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étoit foumife. Cependant Bélifaire eft fage les ans, le malheur l'ont inftruit :

il mérite bien qu'on l'entende.

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LE

CHAPITRE XIII.

E jour fuivant, à leur arrivée, ils le trouverent dans fon jardin, s'occupant de l'agriculture avec Paulin fon Jardinier. Un moment plutôt, leur dit-il, vous auriez pris, comme moi, une bonne leçon dans l'art de gouverner: car rien ne reffemble tant au gouvernement des hommes que celui des plantes, & mon Jardinier que voilà, en raifonne comme un Solon.

Alors l'Empereur & Tibére fe pros menant avec le Héros, le jeune homme lui propofa les réflexions qu'ils avoient faites, & les raifons qu'ils avoient de craindre qu'il ne fe fit illufion.

Oui, leur dit-il, celui qu'au fond de fon Palais un cercle épais de cour tifans & d'adulateurs environne noît peu les hommes, fans doute; mais qui l'empêche de s'échapper de fon

étroite prifon, de fe communiquer, de fe rendre acceffible? L'affabilité dans un Prince eft l'aimant de la vérité. Ses efclaves la lui déguifent; mais l'homme du peuple, le laboureur, le vieux foi dat brufque & fincere, ne la lui déguiferont Il entendra la voix publique :

pas.

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c'eft l'oracle des Souverains, c'est le Juge le plus intégre du mérite & de la vertu ; & l'on ne fait que de bons choix lorqu'on fe décide par elle. Du reste les choix d'un Monarque ne roulent que fur deux objets, fur fes Confeils & fes Agens; & s'il a bien choisi les uns, je lui répons du choix des autres. Tout dépend d'avoir près de lui quelques amis dignes de l'être. Théodoric n'en avoit qu'un, le vertueux Caffiodore; & l'univers fçait avec quelle fageffe & quelle gloire il a regné. Or il eft des fignes certains auxquels on peut, même à la Cour, choifir fes confeils & fes guides. La févérité dans les mœurs, le défintéreffement, la droi

ture, le courage de la vérité, le zéle à protéger le foible & l'innocent, la conftance dans l'amitié mife à l'épreuve des difgraces, une tendance vers le bien.

que

nul obstacle ne dérange, une attachement fixe aux loix de l'équité; voilà des traits auxquels un Prince peut diftinguer les gens de bien, & fe choisir de vrais amis. Les motifs de l'exclufion me femblent encore plus sensibles : car la vertu peut être feinte, mais le vice n'eft point joué. Dès qu'il s'annonce, on peut le croire. Par exemple, fi j'étois Roi, celui qui m'auroit une fois parlé de mes peuples avec mépris, de mes devoirs avec légéreté, ou de l'abus de mon pouvoir avec une fervile & baffe complaifance, celui-là feroit à jamais exclu du nombre de mes amis. Or, rien n'eft plus aifé, en obfervant les hommes, que de furprendre, à leur infçu, des traits de caractere, qui trahiffent & qui décélent même les plus diffimulés. J'ai beaucoup entendu parler

de cette diffimulation profonde qu'on attribue aux Courtisans ; il n'en eft ; pas un qui ne foit connu comme s'il étoit la franchise même ; & fi le Prince a pu s'y méprendre, la voix publique le détromperă. Il ne tient donc qu'à lui de placer dignement fon eftime & fa confiance; & la vertu, la vérité une fois admifes dans fes Confeils, il

peut fe repofer fur elles du foin de l'éclairer fur tous fes autres choix.

Mais penfez-vous, dit l'Empereur, d cette foule d'hommes vertueux & fages, dont il aura befoin pour difpenfer fes loix & pour exercer fa puiffance? Où les prendre ?

Dans la nature, dit Bélifaire : Elle en produit quand on fçait bien la diriger Et pour la diriger a-t-il d'autres moyens que des loix justes & févéres ? C'est beaucoup, ce n'est pas affez, reprit Bélifaire; & les mœurs ne font pas du reffort des loix.

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Que fera-t-il donc pour changer ces

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