Images de page
PDF
ePub

à l'usage des anciens propriétaires, des parties de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées, soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, soit qu'elles se fassent d'une certaine quantité d'arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine (C. C. 591).

Si, par exemple, il se trouve dans l'usufruit une futaie de cent ou deux cents hectares que les anciens propriétaires étaient dans l'usage de distribuer en cent coupes égales, l'usufruitier peut continuer ces coupes pendant tout le temps que dure son usufruit. Tout ce que le propriétaire peut exiger, c'est que l'usufruitier fasse donner, après chaque coupe, les façons nécessaires aux nouvelles pousses, pour préparer une futaie de pareille qualité.

De même, lorsque les anciens propriétaires étaient dans l'usage de mettre en coupes réglées les baliveaux sur taillis, que l'ordonnance de 1669 oblige de laisser, et ne permet pas de couper avant qu'ils aient atteint l'âge de quarante ans, l'usufruitier peut les percevoir comme des fruits de même nature que les taillis.

Pareillement, lorsque les anciens propriétaires exploitent leur forêt en jardinant, c'est-à-dire en abattant des arbres de côté et d'autre, l'usufruitier peut continuer cette exploitation, et prendre dans la futaie, pendant toute la durée de son usufruit, le même nombre d'arbres que les propriétaires y auraient pris pendant la même durée.

L'usufruitier doit toujours faire ces coupes aux époques où elles étaient faites, et elles ne doivent jamais être plus considérables que celles que faisaient ordinairement les anciens propriétaires. Si ces coupes sont plus considérables que les coupes ordinaires, l'usufruitier doit une indemnité pour la valeur de l'excédant.

Lorsque les propriétaires des futaies ne sont pas dans l'usage constant de les mettre en coupes réglées, l'usufruitier ne peut toucher aux arbres de haute futaie; il peut seulement employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres arrachés ou brisés par accident; il peut même, pour cet objet, en faire abattre s'il est nécessaire, mais à la charge d'en faire constater la nécessité avec le propriétaire ( C. C. 592).

Il peut prendre dans les bois des échalas pour les vignes; il peut aussi prendre sur les arbres des produits annuels ou périodiques, le tout suivant l'usage du pays ou la coutume des propriétaires (C. C. 593).

Ainsi, par exemple, l'usufruitier a le droit de jouir de la tonte

des saules, peupliers, marsaults, aulnes, etc.; et si le propriétaire était dans l'usage constant de faire lever l'écorce des arbres (compris dans l'usufruit) pour en faire du tan, des cordes à puits ou de la teinture, suivant la nature du bois, l'usufruitier peut aussi les faire écorcer, sans que le propriétaire puisse se plaindre de cette opération, sous prétexte qu'elle est défendue par l'ordonnance de 1669, pour les bois faisant partie du domaine public (1); qu'elle fait toujours perdre une demi-feuille, et qu'elle peut retarder l'abattage, et nuire au recrû des souches.

Les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à l'usufruitier, à la charge de les remplacer par d'autres (C. C. 594).

20. Si l'usufruitier a fait une coupe de bois en dehors de son droit, il doit être condamné à payer au nu-propriétaire, et sur la demande de celui-ci, une somme évaluée tant sur le pied du prix de la coupe, que sur le préjudice qu'elle a pu causer à la propriété ; cette somme devra être employée de manière à ce que l'usufruitier en conserve l'intérêt jusqu'à la consommation de son droit. Nous estimons que, dans l'espèce précédente, il serait loisible aux tribunaux d'ordonner, au lieu d'une réparation en argent, un nouvel aménagement propre à réparer le préjudice causé (Paris, 12 décembre 1811).

21.

L'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à ferme à un autre, ou céder son droit à titre gratuit (C. C. 595).

Mais s'il donne à ferme, ses baux ne sont obligatoires, vis-à-vis le propriétaire, que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde période, et ainsi de suite, de manière que le fermier n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

De plus, les baux de neuf ans, passés ou renouvelés par l'usufruitier plus de trois ans avant l'expiration du bail courant, s'il s'agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque, s'il s'agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n'ait commencé avant la cessation de l'usufruit (C. C. 1429 et 1430).

Il est cependant loisible à l'usufruitier de consentir au bail pour une période plus longue que celle de neuf années, et de stipuler, que dans le cas où le fermier n'achèverait pas sa jouis

(1) Des arrêts du Conseil ont dérogé cette disposition en faveur des habitants de Château-Regnault, pour faciliter le commerce des tanneries.

sance, il sera, lui ou ses ayant-cause, soumis à un certain chiffre de dommages-intérêts. Cette jurisprudence, adoptée par la Cour de Caen, le 11 août 1825, est importante, en ce sens qu'elle tolère et sanctionne une convention qui semble prohibée par la loi; on la conçoit, au reste, parfaitement, en songeant que la prohibition n'a été établie que dans l'intérêt du nu-propriétaire, et que ses droits sont sauve-gardés.

22.

L'usufruitier jouit de l'augmentation survenue par alluvion à l'objet dont il a l'usufruit (C. C. 596).

Il jouit des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même (C. C. 597). Mais il ne doit pas les laisser prescrire par le non usage. Si elles s'éteignent faute par lui d'en avoir joui, il en est responsable, et doit indemniser le propriétaire (L. 15, paragr. 7, ff. de usufr. et quemadm. ut. et fruct.).

23. Il jouit aussi, de la même manière que le propriétaire, des mines et carrières qui sont en exploitation à l'ouverture de l'usufruit; et néanmoins, s'il s'agit d'une exploitation qui ne puisse être faite sans une concession, l'usufruitier ne peut en jouir qu'après en avoir obtenu l'autorisation du gouvernement.

Ce premier paragraphe de l'art. 598 n'a pas été abrogé par la loi du 21 avril 1810, sur les mines, minières et carrières, dont les articles 5 et 6 portent : Les mines ne peuvent être exploitées qu'en vertu d'un acte de concession délibéré en Conseil d'Etat. Cet acte règle les droits des propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées. Les deux dispositions se concilient parfaitement; l'usufruitier a, vis-à-vis du nu - propriétaire, un droit absolu, inhérent à la personne ; mais, vis-à-vis de l'Etat, il ne peut être considéré comme propriétaire qu'en vertu de l'acte de concession. Si nous insistons sur ce point, c'est qu'un arrêt de Lyon, de 1840, a jugé le contraire.

L'usufruitier n'a aucun droit aux mines et carrières non encore ouvertes, ni aux tourbières dont l'exploitation n'est pas encore commencée, ni au trésor qui peut être découvert pendant la durée de l'usufruit (C. C. 598).

la

Si, par exemple, le trésor est trouvé dans le fonds dotal, moitié en appartient à la femme, et l'autre moitié à l'inventeur. Pars ejus dimidiæ restituetur mulieri quasi in alieno inventi. Ainsi, le mari n'a point part, à moins qu'il ne soit l'inventeur. Dans ce dernier cas, il peut en réclamer la moitié, ainsi que tout autre inventeur (Grenoble, 3 janvier 1811).

24. L'usufruitier peut exiger du propriétaire tout ce qui est indispensable pour la jouissance de l'usufruit; mais il ne peut pas exiger les choses dont il n'a pas besoin pour jouir, quand même, faute de ces choses, il serait privé de quelque agrément. Puto eas solas præstare compellendum, sine quibus omninò uti non potest : sed, si cum aliquo incommodo utatur, non esse præstendas. (L. 1, paragr. 4, ff. si usu. pet. vel. ad. al. pert.)

25. Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier (C. C. 599).

Première conséquence. Il ne lui est pas permis de rien détruire de ce qui est sur l'héritage chargé d'usufruit, parce qu'en détruisant quelque chose qui se trouve sur l'héritage, et qui en fait partie, il diminue en quelque chose la jouissance de l'usufruitier. Ainsi, par exemple, le propriétaire d'une terre chargée d'usufruit ne peut pas abattre un bois de haute futaie, parce qu'il diminuerait la jouissance de l'usufruitier auquel ce bois est utile, soit comme décoration ou promenade, soit pour la conservation des bâtiments qu'il met à l'abri des vents, soit parce qu'il produit des glands, des faînes, des châtaignes et autres fruits.

Cependant, si un bois était tellement couronné qu'il fût nécessaire de l'abattre pour en empêcher le dépérissement et la perte, l'usufruitier ne pourrait pas s'opposer à ce que ce bois fût abattu. Le propriétaire peut aussi, lorsqu'il survient de grosses réparations, abattre des arbres de futaie autant qu'il en faut pour lesdites réparations.

Deuxième conséquence. Le propriétaire ne peut, contre le gré de l'usufruitier, faire sur l'héritage chargé d'usufruit aucune construction non nécessaire, quand même l'usufruit en serait bonifié (L. 7, paragr. 1, ff. de usufruct.). La raison en est que l'usufruitier serait troublé dans sa jouissance pendant le temps de la construction, et qu'il ne peut pas ètre privé, sans son consentement, de l'usage d'un terrain nu, par la construction d'un bâtiment dont il n'a pas besoin.

Voici une sévère mais juste application de l'article 599:

Un individu avait la nu-propriété d'un moulin, il eut la pensée d'établir dans un champ voisin qu'il possédait en toute propriété un autre moulin; cette nouvelle usine ruinait l'industrie de l'usufruitier; ce dernier intenta une action contre son nu-propriétaire, qui fut forcé d'abandonner sa déloyale concurrence (Lyon, 15 décembre 1832).

Troisième conséquence. Un propriétaire ne peut, au préjudice

de l'usufruitier, imposer une servitude sur l'héritage chargé de l'usufruit, ni pareillement remettre aucune de celles qui sont dues à cet héritage, parce que, comme nous l'avons vu ci-dessus, l'usufruitier a le droit de jouir de ces dernières, et parce qu'un propriétaire ne peut imposer les autres sans diminuer la jouissance de l'usufruitier (L. 15, paragr. 7, ff. de usufruct. et quemadmod.).

Néanmoins, si la servitude imposée par le propriétaire ne nuisait point aux droits de l'usufruitier, celui-ci serait sans intérêt pour s'en plaindre. Ainsi, si le propriétaire d'une maison chargée d'usufruit s'engageait à ne pouvoir élever sa maison plus haut qu'elle ne l'est, l'usufruitier ne pourrait pas s'opposer à l'établissement de cette servitude, parce que, n'ayant le droit de jouir de la maison que dans l'état où elle se trouve, il est évident qu'il n'a aucun intérêt que la maison ne puisse pas être élevée plus qu'elle ne l'est (Ibid., et l. 16, ib.).

Il n'en a pas besoin, à plus forte raison, pour acquérir des servitudes à l'héritage chargé d'usufruit; car, par cette acquisition, il ne fait que bonifier l'usufruit, bien loin de l'altérer en rien.

Le propriétaire de l'héritage ne doit pas avoir, sur l'héritage qui est chargé d'usufruit, aucune chose à lui appartenant qui fasse quelque obstacle à la libre jouissance de l'usufruitier. Si, par exemple, la violence des vents a déraciné et renversé des arbres appartenant au propriétaire sur un héritage chargé d'usufruit, lesquels empêchent la libre jouissance que l'usufruitier doit avoir du terrain où se trouvent les arbres renversés, le propriétaire est obligé de les retirer (L. 19, paragr. 1, ff. de usufruct.).

[ocr errors]

26. L'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il peut prétendre avoir faites, encore que la valeur de la chose en soit augmentée. Il peut cependant, ou ses héritiers, enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu'il aurait fait placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état (C. C. 599).

Les constructions faites par l'usufruitier sur le sol dont il a l'usufruit, pour réunir un immeuble dont il est propriétaire à celui dont il n'a que la jouissance, quoique constituant de véritables améliorations, ne lui confèrent pas le droit d'exiger une indemnité à la fin de l'usufruit. Il y a plus, les ouvriers mêmes qui ont travaillé à ces travaux, connaissant la qualité de l'usufruitier, ne peuvent, s'ils n'ont pas été payés, avoir recours contre le nu-propriétaire, ni enlever les matériaux qu'ils ont fournis (Arrêt du 23 mars 1826, Cass.). 27. Enfin, nous citons au nombre des droits de l'usufrui

« PrécédentContinuer »