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pas dans ce calendrier, comme Pierre, Marcelin, Maur, Eutiche, Chrysante et Darie, et l'acolyte Tarsicius, qui aima mieux livrer aux Gentils son corps que les choses sacrées. La prose de saint Grégoire-le-Grand n'a pas moins retenti des louanges des Martyrs, que les vers de son prédécesseur. Nous avons diverses homélies de ce saint Pape, qui ont toutes été prononcées à la gloire de ces illustres confesseurs de Jésus-Christ (1). Il y en a une qui le fut au tombeau de saint Nérée et de saint Achilée, au jour de leur fête; une autre à l'honneur de saint Processus et de saint Martinien, une autre pour saint Félix, une autre pour saint Jean et saint Paul, une autre enfin pour saint Mennas. Et toutefois le calendrier romain avait laissé tant de saints Martyrs dans l'oubli.

Le calendrier de Carthage, quoique beaucoup plus ample que celui de Rome, ne laisse pas d'être fort défectueux, et de passer sous silence plusieurs Martyrs d'ailleurs trèsconnus dans l'Eglise; il ne dit rien de Rutile, qui, après avoir long-temps fui devant les persécuteurs, tomba enfin entre leurs mains, et finit sa vie par le feu; ni de Mavilus, qui fut condamné aux bêtes, sous l'empire de Sévère; ni de Laurent, ni d'Ignace, ni de Célérine, ni de Bassus, ni de Fortunion, ni de tant d'autres illustres Carthaginois, dont les noms et les actions héroïques se seraient perdus sans les lettres de saint Cyprien, qui a pris soin de conserver les uns et les autres. On peut dire la même chose des calendriers qui ont été faits dans les siècles postérieurs : nous le voyons par le fameux missel Mosarabique, qui ne fait aucune mention de quelques Martyrs considérables d'Espagne, que les beaux vers de Prudence ont préservés de l'injure du temps; Zoël de Cordoue, Cucuphe de Barcelone,

(1) Hom. 28, 32, 13, 34.

T. XXIII.

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la vierge Encratis, et surtout les dix-huit Martyrs de Saragosse. Enfin, l'exemple de sainte Perpétue et de sainte Félicité, dont se sert Dodwel, pour prouver que l'on n'a rien omis dans ces calendriers, puisqu'on y a donné place à des femmes et à des esclaves; cet exemple, dis-je, prouve tout le contraire de ce qu'il prétend. Et nous ne nous servirons, pour l'en convaincre, que des paroles propres de saint Augustin. Voici comme il parle, au sermon 283. « Nous célébrons aujourd'hui la fête de deux saintes Martyres; et il conclut ainsi : des hommes en ce jour ont » aussi mérité l'honneur du triomphe; oui, ce même jour a été témoin de la victoire que des hommes généreux » ont remportée en répandant leur sang ; cependant ce n'est » pas leur nom qui a rendu ce jour recommandable (mais >> celui de ces admirables femmes); non que leur sexe soit » plus noble que celui des hommes, mais parce qu'il y a quelque chose de plus merveilleux à voir la faiblesse

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» d'une femme triompher de l'ancien ennemi des hommes.

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6. Noms de Martyrs omis dans les nouveaux calendriers.

Mais pourquoi remonter si haut, et quel besoin de recourir à des exemples si éloignés, puisqu'on peut observer la même chose dans les calendriers d'aujourd'hui, qui bien loin de comprendre les noms des Martyrs qui ont souffert dans les royaumes et dans les pays étrangers, ne comprennent pas même les noms de ceux qui ont rougi de leur sang la terre la plus proche ? La plupart des Eglises ne reconnaissent pas leurs propres patrons, et il arrive souvent que les Martyrs ou les évêques d'une Eglise reçoivent d'un peuple étranger, l'honneur que leur propre peuple ne songe pas à leur rendre. Cela provient, selon ma pensée, de ce que leurs sacrées reliques ont été transférées dans un autre lieu que celui qu'ils ont honoré de leur mort,

ou parce que leurs Actes se sont perdus. « Saint Patrocle,

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au rapport de saint Grégoire de Tours (1), était peu

» honoré du peuple de Troyes; sa sainteté était obscure,

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et son nom aussi peu connu que l'histoire de son Martyre; mais dès qu'elle eut été trouvée, on vit s'élever

une magnifique église sur son tombeau, et sa fête célé

» brée tous les ans avec un concours et une dévotion in

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croyable. » Voici encore une autre raison Fronton que allègue du peu de Martyrs qui se rencontrent dans les anciens calendriers (2); c'est, dit ce docte chanoine régulier, que l'on n'y insérait que les noms des saints dont la fête était solennisée par l'assemblée du peuple et par l'oblation publique du sacrifice; ce qu'il prétend appuyer d'un passage de saint Grégoire-le-Grand (3): « Nous avons, dit ce » saint pontife, les noms de presque tous les Martyrs, re» cueillis dans un volume et distribués dans tous les jours » de l'année, auxquels nous avons accoutumé de célébrer » solennellement la Messe à leur honneur. Ce n'est pas, ajoute-t-il, que ce recueil contienne toutes les circon>> stances de leur mort, ni les divers tourmens qu'ils ont endurés; on y a seulement marqué le nom du Saint, le jour et le lieu de son Martyre. Ainsi l'on peut, chaque jour du mois, honorer plusieurs fidèles de divers siècles et de différentes provinces, comme ayant reçu ce jour-là » la couronne du Martyre. » Voilà l'un des plus anciens Martyrologes, où l'on fait chaque jour mémoire de plusieurs Martyrs. Celui qu'on attribue à saint Jérôme (4), qui précède certainement tous ceux qui ont du moins paru jusqu'ici, met pareillement à chaque jour plusieurs Martyrs.

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(1) Lib. 1. mirac. c. 64. (2) In prænot. ad Calend. à se vulgat.

(3) Lib. 7, Ep. 9, indict. 1. (4) V. hujus Martyrol. Florentin.

edit. Lucæ 1668.

Fronton trouve encore de quoi fortifier son sentiment, dans ces paroles de saint Astère, évêque d'Amasée (1): si quelqu'un, dit-il, avait assez de dévotion envers les Martyrs pour vouloir honorer par une fête particulière, la mort et les souffrances de chacun d'eux, toute l'année serait pour lui une fête continuelle. Et c'est ce qui a donné lieu sans doute, à établir des solennités générales qui renfermassent tous les Martyrs d'une province. Le calendrier de Carthage en marque plusieurs : il y a une homélie de saint Chrysostôme, des Martyrs d'Egypte ; et rien n'est plus ordinaire dans les écrits des saints Pères, que ces sortes de discours, qui ont pour titre, des Martyrs, ou de tous les Martyrs.

Au reste, comme ces deux calendriers nous fournissent les noms de plusieurs Saints qui jusqu'ici nous étaient inconnus, et nous ôtent d'une manière presqu'infaillible et par leur seule lecture, tout ce qui pourrait nous rester de doute touchant quelques autres, nous avons cru les devoir joindre aux Actes que nous rapportons, comme un supplément de ceux qui nous manquent. Et il ne faut point douter que si nous avions les calendriers des autres Eglises, nous n'en tirassions les noms d'un très-grand nombre de Martyrs. Ce qu'il est facile de prouver, par quantité de passages des Pères, où par occasion il est fait mention de plusieurs solennités de Saints. Théodoret en nomme sept ou huit : c'est, disait ce Père aux Grecs de son temps, en leur reprochant le déréglement de leurs mœurs, qui se faisait voir jusque dans les actions les plus saintes ; c'est par de grands repas que le peuple célèbre la fête des saints Martyrs, Pierre, Paul, Thomas, Sergius, Léonce, Antoine, Maurice... On en trouve aussi dans Maxime (2), évêque de Madaure. Gildas

(1) In Encom. de SS. Martyrib.

(2) Lib. 8 de curand. Græcor. affection. Epist. inter Augustin. 16.

le sage, qui dans le cinquième siècle nous a laissé un si triste tableau des désastres de l'Angleterre, marque entre les Martyrs anglais, Alban, de Vérolame, Aaron et Julien, tous deux de la ville de Chester. Les calendriers de France, rapportés par saint Grégoire de Tours (1), nous en ont encore fourni quelques-uns. On y peut joindre Timothée et Appollinaire, célèbres à Rheims, et connus par le testament de saint Remy; Eutrope, premier évêque de Xaintes, que Fortunat chante dans ses vers; Amarand, révéré par le peuple d'Alby, et avec qui un évêque Eugène partagea la gloire du Martyre, durant la persécution d'Hunneric; Mallosus et Victor, à Cologne; Antolien, en Auvergne ; Baudil, à Nîmes, et Quentin, dans le Vermandois, dont saint Eloi releva pour la seconde fois les sacrées reliques du lieu qui les couvrait. Grégoire de Tours étend sa recherche jusqu'aux Martyrs étrangers : il nomme saint Clément, Pape, avec saint Jean et saint Paul; Sergius, Côme, Damien, Domitius, tous quatre fameux dans l'Orient; Isidore, dans l'île de Chio, et Polieucte, à Constantinople. Je sais que le témoignage de cet historien, souvent trop crédule, n'est pas toujours recevable dans les faits qu'il rapporte, et dans le récit des miracles qu'il nous débite avec une bonne foi peu éclairée, sur-tout ceux qui sont arrivés dans des temps éloignés du sien; on ne peut toutefois lui refuser créance pour les noms des Martyrs dont il nous a donné le catalogue. Mais aussi qu'on n'aille pas s'imaginer que les Martyrs de France, qu'il n'y a pas compris, soient pour cela des Saints nouvellement déterrés, puisqu'il s'en faut beaucoup que son catalogue soit exact, et qu'il en nomme plusieurs, dans son histoire, dont il ne parle nullement dans son livre des Martyrs, tels que son Cassius et

(1) Lib. de glor. Mar.

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