est attaquée d'une manière considérable, sans cependant que pour cela elle ait à souffrir aucun retranchement; par exemple : dans le cas d'exhaussement ou d'abaissement considérable du sol d'une route ou d'une rue bordant une propriété privée, ce qui en rend l'accès très-difficile ; et aussi, lorsqu'il y a lieu dans un intérêt général, à l'occupation momentanée d'un terrain à sa fouille, etc. ; pour tous ces cas, non prévus par la loi de 1810, les principes de celle de 1807 sont toujours restés applicables, et conséquemment, la fixation d'indemnité par les conseils de préfecture après rapports d'experts.

60. La loi du 7 juillet 1833 a complété la législation, mais toujours dans le même cercle que celle de 1810; cette loi étant abrogée par celle de 1841, nous n'avons pas à nous en occuper. 61. Mais, de tout ce que nous venons de dire, que reste-t-il aujourd'hui en vigueur, et quelle est la marche à suivre dans les cas de dommage, que les grands travaux d'utilité publique amènent si souvent? voilà ce que nous nous proposons d'examiner. Précisons bien la question: nous n'entendons parler du dommage causé par suite de travaux publics, et non de l'expropriation directe, pour laquelle la loi de 1841 a statué; et nous voulons dire, quelle sera la procédure à suivre pour arriver à la constatation du préjudice et au recouvrement de l'indemnité.

que

62. Si le préjudice est temporaire, comme, par exemple,

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