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SECTION HUITIÈME.

DE L'EXPROPRIATION, ET DE L'OCCUPATION TEMPORAIRE, EN CAS D'URGENCE, DES PROPRIÉTÉS PRIVÉES NÉCESSAIRES AUX TRA

VAUX DE FORTIFICATIONS.

92. Les principes généraux sont les mêmes qu'en matière d'expropriation pour causes civiles.

93. Nomination d'un expert par le tribunal.

94. Nomination d'un expert par le préfet; adjonction d'un agent de l'administration des domaines.

95. Fonctions de l'expert nommé par le préfet. 96. Fonctions de l'expert nommé par le tribunal. 97. Suites de l'expropriation.

92. Les principes généraux sont les mêmes, pour le cas qui nous occupe, qu'en toute autre matière d'expropriation. Ainsi, les travaux sont discutés par l'autorité législative, et une ordonnance royale est déclarative de l'urgence; l'expropriation ne peut être prononcée que par les tribunaux civils; et c'est au procureur du Roi qu'il appartient de provoquer cette expropriation, en soumettant immédiatement au tribunal ampliation de l'ordonnance royale. Cette ordonnance est publiée par le maire de la commune où se trouvent les propriétés expropriées, et suivant tous moyens de publicité possible.

93. Le tribunal prononce un premier jugement par lequel il ordonne qu'un de ses membres se transporte sur les lieux; en même temps il commet un expert, dont nous allons voir déterminer les fonctions. Ce jugement est signifié, dans les vingt-quatre heures, à l'expert et au maire de la commune.

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94. Le préfet du département désigne, de son côté, un expert et un agent de l'administration des domaines ceux-ci sont particulièrement chargés des intérêts de l'administration; l'expert nommé par le tribunal représente ceux du propriétaire.

95. L'expertise aura lieu, dix jours après le jugement du tribunal, et huit jours seulement après sa signification à l'expert et au maire. La commission d'expertise se compose: 1o du juge-commissaire; 2o du maire ou adjoint de la commune ; 3° de l'expert désigné par le tribunal; 4° de l'expert, ingénieur ou arpenteur désigné par le préfet; 5° de l'agent de l'administration des domai

nes;

6° d'un agent militaire chargé de la direction des travaux. La commission opérera en présence : 1o des propriétaires intéressés, et s'ils ne résident pas sur les lieux, de leurs agents, mandataires ou ayant-cause; 2o des usufruitiers, ou autres personnes intéressées, tels que fermiers, locataires ou occupants, à quelque titre que ce soit. Chaque partie pourra se faire assister par un expert ou arpenteur. Si des personnes parmi celles désignées n'ont point le libre exercice de leurs droits, si l'une ou plusieurs d'entre elles sont absentes, le juge-commissaire désignera d'office un expert pour les représenter. Le juge-commissaire reçoit, sur les lieux, le serment des experts; cette mention ouvre le procès-verbal.

L'agent militaire détermine, par des piquets, en présence de tous, le périmètre des terrains à exproprier ou occuper temporairement.

L'expert désigné par le préfet, procède immédiatement et sans interruption, ainsi que l'agent du domaine, à la levée du plan parcellaire des propriétés à exproprier; ils indiquent les limites, les circonscriptions et la superficie des propriétés.

96. L'expert nommé par le tribunal dresse un procès-verbal qui comprend : 1o la désignation des lieux, des cultures, plantations, clôtures, bâtiments, et autres accessoires des fonds: cet état descriptif devra être assez détaillé pour pouvoir servir de base à l'appréciation de la valeur foncière, et, en cas de besoin, de la valeur locative, ainsi qu'aux dommages-intérêts résultant des changements ou dégâts qui peuvent avoir lieu ultérieurement; 2o l'estimation de la valeur foncière et locative de chaque parcelle et de ses dépendances, ainsi que l'évaluation de l'indemnité qui pourra être due pour frais de déménagements, perte de récoltes, détérioration d'objets mobiliers, ou tous autres dommages; 3° l'indication de la nature et la contenance de chaque propriété, la nature des constructions, l'usage auquel elles sont destinées, les motifs des évaluations diverses, et le temps qu'il paraît nécessaire d'accorder aux occupants pour évacuer les lieux; 4° la transcription de l'avis de chacun des autres experts, et les observations et réquisitions, telles qu'elles leur seront faites, de l'agent militaire, du maire, de l'agent du domaine, des parties intéressées ou de leurs représentants. Les dires seront signés par ceux qui les auront faits, ou mention sera faite de la cause qui les en empêche.

97. Ces rapports faits et déposés, l'expropriation se poursuivra dans les formes déterminées pour les cas d'urgence. Le tribunal,

sitôt le retour du juge-commissaire, rendra un jugement fixant : 1° l'indemnité de déménagement à payer aux détenteurs avant l'occupation; 2o l'indemnité approximative et provisionnelle de dépossession qui devra être consignée, sauf règlement ultérieur et définitif, préalablement à la prise de possession; 3° il autorisera le préfet à se mettre en possession, à la charge de payer, sans délai, l'indemnité de déménagement, soit au propriétaire, soit au locataire; 4o il fixera le délai dans lequel la dépossession devra avoir lieu; ce délai ne pourra excéder cinq jours pour les propriétés non bâties.

Ce jugement sera signifié aux parties intéressées, avec l'acte de consignation de l'indemnité provisionnelle de dépossession. Il sera exécutoire nonobstant appel ou opposition.

Aussitôt après la prise de possession, le tribunal procédera au règlement définitif de l'indemnité de possession, dans les formes prescrites par la loi, formes que nous venons de parcourir dans les sections précédentes.

DE L'USUFRUIT, DE L'USAGE ET DE L'HABITATION.

Nous divisons cette troisième Partie de notre livre en six Chapitres. Les quatre premiers comprennent l'usufruit; le cinquième traite des droits d'usage et d'habitation, et le sixième, des charges dont sont tenus: les père et mère relativement aux biens de leurs enfants dont ils ont la jouissance; les maris pour les biens de leurs femmes, lorsqu'il n'y a point de communauté, ou lorsque le mariage a été contracté sous le régime dotal.

CHAPITRE PREMIER.

DE L'USUFRUIT.

1. Définition.

2. Choses fongibles et non fongibles.

3. L'usufruit s'établit par la loi ou la volonté de l'homme, et aussi par prescription.

4. Usufruit établi par la loi.

5. Usufruit établi par la volonté de l'homme.

6. Comment est établi l'usufruit.

7. Sur quels biens peut être établi l'usufruit.

8. Usufruit établi par prescription.

9. En quoi l'usufruit diffère de la propriété.

I.

L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. (Code civil, 578. Usufructus est jus rebus alienis utendi, fruendi, salva rerum substantia. L. 1, ff. de usufr. et quemadmod.)

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Pour entendre cette définition, il faut savoir qu'il y a des choses qui produisent par elles-mêmes une utilité à celui qui les possède, sans que leur substance soit changée par l'usage que l'on en fait, comme une terre produit des fruits; une maison, des loyers; un cheval, ses services, etc.

Il

y

a d'autres choses dont la substance est anéantie par l'usage que l'on en fait, comme le blé, le vin, l'huile, etc., qui devien

nent inutiles à ceux qui les possèdent si on ne les consomme pas, et dont par conséquent la jouissance ne peut être distinguée de la propriété. Naturellement ces sortes de choses ne sont pas susceptibles d'usufruit, et ne paraîtraient pas devoir en être susceptibles, d'après la définition que le Code civil et les lois romaines donnent de l'usufruit. Cependant l'utilité publique y a fait admettre une espèce d'usufruit, qui consiste en ce qu'après les avoir estimées, on les donne en propriété à l'usufruitier, qui se charge et s'oblige d'en rendre l'estimation lors de l'extinction de son droit. Cette obligation représente le fonds, et tient lieu de substance. Ainsi l'usufruit peut comprendre même des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs. On donne à cette nature de biens le nom de choses fongibles. (C. C. 587.)

3. L'usufruit est établi ou par la loi, ou par la volonté de l'homme (C. C. 579).

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4. Ainsi, c'est la loi qui accorde au père, pendant le mariage, et après la dissolution du mariage, au survivant des père et mère, la jouissance des biens de leurs enfants jusqu'à dix-huit ans ou jusqu'à l'émancipation (C. C. 384). C'est également la loi qui accorde au père ou à la mère survivant, l'usufruit du tiers des biens auxquels il ne succède pas en propriété, lorsqu'à défaut de frères ou sœurs, ou de descendants d'eux, et à défaut d'ascendants dans l'une ou l'autre ligne, une succession est déférée par moitié aux ascendants survivants, et, pour l'autre moitié, aux parents les plus proches de l'autre ligne (C. C. 753, 754).

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5. L'usufruit est établi par la volonté de l'homme, lorsque le propriétaire de la chose, ayant la faculté d'en disposer, en a transmis la jouissance par un acte entre vifs, ou par un acte de dernière volonté, et pourvu que ces actes soient faits dans la forme prescrite, à peine de nullité, par la loi. Un arrêt, du 4 fructidor an 1, a jugé que l'usufruit pouvait être valablement constitué par

lettres missives.

6.

L'usufruit peut être établi ou purement, ou à certain jour, ou à condition (C. C. 580).

7. L'usufruit peut être établi sur toutes espèces de biens meubles et immeubles (C. C. 581); et non-seulement sur une certaine chose particulière, ou sur une certaine portion de bien, mais aussi sur tous les biens du donateur ou du testateur (L. 3, ff. de usufruct. L. 29, eod.).

8. L'usufruit d'un immeuble peut aussi s'ouvrir par les pres

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