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DISSERTATION

SUR LES

ACTES DES MARTYRS.

ET

L'HISTOIRE DES PERSÉCUTIONS.

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APRÈS l'Ecriture-sainte, il n'y a rien qui soit plus digne de notre respect, que les Actes originaux et authentiques des premiers Martyrs de l'Eglise, que l'antiquité chrétienne nous a conservés dans toute leur pureté. Car si, d'un côté, des hommes inspirés de Dieu, si les prophètes et les autres écrivains sacrés nous ont laissé par son ordre les livres divins, nous avons, de l'autre, les réponses des Martyrs aux interrogatoires des juges, lesquelles, selon la promesse que Jésus-Christ lui-même en a faite à ses apôtres, leur ont été dictées par le Saint-Esprit. Et certes leurs actions, et surtout celles qui ont terminé leur vie, ne méri

(1) Cette dissertation sert de préface au recueil des Actes des Martyrs publié par Dom Thierri Ruinart, religieux Bénédictin de la Congrégation de S. Maur: Acta primorum Martyrum sincera et selecta, ex libris cum editis tum manuscriptis collecta, eruta vel emendata, notisque et observationibus illustrata, etc., Paris 1689, in-4o, Amsterdam 1713, in-fol., Vérone 1731, in-fol., et Augsbourg 1802, in-8°. Nous avons suivi la traduction de Drouet de Maupertuy, publiée à Paris, 1708, 2 vol. in-8°.

tent pas moins notre vénération, que leurs paroles, puisque les unes et les autres ont eu le même esprit pour principe et pour moteur. Nous voyons que, dans les temps les plus barbares et chez les peuples les plus grossiers, aussi bien que parmi les nations les plus polies et dans les siècles les plus éclairés, l'on a pris soin de consacrer par des monumens publics, les actions des grands personnages, d'en conserver la mémoire dans les annales, et de les exposer aux yeux de la postérité, afin que les hommes y pussent voir, comme dans un miroir, ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils doivent éviter pour mener une vie conforme aux règles de la sagesse. Avec quel soin donc, avec quel empressement les chrétiens ne doivent-ils pas recevoir ce que la piété des premiers fidèles leur a laissé des actions et des souffrances des Martyrs, afin qu'animés par des exemples si persuasifs et si touchans, ils puissent surmonter avec joie les difficultés qui se rencontrent dans le rude et pénible chemin de la vie chrétienne. Que si la Providence divine vient à faire naître une rencontre extraordinaire, danslaquelle il faille souffrir pour Jésus-Christ, ou entreprendre pour ses intérêts quelque chose d'opposé à la nature, de dangereux pour la vie, ou de préjudiciable à la fortune, qui osera reculer en arrière? Qui ne se sentira plein de zèle et de courage, en jetant les yeux sur ces hommes admirables, et qui n'aimera, à leur exemple, à abandonner sa fortune, à sacrifier sa vie, à renoncer aux sentimens et aux inclinations de la nature, pour donner à Jésus-Christ des marques d'un véritable et sincère dévouement? Un fils noble et généreux sent que son cœur s'enflamme et s'anime à la gloire, au récit des actions éclatantes de son père : ainsi nous sentons notre âme s'embraser du désir du bonheur éternel, lorsque nous entendons dire que, pour y parvenir, les Martyrs ont traversé une mer de sueurs, ont enduré mille travaux, ont marché sur des brasiers ardens

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et sur le tranchant des épées, et nous comprenons de quel prix est cette félicité, lorsque nous voyons qu'ils ont donné tout leur sang pour l'acquérir (1). Les premiers chrétiens étaient bien persuadés de cette vérité, puisqu'au plus fort des persécutions, ou du moins lorsqu'elles ne commençaient qu'à s'apaiser, ils n'épargnaient ni peine, ni argent; ils employaient et l'industrie, et l'autorité; ils hasardaient même souvent leur vie, pour recouvrer les ACTES des saints Martyrs. Mais il faut expliquer un peu plus en détail de quels moyens ils se sont servis dans cette recherche, et de quelle manière ces précieux monumens se sont conservés jusqu'à nos jours.

2. Divers moyens dont les chrétiens se sont servis pour recueillir et conserver les Actes des Martyrs.

Le premier moyen, et un des plus ordinaires dont les chrétiens se servaient pour avoir la communication de ces Actes, était de gagner à force d'argent les commis du greffe où les registres publics étaient gardés, et d'en tirer des copies. Secondement, lorsque les juges faisaient tourmenter quelque chrétien qui avait été dénoncé ou qui s'était présenté de lui-même, plusieurs fidèles qui n'étaient pas reconnus pour tels, se mêlaient parmi les païens, et recueillaient soigneusement les demandes et les réponses, et les autres circonstances de ces sortes de procès criminels. Puis, de ces différentes pièces réunies en un corps, ils en composaient un discours suivi, en forme de relation, qu'on portait à l'évêque, ou à celui que l'évêque nommait pour en faire l'examen : l'approbation donnée, ce discours était distribué aux fidèles, qui en faisaient leur lecture ordinaire.

(1) S. Eucher. serm. SS. Petr. et Paul.

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