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XXVII

L'IMMORTELLE BLANCHE.

MADRIGAL.

Donnez-moi vos couleurs, tulipes, anémones;
OEillets, roses, jasmins, donnez-moi vos odeurs.
Des contraires saisons le froid ni les ardeurs
Ne respectent que les couronnes

Que l'on compose de mes fleurs.

Ne vous vantez donc point d'être aimables ni belles :
On ne peut nommer beau ce qu'efface le temps;

Pour couronner les beautés éternelles,

Et pour rendre leurs yeux contents,
Il ne faut point être mortelles.
Si vous voulez affranchir du trépas
Vos brillants mais frêles appas,
Souffrez que j'en sois embellie;
Et si je leur fais part de mon éternité,
Je les rendrai pareils aux appas de Julie,
Et dignes de parer sa divine beauté.

ΤΟ

15

XXVIII

VERS SUR LE CARDINAL DE RICHELIEU.

Ce quatrain fut composé à l'occasion de la mort du cardinal de Richelieu, qui eut lieu le 4 décembre 1642. Pellisson racontant les différends qui s'étaient élevés à propos du Cid entre Richelieu et notre poëte, a publié le premier ces quatre vers dans sa Relation contenant l'histoire de l'Académie françoise, qui parut en 1653. « Corneille les fit, dit-il (p. 218 et 219), après la mort du Cardinal, qu'il considéroit d'un côté comme son bienfaiteur, et de l'autre comme son ennemi. Dans les OEuvres diverses de 1738 (p. 148) ce quatrain fut imprimé avec le titre qu'il porte ici. - Voyez dans l'Appendice une épitaphe de Richelieu, attribuée par M. Taschereau à Corneille.

Qu'on parle mal ou bien du fameux Cardinal,
Ma prose ni mes vers n'en diront jamais rien :
Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal,
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.

XXIX

SUR LA MORT DU ROI LOUIS XIII.

SONNET.

Ce sonnet, composé à l'occasion de la mort de Louis XIII, qui arriva le 14 mai 1643, n'a pas été imprimé du vivant de Corneille, et s'est conservé imparfaitement dans la mémoire de ses contemporains ou dans des copies peu exactes. Nous le donnons d'après une transcription de la main de Gaignières', signée P. CORNEILLE, qui nous a été obligeamment signalée par M. Ludovic Lalanne. Gaignières étant mert en mars 1715, ce texte est le plus ancien de ceux que nous possédons. Nous le faisons suivre de cinq autres rédactions classées d'après le rapport qu'elles ont avec celle qui nous sert de type.

Sous ce marbre repose un monarque sans vice,
Dont la seule bonté déplut aux bons François,
Et qui pour tout péché ne fit qu'un mauvais choix,
Dont il fut trop longtemps innocemment complice.

L'ambition, l'orgueil, l'audace, l'avarice,
Saisis de son pouvoir, nous donnèrent des lois,
Et bien qu'il fut en soi le plus juste des rois,
Son règne fut pourtant celui de l'injustice.

Vainqueur de toutes parts, esclave dans sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine perd le jour,
Que jusque dans la tombe il le force à le suivre.

5

10

1. Sur Gaignières, voyez le tome VIII des Lettres de Mme de Sévigné, p. 153, note 1.

2.

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Elle se trouve à la Bibliothèque impériale, fonds Gaignières 1001, Mélanges, pièces galantes, satiriques, etc., p. 14.

Jamais de tels malheurs furent-ils entendus?
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant à régner, il a cessé de vivre1.

VARIANTES.

Texte de Voltaire dans les notes sur l'Épitre dédicatoire d'Horace.

Sous ce marbre repose un monarque sans vice,
Dont la seule bonté déplut aux bons François,
Ses erreurs, ses écarts vinrent d'un mauvais choix,
Dont il fut trop longtemps innocemment complice.

L'ambition, l'orgueil, la haine, l'avarice,
Armés de son pouvoir, nous donnèrent des lois;
Et bien qu'il fût en soi le plus juste des rois,
Son règne fut toujours celui de l'injustice.

Fier vainqueur au dehors, vil esclave en sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine perd le jour,
Que jusque dans sa tombe il le force à le suivre;

Et par cet ascendant ses projets confondus,
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant à régner, il a cessé de vivre.

Sonnet. Épitaphe de Louis XIII. Feuillet ajouté à certains exemplaires des OEuvres diverses de 1738. Ce feuillet porte au verso le Placet

1. A la suite de notre pièce XXIX devrait se placer, d'après l'ordre chronologique, la pièce intitulée: A la Reine régente, sonnet, que l'abbé Granet a publiée à la page 149 des OEuvres diverses; mais comme elle est extraite de la dédicace de Polyeucte, nous y renvoyons le lecteur (voyez tome III, p. 473), et nous nous contentons de la rappeler ici à sa date, qui nous est donnée par l'Achevé d'imprimer de Polyeucte (20 octobre 1643).

au Roi sur le retardement de sa pension. Ce texte et le suivant se trouvent à la Bibliothèque impériale.

Sous ce tombeau repose un roi qui fut sans vice,
Dont la seule bonté fit tort aux bons François,
Et qui pour tout péché ne fit qu'un mauvais choix,
Dont il fut à la fois et victime et complice.

L'ambition, l'orgueil, la fraude, l'avarice,
Saisis de son pouvoir, nous donnèrent des lois;
Et bien qu'il fût en soi le plus juste des rois,
Son règne fut pourtant celui de l'injustice.

Craint de tout l'univers, esclave dans sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine sort du jour,
Que jusque dans sa tombe il le force à le suivre.

Jamais de tels malheurs furent-ils entendus?
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant régner, il a cessé de vivre.

Sonnet sur la mort de Louis XIII. Feuillet imprimé, différent du précédent, ajouté à d'autres exemplaires du même ouvrage, et ne contenant que le sonnet.

Sous ce marbre repose un monarque françois,
Que ne sauroit l'envie accuser d'aucun vice;
Il fut et le plus juste et le meilleur des rois,
Son règne fut pourtant celui de l'injustice.

L'ambition, l'orgueil, l'intérêt, l'avarice,
Revêtus de son nom, nous donnèrent des lois;
Sage en tout, il ne fit jamais qu'un mauvais choix,
Dont longtemps nous et lui portâmes le supplice.

Vainqueur de toutes parts, esclave dans sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine sort du jour,
Que jusque dans la tombe il le force à le suivre.

Jamais pareils malheurs furent-ils entendus?

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