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pillé ; & après y avoir paffé la nuit, les Bulgares, chargés de butin, fe mirent en marche avec Bélifaire.

Leur Général, comblé de joie de le voir arriver dans fon camp, vint au devant de lui, & le recevant dans fes bras, Viens, mon pere, lui dit-il, viens voir fi c'eft nous qui fommes les barbares. Tout t'abandonne dans ta patrie, mais tu trouveras parmi nous des amis & des vengeurs. En difant ces mots, il le conduifit par la main dans fa tente, l'invita à s'y repofer, & ordonna qu'autour de lui tout refpectât fon fommeil. Le foir, après un foupé fplendide, où le nom de Bélifaire fut célébré par tous les Chefs du camp barbare, le Roi s'étant enfermé avec lui, Je n'ai pas befoin, lui dit-il, de te faire fentir l'atrocité de l'injure que tu as reçue. Le crime eft horrible; le châtiment doit l'être. C'est fous les ruines du trône & du Palais de votre vieux Tyran, fous les débris de fa Ville embrasée, qu'il faut l'enfevelir

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avec tous fes complices. Sois mon guide, apprends-moi, magnanime vieillard, à les vaincre & à te venger. Ils ne t'ont pas ôté la lumière de l'ame, les yeux de la fagesse; tu fçais les moyens de les furprendre & de les forcer dans leurs murs. Reculons au delà de mers les bornes de leur Empire; & fi dans celui que nous allons fonder, c'est peu pour toi du second rang, partage avec moi, j'y confens, tous les honneurs du rang fuprême; & que le Tyran de Bifance, avant d'expirer fous nos coups, t'y voie encore une fois entrer fur un char de triomphe. Vous voulez donc, lui répondit Bélifaire, après un filence, qu'il ait eu raifon de me faire crever les yeux?

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y a long-tems, Seigneur, que Belifaire a refufé des couronnes. Carthage. & l'Italie m'en ont offerts Jeétois dans l'âge de l'ambition; je me voyois déja perfécuté ; je n'en reftai pas moins fidéle à mon Prince & à ma patrie. Le même devoir qui me licit, fubfifte, & rien n'a

pu

m'en dégager. En donnant ma foi à l'Empereur, j'efpérois bien qu'il feroit jufte ; mais je ne me réfervai, s'il ne l'étoit pas, ni le droit de me défendre, ni celui de me venger. N'attendez de moi contre lui ni révolte ni trahifon. Et que vous ferviroit de me rendre parjure? De quel fecours vous feroit un vieillard privé de la lumiére, & dont l'ame même a perdu fa force & fon activité ? Votre entreprise eft au-deffus de moi, peut-être au-deffus de vous-même. Dans le relâchement des refforts de l'Empire, il vous paroît foible; il n'eft que languiffant; & pour le relever, pour ranimer fes forces, il feroit peut-être à fouhaiter pour lui qu'on entreprît ce que vous méditez. Cette Ville , que vous croyez facile à furprendre, eft pleine d'un peuple aguerri; & quels hommes encore il auroit à fa tête! Si le vieux Bélifaire eft au rang des morts, Narsès eft vivant, Narfès a pour rivaux de gloire, Mundus, Hermès, Salomon

& tant d'autres qui ne refpirent que les combats. Non, croyez-moi, n'attendez que du tems la ruine de cet Empire. Vous y ferez quelques ravages; mais c'eft la guerre des brigands; & votre ame eft digne de concevoir une ambition plus noble & plus jufte. Juftinien ne demande plus que des alliés & des amis; il n'est point de Rois que ces titres ne doivent honorer, & il dépend de vous..... Non, reprit le Bulgare, je ne ferai jamais l'ami, ni l'allié d'un homme qui te doit tout, & qui t'a fait crever les yeux. Veux-tu regner avec moi, être l'ame de mes Confeils & le génie de mes armées ? Voilà de quoi il s'agit entre nous. Ma vie eft en vos mains, dit Bélifaire; mais rien ne peut me détacher de mon Souverain légitime; & fi dans l'état où je fuis, je pouvois lui être utile, fut-ce contre vousmême, il feroit auffi fûr de moi que dans le tems de mes profpérités. Voilà une étrange vertu, dit le Bulgare! Malheur

vengeur

au peuple à qui elle paroît étrange, dit Bélifaire. Et ne voyez-vous pas qu'elle eft le fondement de toute difcipline; que nul homme, dans un Etat, n'eft Juge & de lui-même; & que fi chacun fe rendoit arbitre dans fa propre caufe, il y auroit autant de rebelles qu'il y auroit de mécontens ? Vous qui m'invitez à punir mon Souverain d'avoir été injuste, donneriez-vous à vos Soldats le droit que vous m'attribuez? Le leur donner, dit le Bulgare! ils l'ont, fans que je le leur donne; mais c'eft la crainte qui les retient. Et nous, Seigneur, c'eft la vertu, dit, Bélifaire ; & tel eft l'avantage des mœurs d'un peuple civilifé, fur les mœurs d'un peuple qui ne l'eft pas. Je vais vous parler avec la franchise d'un homme qui n'espére & qui ne craint plus rien. A quels fujets commandez-vous ? Leur feule reffource eft la guerre ; & cette guerre, où ils font nourris, leur fait négliger tous les biens de la paix, abandonner toutes les richeffes du tra

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